VII. Des templiers-maçons et de quelques pratiques des loges. Extrait, p.102

Certaines circonstances, certaines paroles des grades bavarois ou des écrits de Saint-Martin, ne supposent-elles pas aussi quelques-unes des conséquences pratiques de ces doctrines ? Les maçons eux-mêmes ne se sont-ils pas récriés, aussi bien que les profanes, contre les orgies de la loge de la Maçonnerie égyptienne d'adoption, fondée à Paris en 1782 par le fameux comte de Cagliostro ! Ne fut-on pas obligé de faire fermer, pour semblables causes, celles du même genre de Strasbourg, où ce monstrueux Adonis, dit un grave historien, croyait déjà nous avoir ramené aux mystères de la bonne déesse ou des Adamites ?

Les Sociétés secrètes destructrices de la propriété dans leurs grades et leurs interprétations autorisées. Extrait, p.149-150

Saint-Martin, lui, en homme plus habile, et en France avant 89, sans nier aussi radicalement le droit de propriété, le suppose, par concession, existant dans le principe, mais par des moyens imaginaires, en apparence, et l'attaque en fait, dans la justice civile elle-même, comme impossible à constater en droit ; ce qui est plus court et plus décisif encore.

« Je suppose, dit-il, tous les droits de propriété établis, je suppose le partage de la terre fait légitimement parmi les hommes, ainsi qu'il a eu lieu dès l'origine, par des moyens que l'ignorance ferait regarder aujourd'hui comme imaginaires. Alors, quand l'avarice, la mauvaise foi, l'incertitude même viendront à produire des contestations, qui pourra les terminer ? qui pourra assurer des droits menacés par l'injustice, et réhabiliter ceux qui auraient dépéri ? qui pourra suivre la filiation des héritages et des mutations, depuis le premier partage jusqu'au moment de la contestation ? Et cependant, comment remédier à tant de difficultés, sans avoir la connaissance évidente de la légitimité de ces droits, et sans pouvoir, à coup sûr, désigner le véritable propriétaire ? Comment juger sans avoir cette certitude, et comment oser prononcer, sans être sûr que l'on ne couronne pas une usurpation ? Or, personne n'osera nier que cette incertitude ne soit comme universelle ; d'où nous conclurons hardiment que la justice civile est souvent imprudente (pour ne pas dire toujours, comme le veut la logique) dans ses décisions,

« Mais voici où elle est bien plus condamnable encore, et où elle montre découvert sa témérité : c'est lorsque, dans [page 150] l'extrême embarras, où elle se trouve fréquemment, de reconnaître l'origine des différents droits et des différentes propriétés, elle fixe une borne à ses recherches, en assignant un temps, pendant lequel toute possession paisible devient légitime, ce qu'elle appelle prescription ; car je demande, dans le cas où la possession serait mal acquise, s'il est un temps qui puisse effacer une injustice. Il est donc évident que la loi civile agit d'elle-même en ce moment ; il est évident que c'est elle qui crée la justice, pendant qu'elle ne doit que l'exécuter, et qu'elle répète par là cette erreur universelle, par laquelle l'homme confond toujours les choses avec leur principe.

« ... Je ne peux donc me dispenser d'avouer combien la marché de la loi civile est défectueuse, tant dans ce qui regarde la personne des membres de la société, que dans ce qui regarde tous leurs droits de propriété : ce qui m'empêche absolument de regarder cette loi comme conforme au principe, qui devrait avoir dirigé l'association, et me force à reconnaître ici la main de l'homme, au lieu de cette main supérieure et éclairée qui devrait tout faire en sa place (Des erreurs et de la vérité, p. 317, 318, 319). »

Donc, il en est de la propriété comme des gouvernements de main d'homme : C'est un brigandage ; or, pour les brigandages il n'y a pas de lois (Déjà cilé, ibid. p. 298). »

Ainsi l'entend et l'explique L. Blanc : « Jamais, dit-il, en parlant du livre de St-Martin, ouvrage plus émouvant et plus singulier n'avait paru... Il y creusait la misère sociale jusqu'à d'effrayantes profondeurs, il ouvrait la terre jusqu'aux abîmes... La loi civile ? au milieu des débats qu'entraîne le partage illégitime du commun domaine, on la trouve s'égarant à la recherche du droit, ne sachant où se fixer, et, sous le nom de prescription, osant appeler justice une injustice qui dure (Hisloire de la Révolut., tome II, ch. 2, p. 100).