[D’Axël]

D’Axël devaient découler toute une philosophie et le drame humain et surhumain, et peut-être même cette physionomie si attirante d’Ashavérus, le juif toujours errant, symbole de l’anxiété perpétuelle du savant et du poète... Mais il faut, hélas ! compter avec la mort. Un destin avare n’a pas permis à l’écrivain de rendre définitive la plus intime agitation de son cerveau, et il a été frappé sans avoir pu couronner son plus haut édifice. Cependant c’est une joie immense pour nous, ses admirateurs dévotieux, de recueillir dans notre mémoire les phrases prestigieuses qui nous restent; et nous devons une reconnaissance profonde à celui qui s’est dévoué, temps et âme, pour cette reconstitution — à M. J.-K. Huysmans.1890 Axel Villiers

Ce livre étrange est divisé en quatre parties : le monde religieux, le monde tragique, le monde occulte et le monde passionnel — d’après la loi du quartenaire, qui, symbolysée [sic] par le carré et la croix, régit la matière et les actes humains.

Sara, une riche et noble orpheline, « libre comme dans un jardin », vit au fond d’un monastère de religieuses trinitaires, le cloître de Sainte-Apollodora, situé sur les confins du littoral de l’ancienne Flandre. Le jeûne, le cachot et la solitude font de la lumière en cette âme orgueilleuse, et elle signe l’abandon de ses biens au profit de la communauté. C’est une studieuse et une silencieuse, passant ses journées et ses nuits à la bibliothèque. Mais, par hasard, elle a découvert un mystérieux feuillet sur lequel des caractères de forme spéciale ont été gravés par un mage, maître Janus. Elle en pénètre le secret, et il est si redoutable qu’aux graves instants où les vœux doivent être pontificalement reçus Sara répond par un « non » irrémissible aux exhortations de l’archidiacre. Puis, restée seule avec le prêtre indigné, elle le force, la hache en main, à s’enfermer dans un tombeau de la chapelle — et s’échappe par la fenêtre vers les forêts et la Vie.

Axël d’Auërsberg apparaît dans le monde tragique. Ce mélancolique seigneur, où se mêlent si capricieusement l’âme d’Hamlet et celle de Faust, tue, chez lui, devant témoins, un de ses cousins, le commandeur, qui représente pour lui la vie réelle et le moyen de réussir peu scrupuleusement dans le monde et la cour. Le commandeur avait appris, en faisant causer un vieux domestique, qu’un trésor d'environ 350 millions de thalers était enfoui sous un bloc rocheux, parmi les bois voisins. Axël, outragé par les conseils perfides de cet homme vénal, se venge en un duel mortel.

C'est maître Janus, l'initiateur, qui est comme le pivot du monde occulte. Il répète à son élève, qui est encore troublé par le sang répandu, les infaillibles doctrines d’humilité et de désintéressement. Il doit dompter en lui toutes les passions, celui qui veut conquérir la Sagesse. Mais cette pensée de l’or si proche n’est pas restée inféconde dans le cerveau du jeune homme, où le commandeur la sema. Et il renonce à la Lumière, comme sa sœur lointaine avait renoncé à la Foi.

A ce moment même, Sara fugitive demande l’hospitalité au seigneur du château, et maître Janus se dit à lui-même : « Le Voile et le Manteau, tous deux renonciateurs, se sont croisés : l’Œuvre s’accomplit. »

Donc ces deux âmes juvéniles sont mûres pour l’ambition et l’amour. Le monde passionnel s’inaugure. Dans la galerie des sépultures, sous les cryptes du burg d'Auërsberg, Axël rencontre Sara. Grâce au talisman, elle a découvert le trésor, dont elle s’empare... Or Axël ne veut pas être dépouillé; et, comme deux ennemis, les voilà qui cherchent à se débarrasser l’un de l’autre par la poudre et le fer. Mais leur beauté mutuelle les fascine; ils interrompent le combat, tous deux épris. Ah! ils vont être de glorieux époux, puisqu’ils seront riches et amoureux! Malheureusement, Axël s'écrie : « Accepter désormais de vivre ne serait plus qu’un sacrilège envers nous-mêmes. Vivre? les serviteurs feront cela pour nous. Rassassiés [sic] pour une éternité, levons-nous de table et, en toute justice, laissons aux malheureux, dont la nature est de ne pouvoir mesurer qu’à la Sensation la valeur des réalités, le soin de ramasser les miettes du festin. — J’ai trop pensé pour daigner agir!» Sara s’effare d'abord, puis accepte, et ensemble ils s'empoisonnent entrelacés.

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