1820 Feller dictionnaire1820 -1849 - Feller - Bibliographie universelle

Dictionnaire historique de l'abbé F.X. de Feller

La première version que nous avons trouvé de la biographie et de la bibliographie de Saint-Martin se trouve dans l'édition de 1820 du Dictionnaire historique de l'abbé F.X. Feller (1735-1802). Il existe plusieurs éditions de ce dictionnaire historique : 1823, 1832, 1833, 1836, 1836, etc.

Nous présentons les articles sur Saint-Martin à partir de l'année 1820.

Ce dictionnaire reprend en partie, surtout en ce qui concerne la bibliographie, les informations que l'on trouve dans tous les dictionnaires, biographies et bibliographies qui sont publiées depuis l'article de Tourlet en 1804 dans les Archives littéraires de l'Europe.

Sur la vie du Philosophe inconnu, plusieurs imprécisions sont manifestes : la date de son décès est le 14 octobre 1803 et non le 15. Saint-Martin est bien allé deux fois en Italie et une fois en Angleterre, mais n'est jamais allé en Allemagne ni en Suisse.

Voici les différentes éditions du Dictionnaire historique de l'abbé Feller qui citent peu ou prou Louis-Claude de Saint-Martin.
[Mis à jour le 09/10/2020]

- Édition de 1820 : Supplément, article Saint-Martin
- Édition de 1832 : Article Saint-Martin
- Édition de 1833 : Article Saint-Martin - Cet article est identique à celui de 1832.
- Édition de 1836 : Article Kirchberger
- Édition de 1839 : Article Saint-Martin
- Édition de 1849 : Articles Saint-Martin et Kirchberger


Supplément au Dictionnaire historique de l'abbé F.X. de Feller

1820 Feller dictionnaireformant la suite de la nouvelle édition, revue et corrigée sur la troisième, et augmentée de quatre volumes.
Paris chez Méquignon - Lyon chez MM. Guot frères, Libraires - R-V
Tome douzième, 1820 - Supplément au Dictionnaire historique de l'abbé F.X. de Feller

Article Saint-Martin (pages 133-135)

SAINT-MARTIN (Louis-Claude de), naquit à Amboise le 18 janvier 1743. Il appartenait à une famille distinguée dans les armes, fit de bonnes études, et possédait plusieurs langues anciennes et modernes. Dans sa jeunesse il entra au service, mais cet état n’était guère conforme à ses inclinations naturelles : aussi il le quitta au bout de six ans : Saint-Martin avait un caractère tranquille, aimait l’étude et le recueillement, où il se plongeait dans ses idées métaphysiques. Après avoir voyagé en Suisse, en Allemagne, en Angleterre et en Italie, il revint à Lyon où il demeura trois ans, presque inconnu, dans la retraite, ne voyant qu’un petit nombre d'amis. Il mena la même vie obscure et paisible à Paris, où il s’était rendu après cette époque ; impassible au milieu des évènements de la révolution, il put en éviter les suites. Il ne blâmait ni ne louait rien avec excès, et son âme, concentrée en elle-même, ne se nourrissait que d'idées philosophiques, ne regardait  les affreuses scènes qui se passaient autour d'elle que comme des maux inévitables ou mérités. Malgré l'obscurité dans laquelle il se plaisait ou il affectait de vivre, il trouva un grand nombre d’admirateurs et beaucoup de disciples, connus sous le nom de martinistes ; il dut ceux-ci à un ouvrage qu’il publia et dont nous allons parler. Il était lié avec le sénateur le Noir-La-Roche, dans la maison duquel, à Aunay, il mourut le 15 [sic pour 14] octobre 1803, à l’âge de soixante ans.

On a de lui :

I Des Erreurs et de la Vérité, ou les hommes rappelés au principe universel de la science, 1775, in-8°. Ce livre fit beaucoup de bruit dans le temps, et, par son obscurité et par ses paradoxes, il pourrait bien mériter à son auteur le surnom de Kant français. En effet, Saint-Martin, avec sa nouvelle Idéologie, ne se rend pas moins inintelligible que le philosophe allemand ; mais, ainsi que ce dernier, il eut des sectaires qui l'admiraient et ne l’entendaient pas. Quelle est donc la science ? Selon lui, c’est la révélation naturelle ; et cette même révélation, qu’est-elle en substance ? C’est ce que Saint-Martin ou n’a pas su concevoir ou qu’il a mal expliqué. «Son système, dit M. Toulet [au lieu de Tourlet], a pour but d’expliquer tout par l’homme. L’homme, selon Saint-Martin, est la clef de toute énigme et l'image de toute vérité : prenant ensuite à [p.134] la lettre le fameux oracle de Delphes, nosce te ipsum, il soutient que pour ne pas se méprendre sur l'existence et l'harmonie des êtres composant l’univers, il suffît à l'homme de se bien connaître lui-même ; parce que le corps de l’homme a un rapport nécessaire avec tout ce qui est visible, et que son esprit est le type de tout ce qui est invisible ; que l'homme doit étudier et ses facultés physiques dépendantes de l'organisation de son corps, et ses facultés intellectuelles dont l'exercice est souvent influencé par les sens ou par les objets extérieurs, et ses facultés morales ou sa conscience, qui suppose en lui une volonté libre ; c'est dans cette étude qu'il doit chercher la vérité, et il trouvera en lui-même tous les moyens nécessaires pour y arriver. Voilà ce que Saint-Martin appelle la révélation naturelle. Par exemple, la plus légère attention suffit, dit-il, pour nous apprendre que nous ne communiquons, et que nous ne formons même aucune idée, qu'elle ne soit précédée d’un tableau ou d'une image engendrée par notre intelligence ; c’est ainsi que nous créons le plan d'un édifice ou d'un ouvrage quelconque. Notre faculté créatrice est vaste, active, inépuisable ; mais en l'examinant de près, nous voyons qu'elle n’est pas secondaire, temporelle, dépendante, c'est-à-dire qu'elle doit son origine à une faculté créatrice supérieure, indépendante, universelle, dont la nôtre n’est qu’une faible copie. L'homme est donc un type qui doit avoir son“prototype ; c'est une effigie, une monnaie qui suppose une matrice, et le Créateur ne pouvant puiser que dans son propre fonds, a dû se peindre dans ses œuvres, et retracer en nous son image et sa ressemblance, base essentielle de toute réalité. Malgré le rapport et la tendance que nous conservons vers ce centre commun, nous avons pu, en vertu de notre libre arbitre, nous en approcher ou nous en éloigner. La loi naturelle nous ramène constamment à notre première origine, et tend à conserver en nous l'empreinte de l'image primitive ; mais notre volonté peut refuser d'obéir à cette loi ; et alors la chaîne naturelle étant interrompue, notre type ne se rapporte plus à son modèle, il n'en dépend plus, et la place sous l’influence des êtres corporels qui ne doivent servir qu'à exercer nos facultés créatrices, et par lesquelles nous devons naturellement remonter à la source de tout bien et de toute jouissance. Cette disposition vicieuse une fois contractée par notre faute, peut, comme les autres facultés organiques, se transmettre par la voie de la génération : ainsi nous héritons des vices de nos parents. Mais la vertu, mais l'étude et la bonne volonté pourront toujours diminuer ou détruire ces affections dépravées, et corriger en nous ces altérations faites à 1’image de la Divinité ;  nous pouvons, en un mot, nous régénérer, et seconder ainsi les vues réparatrices de l’Homme-Dieu ».
Malgré cette analyse que nous avons rapportée en entier, on ne voit rien d'un peu clair dans la doctrine de Saint-Martin, sinon que Dieu voit tout en l'homme, qui est son image, tandis que Mallebranche voit, comme cela doit être, tout en Dieu, comme le principe infini d’où dérive tout ce qui est créé. « Celui qui connaît Dieu, disaient les philosophes anciens, devient Dieu lui-même. » Et Saint-Martin soutient, « que l’homme vertueux [p.135] redevient l’image de Dieu. » Parmi plusieurs maximes erronées, ou mal conçues du philosophe français, celle-ci est plus à la portée de tout le monde : Il est bon, dit il, de jeter continuellement les yeux sur la science, pour ne pas se persuader qu'on sait quelque chose ; sur la justice, pour ne pas se croire irréprochable ; sur toutes les vertus, pour ne pas penser qu'on les possède. Le livre de Saint-Martin a trouvé beaucoup de partisans en Angleterre, et on en a imprimé à Londres une suite en anglais et en 2 volumes ; mais l'auteur français n'y a eu aucune part, et elle s’éloigne des principes de son système.

Ses autres ouvrages, sont :

II Tableau de l’ordre social. III Ministère de l’Homme-Esprit. IV Eclair sur l'association humaine. Il y cherche les fondements du pacte social dans le régime théocratique, et les communications entre Dieu et l'homme. V Le Livre rouge. VI Ecce Homo. VII L'Homme de désir. VIII Le Cimetière d'Amboise. IX Le Crocodile, ou La Guerre du bien et du mal, arrivée sous le règne de Louis XV, poème épico-macaronique en 102 chants, 1799, in-8. C’est l’ouvrage le plus obscur qu’ait enfanté l'imagination ténébreuse de l'auteur, et qui ne fait nul honneur à ses talents poétiques. On y voit figurer un Jof (la foi), un Sédir (le désir), et un Ourdeck (le jeu), qui sont la clef de tout le poème, sans que cela le rende ni moins ennuyant ni plus intelligible. Il a traduit de l’allemand de Bœhm [Bahm] les Principes, l’Aurore naissante, etc. 

Saint-Martin avait, dit-on, un caractère doux, bienfaisant ; ses connaissances étaient très variées ; il aimait les arts et surtout la musique. Ses auteurs favoris [de préférence] étaient Burlamaqui et Rabelais : il lisait ce premier pour s’instruire, et c’est de lui, dit-il, qu’il puisa le goût de la méditation ; il lisait le second pour son amusement : et en voilà assez de ces deux écrivains pour se gâter l’esprit et corrompre les meilleurs principes.


1828 - Dictionnaire historique, ou histoire abrégée des hommes- T 15

1828 FellerDictionnaire historique, ou histoire abrégée des hommes qui se sont fait un nom par leur génie, leurs talents, leurs vertus, leurs erreurs ou leurs crimes, depuis de commencement du monde jusqu'à nos jours par l'abbé F. X. De Feller
Septième édition - Paris - Méquignon-Havard
Tome quinzième - 1828 - Dictionnaire historique, ou histoire abrégée des hommes

Article Saint-Martin (p.175-177)

SAINT-MARTIN (Louis-Claude ), né à Amboise le 18janvier 1743, appartenait à une famille distinguée dans les armes, fit de bonnes études, et possédait plusieurs langues anciennes et modernes. Dans sa jeunesse, il entra au service, mais cet état n'était guère conforme à ses inclinations naturelles: aussi il le quitta au bout de six ans. Saint-Martin avait un caractère tranquille, aimait l'étude et le recueillement, où il se plongeait dans ses idées métaphysiques. Après avoir voyagé en Suisse, en Allemagne, en Angleterre et en Italie, il revint à Lyon, où il demeura trois ans, presque inconnu, dans la retraite, ne voyant qu'un petit nombre d'amis. Il mena la même vie obscure et paisible à Paris, où il s'était rendu après cette époque; impassible au milieu des événements de la révolution, il put en éviter les suites. Il ne blâmait ni ne louait rien avec excès, et son âme, concentrée en elle-même, ne se nourrissait que d'idées philosophiques; ne regardant les affreuses scènes qui se passaient autour de lui que comme des maux inévitables ou mérités. Malgré l'obscurité dans laquelle il se plaisait ou affectait de vivre, il trouva un grand nombre d'admirateurs et beaucoup de disciples, connus sous le nom de martinistes; il dut ceux-ci à un ouvrage qu'il publia, et dont nous allons parler. Il était lié avec le sénateur Le Noir-Laroche, dans la maison duquel il mourut, à Aunay, le 15 [sic pour 14] octobre 1804, à l'âge de soixante ans.

On a de lui :

I Des Erreurs et de la Vérité, ou les hommes rappelés au principe universel de la science, 1775, in-8°. Ce livre fit beaucoup de bruit dans le temps, et, par son obscurité et par ses paradoxes, il pourrait bien [p.176] mériter à son auteur le surnom de Kant français. En effet, Saint-Martin, avec sa nouvelle Idéologie, ne se rend pas moins inintelligible que le philosophe allemand ; mais, ainsi que ce dernier, il eut des sectaires qui l'admiraient et ne l’entendaient pas. Quelle est donc la science ? Selon lui, c’est la révélation naturelle ; et cette même révélation, qu’est-elle en substance ? C’est ce que Saint-Martin ou n’a pas su concevoir ou qu’il a mal expliqué. «Son système, dit M. Toulet [au lieu de Tourlet], a pour but d’expliquer tout par l’homme. L’homme, selon Saint-Martin, est la clef de toute énigme et l'image de toute vérité : prenant ensuite à [p.134] la lettre le fameux oracle de Delphes, nosce te ipsum, il soutient que pour ne pas se méprendre sur l'existence et l'harmonie des êtres composant l’univers, il suffît à l'homme de se bien connaître lui-même ; parce que le corps de l’homme a un rapport nécessaire avec tout ce qui est visible, et que son esprit est le type de tout ce qui est invisible ; que l'homme doit étudier et ses facultés physiques dépendantes de l'organisation de son corps, et ses facultés intellectuelles dont l'exercice est souvent influencé par les sens ou par les objets extérieurs, et ses facultés morales ou sa conscience, qui suppose en lui une volonté libre ; c'est dans cette étude qu'il doit chercher la vérité, et il trouvera en lui-même tous les moyens nécessaires pour y arriver. Voilà ce que Saint-Martin appelle la révélation naturelle. Par exemple, la plus légère attention suffit, dit-il, pour nous apprendre que nous ne communiquons, et que nous ne formons même aucune idée, qu'elle ne soit précédée d’un tableau ou d'une image engendrée par notre intelligence ; c’est ainsi que nous créons le plan d'un édifice ou d'un ouvrage quelconque. Notre faculté créatrice est vaste, active, inépuisable ; mais en l'examinant de près, nous voyons qu'elle n’est pas secondaire, temporelle, dépendante, c'est-à-dire qu'elle doit son origine à une faculté créatrice supérieure, indépendante, universelle, dont la nôtre n’est qu’une faible copie. L'homme est donc un type qui doit avoir son“prototype ; c'est une effigie, une monnaie qui suppose une matrice, et le Créateur ne pouvant puiser que dans son propre fonds, a dû se peindre dans ses œuvres, et retracer en nous son image et sa ressemblance, base essentielle de toute réalité. Malgré le rapport et la tendance que nous conservons vers ce centre commun, nous avons pu, en vertu de notre libre arbitre, nous en approcher ou nous en éloigner. La loi naturelle nous ramène constamment à notre première origine, et tend à conserver en nous l'empreinte de l'image primitive ; mais notre volonté peut refuser d'obéir à cette loi ; et alors la chaîne naturelle étant interrompue, notre type ne se rapporte plus à son modèle, il n'en dépend plus, et la place sous l’influence des êtres corporels qui ne doivent servir qu'à exercer nos facultés créatrices, et par lesquelles nous devons naturellement remonter à la source de tout bien et [p.177] de toute jouissance. Cette disposition vicieuse une fois contractée par notre faute, peut, comme les autres facultés organiques, se transmettre par la voie de la génération : ainsi nous héritons des vices de nos parents. Mais la vertu, mais l'étude et la bonne volonté pourront toujours diminuer ou détruire ces affections dépravées, et corriger en nous ces altérations faites à 1’image de la Divinité ;  nous pouvons, en un mot, nous régénérer, et seconder ainsi les vues réparatrices de l’Homme-Dieu ».
Malgré cette analyse que nous avons rapportée en entier, on ne voit rien d'un peu clair dans la doctrine de Saint-Martin, sinon que Dieu voit tout en l'homme, qui est son image, tandis que Mallebranche voit, comme cela doit être, tout en Dieu, comme le principe infini d’où dérive tout ce qui est créé. « Celui qui connaît Dieu, disaient les philosophes anciens, devient Dieu lui-même. » Et Saint-Martin soutient, « que l’homme vertueux [p.135] redevient l’image de Dieu. » Parmi plusieurs maximes erronées, ou mal conçues du philosophe français, celle-ci est plus à la portée de tout le monde : Il est bon, dit il, de jeter continuellement les yeux sur la science, pour ne pas se persuader qu'on sait quelque chose ; sur la justice, pour ne pas se croire irréprochable ; sur toutes les vertus, pour ne pas penser qu'on les possède. Le livre de Saint-Martin a trouvé beaucoup de partisans en Angleterre, et on en a imprimé à Londres une suite en anglais et en 2 volumes ; mais l'auteur français n'y a eu aucune part, et elle s’éloigne des principes de son système.

Ses autres ouvrages, sont :

2. Tableau de l’ordre social. 3. Ministère de l’Homme-Esprit. 4. Eclair sur l'association humaine. Il y cherche les fondements du pacte social dans le régime théocratique, et les communications entre Dieu et l'homme. 5. Le Livre rouge. 6. Ecce Homo. 7. L'Homme de désir. 8. Le Cimetière d'Amboise. 9. Le Crocodile, ou La Guerre du bien et du mal, arrivée sous le règne de Louis XV, poème épico-macaronique [sic pour magique] en 102 chants, 1799, in-8. C’est l’ouvrage le plus obscur qu’ait enfanté l'imagination ténébreuse de l'auteur, et qui ne fait nul honneur à ses talents poétiques. On y voit figurer un Jof (la foi), un Sédir (le désir), et un Ourdeck (le jeu), qui sont la clef de tout le poème, sans que cela le rende ni moins ennuyant ni plus intelligible. Il a traduit de l’allemand de Bœhm les Principes, l’Aurore naissante.

St-Martin avait, dit-on, un caractère doux, bienfaisant ; ses connaissances étaient très variées ; il aimait les arts et surtout la musique. Ses auteurs favoris étaient Burlamaqui et Rabelais : il lisait ce premier pour s’instruire, et c’est de lui, dit-il, qu’il prit le goût de la méditation ; il lisait le second pour son amusement. Nous pensons au contraire qu’il y a assez de ces deux écrivains pour se gâter l’esprit et se le cœur.


1832 – Feller - Dictionnaire historique

1832 feller1832 - Feller - Dictionnaire historique, ou histoire abrégée de hommes qui se sont fait un nom par leur génie, leurs talens, leurs vertus, leurs erreurs ou leurs crimes, depuis le commencement du monde jusqu'à nos jours

par Feller, F.-X. de (François-Xavier), 1735-1802

Date de publication 1832 - Tome Douzième

1832 – Feller - Dictionnaire historique

Article Saint-Martin, p.39-42  

Cette notice sur Saint-Martin sera légèrement modifiée lors de la parution du tome 18 en 1836. Une autre édition de la Biographie paraîtra en 1848, dans laquelle on retrouvera à peu de choses près le même article.

SAINT-MARTIN (Louis-Claude de), surnommé le Philosophe inconnu né à Amboise le 18 janvier 1743, appartenait à une famille distinguée dans les armes, fit de bonnes études, et possédait plusieurs langues anciennes et modernes. Il s’était plu dans la lecture du livre du théologien protestant Abbadie, sur l'Art de se connaître soi-même, et c'est là qu'il avait puisé la plus grande partie de ses principes de conduite. Destiné par ses parents à la magistrature, il étudia le droit ; mais ensuite, préférant la carrière des armes, qui lui laissait plus de loisir pour s'occuper de ses méditations philosophiques, il entra, à l'âge de 22 ans, dans le régiment de Foix en qualité de lieutenant. Il fut initié alors, par des formules, des rites et des pratiques, à la secte dite des Martinistes, du nom de Martinez - Pasqualis qui en était le chef. Quoiqu’il n'adopta point entièrement les [p.40] doctrines de cette secte, ce fut par-là qu'il entra dans les voies du spiritualisme. L'état militaire n'étant guère conforme à ses inclinations, il le quitta au bout de six ans. Saint-Martin avait un caractère tranquille, aimait l'étude et le recueillement, où il se plongeait dans ses idées métaphysiques. Après avoir voyagé en Suisse, en Allemagne, en Angleterre et en Italie, il revint à Lyon, où il demeura trois ans, presque inconnu, dans la retraite, ne voyant qu'un petit nombre d'amis. Il mena la même vie obscure et paisible à Paris, où il s'était rendu après cette époque ; impassible au milieu des évènements de la révolution , il put en éviter les suites. Il ne blâmait ni ne louait rien avec excès, et son âme, concentrée en elle-même, ne se nourrissait que d'idées philosophiques, ne regardant les affreuses scènes qui se passaient autour de lui que comme des maux inévitables ou mérités. Il voyait dans la révolution les desseins terribles de la Providence, comme il crut trouver plus tard un grand instrument temporel dans Buonaparte [sic]. Expulsé de Paris en 1794 comme noble, il fut arrêté peu de temps après dans la retraite qu'il s'était choisie, comme faisant partie de la prétendue conjuration de la mère de Dieu, Catherine Théos. Le 9 thermidor le rendit à la liberté. Vers la lin de la même année, il fut désigné par le district d'Amboise, sa patrie, comme un des élèves de l'école normale. Il publia ensuite un grand nombre d'ouvrages qui ont été commentés et traduits en partie, principalement dans les langues du nord de l'Europe. Nous citerons les suivants :

1. Des Erreurs et de la Vérité, ou les hommes rappelés au principe universel de la science, par un philosophe inconnu, Edimbourg (Lyon), 1775, in-8°. Ce livre fit beaucoup de bruit dans le temps ; Cependant il est inintelligible. Quelle est la science ? Selon lui, c'est la révélation naturelle ; et cette même révélation, qu'est-elle en substance ? C'est ce que Saint-Martin, ou n’a pas su concevoir, ou qu'il a mal expliqué. « Son système, dit M. Toulet [sic pour Tourlet], a pour but d'expliquer tout par l'homme. L'homme, selon Saint-Martin, est la clef de toute énigme et l'image de toute vérité : prenant ensuite à la lettre le fameux oracle de Delphes, nosce te ipsum, il soutient que pour ne pas se méprendre sur l'existence et l'harmonie des êtres composant l'univers, il suffit à l'homme de se bien connaître lui-même, parce que le corps de l'homme a un rapport nécessaire avec tout ce qui est visible, et que son esprit est le type de tout ce qui est invisible ; que l'homme doit étudier, et ses facultés physiques dépendantes de l'organisation de son corps, et ses facultés intellectuelles, dont l'exercice est souvent influencé par les sens ou par les objets extérieurs, et ses facultés morales ou sa conscience, qui suppose en lui une volonté libre ; c'est dans cette étude qu'il doit chercher la vérité, et il trouvera en lui-même tous les moyens nécessaires pour y arriver. Voilà ce que Saint-Martin appelle la révélation naturelle. Par exemple, la plus libère attention suffit, dit-il, pour nous apprendre que nous ne communiquons, et que nous ne formons même aucune idée, qu'elle ne soit précédée d'un tableau ou d'une image engendrée par notre intelligence ; c'est ainsi que nous créons le plan d'un édifice ou d'un ouvrage quelconque. Notre faculté créatrice est vaste, active, inépuisable ; mais en l'examinant de près, nous voyons qu'elle est secondaire, temporelle, dépendante, c'est-à-dire qu'elle doit son origine à une faculté créatrice, supérieure, indépendante, universelle, dont la nôtre n'est qu'une faible copie. L'homme est donc un type qui doit avoir son prototype ; c'est une effigie, une monnaie qui suppose une matrice, et le Créateur ne pouvant puiser que dans son propre fonds, a dû se peindre dans ses œuvres, et retracer en nous son image et sa ressemblance, base essentielle de toute réalité. Malgré le rapport et la tendance que nous conservons vers ce centre commun, nous avons pu, en vertu de notre libre arbitre, nous en approcher ou nous en éloigner. La loi naturelle nous ramène constamment à notre première origine, et tend à conserver en nous l'empreinte de l'image primitive ; mais notre volonté peut refuser d'obéir à cette loi ; et alors la chaîne naturelle étant interrompue, notre type ne se rapporte plus à son modèle, il n'en dépend plus, et le place sous l'influence des êtres corporels qui ne doivent servir qu'à exercer nos facultés créatrices, et par lesquelles nous devons naturellement remonter à la source de tout bien et de toute jouissance. Cette disposition vicieuse, une fois contractée par notre faute, peut, comme les autres facultés organiques, se transmettre par la voie de la génération : ainsi nous héritons des vices de nos parents. Mais la vertu, mais l'étude et la bonne volonté pourront toujours diminuer ou détruire ces affections dépravées, et corriger en nous ces altérations faites à l'image de la Divinité ; nous pouvons en un mot nous régénérer, et seconder ainsi les vues réparatrices de l’Homme-Dieu. »

Malgré cette analyse que nous avons rapportée en entier, on ne voit d’un peu clair dans la doctrine de Saint-Martin, sinon que Dieu voit tout en l’homme, qui est son image, tandis que Malebranche voit, comme cela doit être, tout en Dieu, comme le principe infini d’où dérive tout ce qui est créé. « Celui qui connait Dieu, disaient les philosophes anciens, devient Dieu lui-même ». Parmi plusieurs maximes erronées, celle-ci est plus à la portée de tout le monde : il est bon de jeter continuellement les yeux sur la science, pour ne pas se persuader qu'on sait quelque chose ; sur la justice, pour ne pas se croire irréprochable; sur toutes les vertus , pour ne pas penser qu'on les possède. Le livre de Saint-Martin a trouvé beaucoup de partisans en Angleterre, et on en a imprimé à Londres une suite en anglais, 1784 , en 2 volumes in-8 ; mais l'auteur français n'y a eu aucune part, et elle s'éloigne des principes de son système.

2. Le ministère de l’homme-esprit, Paris, an 11 (1802), 3 part. in-8°;  

3.Eclair sur l'association humaine, an 5 (1797), in-8. Il y cherche les fondements du pacte social dans le régime théocratique ; et les communications entre Dieu et l'homme ;  

4. Le Livre rouge;

5. Ecce Homo, Paris, an 4 (1796 ), in-12 ;

6. L'Homme de désir, Lyon , 1790, in-8° , nouv. édit., Metz , an 10 (1802), in-12 ;

7. Le cimetière d'Amboise ;

8. Le Crocodile ou La Guerre du bien et du mal arrivée sous le règne de Louis XV, poème épico-macaronique en 102 chants, Paris, 1799, in-8°. C'est l'ouvrage le plus obscur qu'ait enfanté l'imagination ténébreuse de l'auteur, et qui ne fait nul honneur à ses talents poétiques. On y voit figurer un Jof (la foi), un Sédir (le désir), et un Ourdeck (le jeu), qui sont la clef de tout le poème, sans que cela le rende ni moins ennuyeux, ni plus intelligible ;

9. Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l'homme et l'univers, deux parties, Edimbourg, (Lyon, 1782, in-8°), traduit en allemand, ainsi que le livre des Erreurs;

10. Le Nouvel Homme, 1796, in-8°;  

11. De l'esprit des choses ou Coup-d'œil philosophique sur la nature des êtres, etc., Paris, an 8 (1800), 2 vol. in-8° ;

12. Lettre à un ami, ou Considérations politiques, philosophiques et religieuses sur la révolution française, Paris, an 3 (1795), in-8;  

13. Réflexions d'un observateur sur la question proposée par l'institut : Quelles sont les institutions les plus propres à fonder la morale d'un peuple, an 6 (1798) , in-8;

14. Discours en réponse au citoyen Garât, professeur d'entendement humain aux écoles normales, sur l'existence d'un sens moral, etc., imprimé dans la Collection des Débats, des écoles normales, an 1801, tome 3 ;

15. Essai sur celle question proposée par l'institut : Déterminer l'influence des signes sur la formation des idées, an 7 (1799), in-8° de 80 pages.

Saint-Martin a traduit de l'allemand de Bœhm les Principes, l'Aurore naissante. Il avait, dit-on, un caractère doux, bienfaisant ; ses connaissances étaient très variées ; il aimait les arts, et surtout la musique. Ses auteurs favoris [42] étaient Burlamaqui et Rabelais ; il lisait le premier pour s'instruire, et c'est de lui, dit-il, qu'il prit le goût de la méditation ; il lisait le second pour son amusement. Nous pensons au contraire qu'il y a assez de ces deux écrivains pour se gâter l'esprit et se corrompre le cœur. Les Œuvres posthumes de Saint-Martin ont été publiées à Tours, 1807, 2 vol. in-8 ;; on y trouve un Journal depuis 1782, dans lequel l'auteur a rapporté les entretiens, les relations, etc. qu'il avait eus ; ce morceau est intitulé : Portrait de Saint-Martin fait par lui-même. Plusieurs biographes ont confondu Saint-Martin avec Martinez-Pasqualis auquel nous n’avons point consacré d’article, et qui fut le chef de la secte des Martinistes, dont Saint-Martin fit d’abord partie. On croit que Martinez était un juif portugais. En 1754, il s’annonça par l’institution d’un Rite cabalistique d’élus, dits cohens, mot hébreu qui veut dire prêtre ; il l’introduisit dans quelques loges maçonniques de France. Après avoir prêché sa doctrine à Paris, il s’embarqua pour St-Domingue, et il mourut au Port-au-Prince en 1779 [sic pour 1774]. Ses écrits et ceux de ses disciples font croire que sa doctrine est cette cabale des Juifs qui est leur métaphysique, c'est-à-dire la science de l’être comprenant les notions de Dieu, des esprits et de l’homme dans ses divers états.


1833 - Feller - Dictionnaire historique

1833 feller dictionnaire historiqueDictionnaire historique
par l’abbé F[rançois] X[avier] de Feller (1733-1802)
Huitième édition
Revue avec soin et continuée jusqu’à nos jours par une société de savants et d’ecclésiastiques.
Tome douzième
Paris
E. Houdaille, libraire-éditeur. Rue du Coq Saint Honoré, 11. - Delloye, Place de la Bourse, 13
1836 - Feller - Dictionnaire historique

Article Saint-Martin, pages 39-42

SAINT-MARTIN (Louis-Claude de), surnommé le Philosophe inconnu, né à Amboise le 18 janvier 1743, appartenait à une famille distinguée dans les armes, fit de bonnes études, et possédait plusieurs langues anciennes et modernes. Il s’était plus dans la lecture du livre du théologien protestant, Abbadie, sur l’Art de se connaître soi-même, et c’est là qu’il avait puisé la plus grande partie de ses principes de conduite. Destiné par ses parents à la magistrature, il étudia le droit ; mais ensuite, préférant la carrière des armes, qui lui laissait plus de loisir pour s’occuper de ses méditations philosophiques, il entra, à l’âge de 22 ans, dans le régiment de Foix en qualité de lieutenant. Il fut initié alors, par des formules, des rites et des pratiques, à la secte dite des Martinistes, du nom de Martinez Pasqualis qui en était le chef. Quoiqu’il n’adoptât point entièrement les [40] doctrines de cette secte, ce fut par-là qu’il entra dans les voies du spiritualisme. L’état militaire n’étant guère conforme à ses inclinations, il le quitta au bout de six ans. Saint-Martin avait un caractère tranquille, aimait l'étude et le recueillement, où il se plongeait dans ses idées métaphysiques. Après avoir voyagé en Suisse, en Allemagne, en Angleterre et eu Italie, il revint à Lyon, où il demeura trois ans, presque inconnu, dans la retraite, ne voyant qu’un petit nombre d’amis. Il mena la même vie obscure et paisible à Paris, où il s’était rendu après cette époque ; impassible au milieu des évènements de la révolution, il put en éviter les suites. Il ne blâmait ni ne louait rien avec excès, et son âme, concentrée en elle-même  ne se nourrissait que d’idées philosophiques, ne regardant les affreuses scènes qui se passaient autour de lui que comme des maux inévitables ou mérités. Il voyait dans la révolution les desseins terribles de la Providence, comme il crut trouver plus tard un grand instrument temporel dans Buonaparte [sic]. Expulsé de Paris en 1794 comme noble, il fut arrêté peu de temps après dans la retraite qu’il s’était choisie, comme faisant partie de la prétendue conjuration de la mère de Dieu, Catherine Theos. Le 9 thermidor le rendit à la liberté. Vers la fin de la même année, il fut désigné par le district d’Amboise, sa patrie, comme un des élèves de l’école normale. Il publia ensuite un grand nombre d’ouvrages qui ont été commentés et traduits en partie, principalement dans les langues du nord de l’Europe. Nous citerons les suivants : 1° Des Erreurs et de la Vérité, ou les hommes rappelés au principe universel de la science, par un philosophe inconnu, Edimbourg ( Lyon ), 1775, in-8. -Ce livre fit beaucoup de bruit dans le temps ; cependant il est inintelligible. Quelle est la science ? Selon lui, c’est la révélation naturelle ; et cette même révélation, qu’est-elle en substance ? C'est ce que Saint-Martin, ou n’a pas su concevoir, ou qu’il a mal expliqué. «Son système, dit M. Toulet [sic], a pour but d’expliquer tout par l’homme. L’homme, selon Saint-Martin, est la clef de toute énigme et l’image de toute vérité : prenant ensuite à la lettre le fameux oracle de Delphes, nosce te ipsum, il soutient que pour ne pas se méprendre sur l’existence et l’harmonie des êtres composant l’univers, il suffît à l’homme de se bien connaître lui-même ; parce que le corps de l’homme a un rapport nécessaire avec tout ce qui est visible, et que son esprit est le type de tout ce qui est invisible ; que l’homme doit étudier et ses facultés physiques dépendantes de l’organisation de son corps, et ses facultés intellectuelles dont l’exercice est souvent influencé par les sens ou par les objets extérieurs, et ses facultés morales ou sa conscience, qui suppose en lui une volonté libre ; c’est dans cette étude qu’il doit chercher la vérité, et il trouvera en lui-même tous les moyens nécessaires pour y arriver. Voilà ce que Saint-Martin appelle la révélation naturelle. Par exemple, la plus légère attention suffit, dit-il, pour nous apprendre que nous ne communiquons, et que nous ne formons même aucune idée, qu’elle ne soit précédée d’un tableau ou d’une image engendrée par notre intelligence ; c’est ainsi que nous créons le plan d’un édifice ou d’un ouvrage quelconque. Notre faculté créatrice est vaste, active, inépuisable ; mais en l’examinant de près, nous voyons qu’elle n’est pas secondaire, temporelle, dépendante, c’est-à-dire qu’elle doit son origine à une faculté créatrice supérieure, indépendante, universelle, dont la nôtre n’est qu’une faible copie. L’homme est donc un type qui doit avoir son prototype ; c'est une effigie, une monnaie qui suppose une matrice, et le Créateur ne pouvant puiser que dans son propre fonds, a dû se peindre dans ses œuvres, et retracer en nous son image et sa ressemblance, base essentielle de toute réalité. Malgré le rapport et la tendance que nous conservons vers ce centre commun, nous avons pu, en vertu de notre libre arbitre, nous en approcher ou nous en éloigner. La loi naturelle nous ramène [41] constamment à notre première origine, et tend à conserver en nous l’empreinte de l’image primitive ; mais notre volonté peut refuser d’obéir à cette loi ; et alors la chaîne naturelle étant interrompue, notre type ne se rapporte plus à son modèle, il n’en dépend plus, et le place sous l’influence des êtres corporels qui ne doivent servir qu’à exercer nos facultés créatrices, et par lesquelles nous devons naturellement remonter à la source de tout bien et de toute jouissance. Cette disposition vicieuse une fois contractée par notre faute, peut, comme les autres facultés organiques, se transmettre par la voie de la génération : ainsi nous héritons des vices de nos parents. Mais la vertu, mais l’étude et la bonne volonté pourront toujours diminuer ou détruire ces affections dépravées, et corriger en nous ces altérations faites à 1’image de la Divinité ; nous pouvons, en un mot, nous régénérer, et seconder ainsi les vues réparatrices de l’Homme-Dieu ». Malgré cette analyse que nous avons rapportée en entier, on ne voit rien d’un peu clair dans la doctrine de Saint-Martin, sinon que Dieu voit tout en l’homme, qui est son image, tandis que Malebranche voit, comme cela doit être, tout en Dieu, comme le principe infini d’où dérive tout ce qui est créé. « Celui qui connaît Dieu, disaient les philosophes anciens, devient Dieu lui-même. » Et Saint-Martin soutient, « que l’homme vertueux redevient l’image de Dieu. » Parmi plusieurs maximes erronées, ou mal conçues du philosophe français, celle-ci est plus à la portée de tout le monde : Il est bon, dit il, de jeter continuellement les yeux sur la science, pour ne pas se persuader qu’on sait quelque chose ; sur la justice, pour ne pas se croire irréprochable ; sur toutes les vertus, pour ne pas penser qu’on les possède. Le livre de Saint-Martin a trouvé beaucoup de partisans en Angleterre, et on en a imprimé à Londres une suite en anglais et en 2 volumes in-8 ; mais l’auteur français n’y a eu aucune part, et elle s’éloigne des principes de son système ; 2° Le ministère de l’homme-esprit, Paris, an 11 (1802), 3 part., in-8 ; 3° Eclair sur l'association humaine, an 5 (1797), in-8. Il y cherche les fondements du pacte social dans le régime théocratique, et les communications entre Dieu et l’homme ; 4° Le Livre rouge. 5° Ecce Homo, paris, an 4 (1796), in-12 ; 6° L'Homme de désir, Lyon, 1790, in-8, nouv. édit., Metz, an 10 (1802), in-12 ; 7° Le Cimetière d'Amboise ; 8° Le Crocodile, ou La Guerre du bien et du mal, arrivée sous le règne de Louis XV, poème épico-macaronique en 102 chants, 1799, in-8. C’est l’ouvrage le plus obscur qu’ait enfanté l’imagination ténébreuse de l'auteur, et qui ne fait nul honneur à ses talents poétiques. On y voit figurer un Jof (la foi), un Sédir (le désir), et un Ourdeck (le jeu), qui sont la clef de tout le poème, sans que cela le rende ni moins ennuyant ni plus intelligible. 9° Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l’homme et l’univers, deux parties, Édimbourg (Lyon, 1782, in-8), traduit en allemand, ainsi que le livre des Erreurs. 10° Le Nouvel Homme, 1796, 1796, in-8 ; 11° De l’esprit des choses ou Coup d’œil philosophique sur la nature des êtres, etc., Paris, an 8 (1800), 2 vol. in-8 ; 12° Lettre à un ami, ou Considérations politiques, philosophiques et religieuses sur la révolution française, Paris, an 3 (1795), in-8 ; 13° Réflexions d’un observateur sur la question proposée par l’Institut : Quelles sont les institutions les plus propices à fonder la morale d’un peuple , an 6 (1798), in-8 ; 14° Discours en réponse au citoyen Garat, professeur d’entendement humain aux écoles normales, sur l’existence d’un sens moral, etc., imprimé, dans la Collection des écoles normales, an 1801, tome 3 ; 15° Essai sur cette question proposée par l’Institut : Déterminer l’influence des signes sur la formation des idées, an 7 (1799), in-8 de 80 pag. Saint-Martin a traduit de l’allemand de Bœhm les Principes, l’Aurore naissante. Il avait, dit-on, un caractère doux, bienfaisant ; ses connaissances étaient très variées ; il aimait les arts, et surtout la musique. Ses auteurs favoris [42] étaient Burlamaqui et Rabelais ; il lisait le premier pour s’instruire, et c’est de lui, dit-il, qu’il prit le goût de la méditation ; il lisait le second pour son amusement. Nous pensons au contraire qu’il y a assez de ces deux écrivains pour se gâter l’esprit et se corrompre le cœur, Les Œuvres posthumes de Saint-Martin ont été publiées à Tours, 1807, 2 vol in-8 ; on y trouve un Journal depuis 1782, dans lequel l’auteur a rapporté les entretiens, les relations, etc. qu’il avait eus ; ce morceau est intitulé : Portrait de Saint-Martin fait par lui-même. Plusieurs biographes ont confondu Saint-Martin avec Martinez Pasqualis, auquel nous n’avons point consacré d’article, et qui fut le chef de la secte des Martinistes, dont Saint-Martin fit d’abord partie. On croit que ce Martinez était un juif portugais. En 1754, il s’annonça par l’institution d'un Rite cabalistique d’élus, dits cohens, mot hébreu qui veut dire prêtre ; il l’introduisit dans quelques loges maçoniques [sic] de France. Après avoir prêché sa doctrine à Paris, il s’embarqua pour St. Domingue, et il mourut au Port-au-Prince en 1779. Ses écrits et ceux de ses disciples font croire que sa doctrine est cette cabale des Juifs qui est leur métaphysique, c’est-à-dire la science de l’être comprenant les notions de Dieu, des esprits et de l’homme dans ses divers états.

 


1836 - Feller - Dictionnaire historique ou bibliographie universelle – T 12

1836 FellerDictionnaire historique ou bibliographie universelle des hommes qui se sont fait un nom par leur génie, leurs talents, leurs vertus, leurs erreurs ou leurs crimes, depuis le commencement du monde jusqu’à nos jours par [l’abbé] F[rançois] X[avier] de Feller (1733-1802)
Continué jusqu’en 1835 sous la direction de M. R.-A. Henrion
Huitième édition - Augmentée de plus de 5000 articles intercalés par ordre alphabétique
Convenientia cuique. Hor. A. P.
Tome douzième – Paris - E. Houdaille, libraire-éditeur. Rue du Coq Saint Honoré, 11. - Delloye, Place de la Bourse, 13
1836 - http://books.google.fr/books?id=VA9IAAAAMAAJ

Article Kirchberger (page 64)

KIRCHBERGER (Nicolas-Antoine), baron de Liebisdorf, né en 1739 à Berne, mort en 1800, cultiva, dans les camps d'abord, puis au milieu des fonctions civiles les plus importantes, les lettres, les sciences et la philosophie. Il fut lié avec le savant Zimmermann, avec le mystique Eckartshausen, avec Daniel Bernoulli, enfin avec Jean-Jacques Rousseau, qui correspondit quelquefois avec lui et qui parle de lui dans ses Confessions (livre XII). Il eut aussi un long commerce de lettres avec St-Martin sur des matières obscures de théosophie. On a de Kirchberger :

- un Discours sur un acte de générosité des habitants de Soleure, sous le titre d'Histoire de la vertu helvétique, Bale, 1765, in-8°, et

- un Mémoire sur l'agriculture inséré dans le Journal de l'abbé Rosier en 1774. Il écrivit en outre, en 1790, dans une feuille périodique, contre une secte "d'illuminants" ou "d'éclaireurs "dirigée par Frédéric Nicolaï.

Lettre de J. J. Rousseau à Kirchberger

Œuvres complètes de J. J. Rousseau

Volume 19 de Œuvres complètes de J. J. Rousseau: mises dans un nouvel ordre, avec des notes historiques et des éclaircissements, Victor-Donatien Musset-Pathay - Volume 19 de Œuvres complètes de J. J. Rousseau

Lettre CCCCXLI. — A M. Kirchberger (1)  (pages 505-508)

Motiers, le 17 mars 1763.

Lettre CCCCXLI. — A M. Kirchberger

1. Dans toutes les éditions, et même dans l’Histoire de J. J. Rousseau, on lit Keit. Cette erreur vient de ce qu'il n'y avait que la lettre initiale. Je ne sais quel éditeur a mis le nom qu'on a lu jusqu'à présent. C'est à M. Kirchberger dont il est question à la fin des Confessions, qu'est adressée cette lettre. Ce renseignement nous a été donné par M. Beuchot.

« Si jeune et déjà marié ! Monsieur, vous avez entrepris de bonne heure une grande tâche. Je sais [p.506] que la maturité de l'esprit peut suppléer à l'âge, et vous m'avez paru promettre ce supplément. Vous vous connaissez d'ailleurs en mérite, et je compte sur celui de l'épouse que vous vous êtes choisie. Il n'en faut pas moins, cher Kirchberger, pour rendre heureux un établissement si précoce. Votre âge seul m'alarme pour vous ; tout le reste me rassure. Je suis toujours persuadé que le vrai bonheur de la vie est dans un mariage bien assorti; et, je ne le suis pas moins que tout le succès de cette carrière dépend de la façon de la commencer. Le tour que vont prendre vos occupations, vos soins, vos manières, vos affections domestiques, durant la première année, décidera de toutes les autres. C'est maintenant que le sort de vos jours est entre vos mains ; plus tard, il dépendra de vos habitudes. Jeunes époux, vous êtes perdus si vous n'êtes qu'amans ; mais soyez amis de bonne heure pour l'être toujours. La confiance, qui vaut mieux que l'amour, lui survit et le remplace. Si vous savez l'établir entre vous, votre maison vous plaira plus qu'aucune autre ; et dès qu'une fois vous serez mieux chez vous que partout ailleurs, je vous promets du bonheur pour le reste de votre vie. Mais ne vous mettez pas dans l'esprit d'en chercher au loin, ni dans la célébrité, ni dans les plaisirs, ni dans la fortune. La véritable félicité ne se trouve point au dehors ; il faut que votre maison vous suffise, ou jamais rien ne vous suffira.

Conséquent à ce principe, je crois qu'il n'est pas temps, quant à présent, de songer à [p.507] l'exécution du projet dont vous m'avez parlé. La société conjugale doit vous occuper plus que la société helvétique : avant que de publier les annales de celle-ci, mettez-vous en état d'en fournir le plus bel article. Il faut qu'en rapportant les actions d'autrui vous puissiez dire comme le Corrège : « Et moi aussi je suis homme. »

Mon cher Kirchberger, je crois voir germer beaucoup de mérite parmi la jeunesse suisse ; mais la maladie universelle vous gagne tous. Ce mérite cherche à se faire imprimer; et je crains bien que, de cette manie dans les gens de votre état, il ne résulte un jour à la tête de vos républiques plus de petits auteurs que de grands hommes. Il n'appartient pas à tous d'être des Haller.

Vous m'avez envoyé un livre très précieux et de fort belles cartes ; comme d'ailleurs vous avez acheté l'un et l'autre, il n'y a aucune parité à faire en aucun sens entre ces envois et le barbouillage dont vous faites mention. De plus, vous vous rappellerez, s'il vous plaît, que ce sont des commissions dont vous avez bien voulu vous charger, et qu'il n'est pas honnête de transformer des commissions en présents.

Ayez donc la bonté de me marquer ce que vous coûtent ces emplettes, afin qu'en acceptant la peine qu'elles vous ont donnée d'aussi bon cœur que vous l'avez prise, je puisse au moins vous rendre vos déboursés, sans quoi je prendrai le parti de vous renvoyer le livre et les cartes.

Adieu, très bon et aimable Kirchberger ; faites, je vous prie, agréer mes hommages à madame votre [p.508] épouse ; dites-lui combien elle a droit à ma reconnaissance en faisant le bonheur d'un homme que j'en crois si digne, et auquel je prends un si tendre intérêt.

Œuvres de J.-J. Rousseau (publiées par M. Musset-Pathay). Paris, Firmin Didot, 1823, 21 vol. in-8 dans le tome 2 de la correspondance on trouve une lettre adressée à M. K.... M. MUSSET PATHAY a supposé par erreur que cette initiale désignait le nom de M. KEIT, tandis qu'il s'agit ici de M. KIRCHBERGER (Nicolas Antoine), né à Berne en 1739, et dont ROUSSEAU parle dans ses Confessions. C'est ce qu'a prouvé d'une manière incontestable le savant M. GENCE, dans l'article sur KIRCHBERGER, de la Biog. univ.

Le tome XXI et dernier de cette édition renferme, entre autres choses, quinze lettres nouvelles, dont quelques-unes, adressées à madame la baronne d'Houdetot, ont été communiquées à l'éditeur par M. BARBIER.


Feller - 1839 - Bibliographie universelle ou Dictionnaire historique...  – T 5

1839 feller t5Biographie universelle, ou Dictionnaire historique des hommes qui se sont fait un nom par leur génie, leurs talents, leurs vertus, leurs erreurs ou leurs crimes, depuis le commencement du monde jusqu'à nos jours.
François Xavier de Feller
Volume 5, p.378 - 1839 - Biographie universelle, ou Dictionnaire historique des hommes

SAINT-MARTIN (Louis-Claude), né à Amboise en 1743 , entra au service : mais cet état n'était guère conforme à ses inclinations naturelles ; aussi le quitta-t-il au bout de six ans. Saint-Martin avait un caractère tranquille, aimait l'étude et le recueillement, où il se plongeait dans ses idées métaphysiques. Après avoir voyagé en Suisse, en Allemagne, en Angleterre et en Italie, il revint à Lyon, et y demeura trois ans, presque inconnu. Il mena la même vie à Paris : impassible au milieu des événements de la révolution, il put en éviter les suites. Cependant malgré la retraite dans laquelle il affectait de vivre, il trouva beaucoup de disciples connus sous le nom de martinistes. Il était lié avec le sénateur Lenoir-Laroche, dans la maison duquel il mourut, à Aunay, en 1804. On a de lui : Des erreurs et de la vérité, ou les Hommes rappelés au principe universel de la science, 1773 [sic pour 1775], in-8. Ce livre, par son obscurité et par ses paradoxes, pourrait bien mériter à son auteur le surnom de Kant français ; Tableau de l'ordre social [sic pour Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l'homme et l'univers, 1782]; Ministère de l'homme-esprit ; Eclair sur l'association humaine : il y cherche les fondements du pacte social dans le régime théocratique et les communications entre Dieu et l'homme ; le Livre rouge ; Ecce homo; l'Homme de désir; le Cimetière d'Amboise; le Crocodile, ou la Guerre du bien et du mal, arrivée sous le règne de Louis XV, poème épico-macaronique [sic pour épico-magique] en 102 chants, 1799 , in-8. C'est l'ouvrage le plus obscur qu'ait enfanté l'imagination ténébreuse de l'auteur. Il a de plus traduit de l'allemand de Boehm les Principes ; l'Aurore naissante. Saint-Martin lisait Burlamaqui pour s'instruire, et Rabelais pour son amusement. Il y a assez de ces deux écrivains pour se gàter l'esprit et se corrompre le cœur.


Article : Kirchberger – page 28

1849 Feller t5Biographie universelle ou dictionnaire historique des hommes qui se sont fait un nom par leur génie, leurs talents, leurs vertus, leurs erreurs ou leurs crimes
Par F.-X. DE FELLER.
Édition revue et continuée jusqu’en 1848 sous la direction de M. Ch. WEISS, conservateur de la bibliothèque de Besançon, membre de plusieurs académies,
Et de M. l’abbé BUSSON, ancien secrétaire du ministère des affaires ecclésiastiques et vicaire général honoraire de Montauban.
Tome V - Paris. - Article : Kirchberger
J. Leroux, Jouby et Cie, libraires, rue des Grands Augustins, 9 - Gaume frères, libraires, rue Cassette, 4 - Outhenin Chalandre, rue de Savoie, 5 - Lille. L. Defort, imprimeur libraire - Besançon, Outhenin Chalandre fils.

Kirchberger (Nicolas Antoine), baron de Liebisdorf, philosophe, né à Berne le 13 janvier 1739, d'une famille ancienne, fut pendant quelque temps au service de la Hollande. Au milieu même des camps, il se livra avec constance à son goût pour les lettres et les sciences philosophiques : il lut les écrits de Leibnitz et de Wolf, et conçut le plan d'un grand ouvrage dont il confia l'idée et l'exécution à son ami le conseiller Eckartshausen. En 1765 il prononça dans une réunion de jeunes bernois un discours qui fut imprimé sous ce titre : Histoire de la vertu helvétique, Bâle, in-8. Il y célèbre l'humanité des habitants de Soleure qui, pendant le siège de leur ville en 1308, par Léopold Ier, duc d'Autriche, voyant une troupe d'assiégeants tomber dans l’Ааг, par la rupture du pont, volèrent à leur secours, parvinrent à les sauver, et les renvoyèrent sans rançon. Kirchberger était en relation avec J.-J. Rousseau qui parle de lui dans ses Confessions, livre 12, ainsi qu'avec Saint-Martin et s'occupait aussi des matières obscures de la Théosophie. Il s'éleva avec force contre une secte d'illuminants, dont le chef était Fréd. Nicolaï (voy. ce nom), qui se propageait en Allemagne. C'est d'après ses avis que Zimmermann rédigea contre ces novateurs des Mémoires qui déterminèrent l'empereur Joseph II à prendre, de concert avec la cour de Berlin, des mesures capables d'arrêter le progrès de ces dangereux sectaires. Kirchberger cultiva les sciences naturelles et surtout l'agriculture ; il contribua surtout à éclairer les habitants de son pays sur l'emploi de certains procédés utiles, et propagea l'usage du gypse dans les prairies artificielles. Kirchberger parvint dans sa patrie aux charges les plus importantes. Il se délassait chaque année de ses fonctions, en allant jouir du repos, dans le sein de sa famille à Morat. Il mourut en 1800.


1849 - SAINT- MARTIN (Louis-Claude de), dit le Philosophe inconnu

1849 Feller t7Biographie universelle ou dictionnaire historique des hommes qui se sont fait un nom par leur génie, leurs talents, leurs vertus, leurs erreurs ou leurs crimes
Par F.-X. DE FELLER.
Édition revue et continuée jusqu’en 1848 sous la direction de M. Ch. WEISS, conservateur de la bibliothèque de Besançon, membre de plusieurs académies, et de M. l’abbé BUSSON, ancien secrétaire du ministère des affaires ecclésiastiques et vicaire général honoraire de Montauban.
Tome VII - Paris. 1849 - SAINT- MARTIN (Louis-Claude de), dit le Philosophe inconnu, Pages 400-402
J. Leroux, Jouby et Cie, libraires, rue des Grands Augustins, 9 - Gaume frères, libraires, rue Cassette, 4 - Outhenin Chalandre, rue de Savoie, 5 - Lille. L. Defort, imprimeur libraire - Besançon, Outhenin Chalandre fils.

SAINT- MARTIN (Louis-Claude de), dit le Philosophe inconnu, né à Amboise le 18 janvier 1743, d'une famille noble, fit de bonnes études au collège de Pont-le-Voy; et lorsqu'il les eut terminées, son père qui le destinait à la magistrature, le fit recevoir avocat au présidial de Tours ; mais préfé [401] rant au barreau la carrière des armes qui devait lui laisser plus de loisir pour s'occuper de ses méditations philosophiques, à 22 ans il entra lieutenant dans le régiment de Foix. C'est alors qu'il se fit initier à la secte dite des Martinistes, du nom de Martinez-Pasqualis qui en était le chef (l). Il n'en adopta point entièrement les doctrines, mais ce fut par-là qu'il entra dans les voies du spiritualisme. Au bout de six ans il quitta l'état militaire, peu conforme à ses inclinations; et après avoir visité la Suisse, l'Allemagne, l'Angleterre et l'Italie, il revint à Lyon, où il demeura trois ans, ne voyant qu'un petit nombre d'amis. Il mena la même vie obscure et paisible à Paris, où il vint ensuite. Reconnaissant dans la révolution un effet des desseins terribles de la Providence, comme il vit plus tard, dans Bonaparte, un grand instrument temporel, il n'émigra point. Son titre de noble l'obligea de quitter Paris en 1794, il revint alors en Touraine, où il passa les temps les plus difficiles sans être inquiété pour ses opinions, et fut désigné par le district d'Amboise, élève de l'école normale. De retour à Paris, il y publia successivement un grand nombre d'ouvrages qui ont été commentés et traduits en partie, principalement dans les langues du nord. Il mourut le 14 octobre 1804 [sic pour 14 octobre 1803] au village d'Aulnay, près de Paris, chez le sénateur Lenoir La Roche son ami.

Parmi ses écrits, nous citerons : Des Erreurs et de la Vérité, ou les hommes rappelés au principe universel de la science, par un philosophe inconnu, Edimbourg (Lyon), 1778, in-8. Ce livre fit beaucoup de bruit dans le temps, quoiqu'il soit et peut-être parce qu'il est inintelligible. Quelle est la science ? Selon lui, c'est la révélation naturelle; et cette même révélation, qu'est-elle en substance ?

C'est ce que Saint-Martin n'a pas su concevoir, ou ce qu'il a mal expliqué. « Son système, dit M. Tourlet, a pour but d'expliquer tout par l'homme. L'homme, selon Saint-Martin, est la clef de toute énigme et l'image de toute vérité : prenant ensuite à la lettre le fameux oracle de Delphes, nosce te ipsum, il soutient que pour ne pas se méprendre sur l'existence et l'harmonie des êtres composant l'univers, il suffit à l'homme de se bien connaître lui-même, parce que le corps de l'homme a un rapport nécessaire avec tout ce qui est visible, et que son esprit est le type de tout ce qui est invisible ; que l'homme doit étudier, et ses facultés physiques dépendantes de l'organisation de son corps, et ses facultés intellectuelles, dont l'exercice est souvent influencé par les sens ou par les objets extérieurs, et ses facultés morales ou sa conscience, qui suppose en lui une volonté libre ; c'est dans cette étude qu'il doit chercher la vérité, et il trouvera en lui-même tous les moyens nécessaires pour y arriver. » Voilà ce que Saint-Martin appelle la révélation naturelle. Par exemple, la plus légère attention suffit, dit-il, pour nous apprendre que nous ne communiquons, et que nous ne formons même aucune idée, qu'elle ne soit précédée d'un tableau ou d'une image engendrée par notre intelligence; c'est ainsi que nous créons le plan d'un édifice ou d'un ouvrage quelconque. Notre faculté créatrice est vaste, active, inépuisable; mais en l'examinant de près, nous voyons qu'elle est secondaire, temporelle, dépendante, c'est-à-dire qu'elle doit son origine à une faculté créatrice, supérieure, indépendante, universelle, dont la nôtre n'est qu'une faible copie. L'homme est donc un type qui doit avoir son prototype ; c'est une effigie, une monnaie qui suppose une matrice, et le Créateur ne pouvant puiser que dans son propre fonds, a dû se peindre dans ses œuvres, et retracer en nous son image et sa ressemblance, base essentielle de toute réalité. Malgré le rapport et la tendance que nous conservons vers ce centre commun, nous avons pu, en vertu de notre libre arbitre, nous en approcher ou nous en éloigner. La loi naturelle nous ramène constamment à notre première origine, et tend à conserver en nous l'empreinte de l'image primitive ; mais notre volonté peut refuser d'obéir à cette loi; et alors la chaîne naturelle étant interrompue, notre type ne se rapporte plus à son modèle, il n'en dépend plus, et se place sous l'influence des êtres corporels qui ne doivent servir qu'à exercer nos facultés créatrices, et par lesquelles nous devons naturellement remonter à la source de tout bien et de toute jouissance. Cette disposition vicieuse, une fois contractée par notre faute, peut, comme les autres facultés organiques, se transmettre par la voie de la génération : ainsi nous héritons des vices de nos parents. Mais la vertu, mais l'étude et la bonne volonté pourrait toujours diminuer ou détruire ces affections dépravées, et corriger en nous ces altérations faites à l'image de la Divinité; nous pouvons en un mot nous régénérer, et seconder ainsi les vues réparatrices de l’Homme-Dieu. » Malgré cette analyse que nous avons rapportée en entier, on ne voit pas bien clairement quelle était la doctrine de Saint-Martin. « Je me suis permis, disait-il, d'user de réserve dans cet écrit, et de m'y envelopper souvent d'un voile que les yeux les moins ordinaires ne pourront pas toujours percer, d'autant que j'y parle quelquefois de toute autre chose que de ce dont je parais traiter. » Avec une pareille explication on peut être obscur et inintelligible tout à son aise. Toutefois, au milieu d'un grand nombre de maximes erronées, on en trouve quelques-unes de vraies. Telle est celle-ci : Il est bon de jeter continuellement les yeux sur les sciences, pour ne pas se persuader qu'on sait quelque chose ; sur la justice, pour ne pas se croire irréprochable; sur toutes les vertus, pour ne pas penser qu’on les possède. Le livre de Saint-Martin a trouvé beaucoup de partisans en Angleterre, et on en a imprimé une [p.402] suite en anglais à Londres, 1785, 2 vol.in-8 ; mais elle s'éloigne des principes de l'auteur français qui n'y eut aucune part ; Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu, l'homme et l'univers, Edimbourg, (Lyon, 1782, in-8); L'homme de désir, Lyon, 1790, in-8, nouv. édit., 1802, in-12; Ecce Homo, Paris, an 4 (1796), in-12 ; Le Nouvel Homme, 1792, in-8 ; De l'esprit des choses ou Coup d'œil philosophique sur la nature des êtres, etc., Paris, an 8 (1800), 2 vol. in-8; Lettre à un ami, ou Considérations politiques, philosophiques et religieuses sur la révolution française, Paris, an 3. (1795), in-8; Éclair sur l'association humaine, an 5 (1797), in-8. Il y cherche les fondements du pacte social dans le régime théocratique ; et les communications entre Dieu et l'homme ; Réflexions d'un observateur sur la question proposée par l'institut : Quelles sont les institutions les plus propres à fonder la morale d'un peuple, an 6 (1798), in-8; Discours en réponse au citoyen Garât, professeur d'entendement humain aux écoles normales, sur l'existence d'un sens moral, etc., dans la Collection des Débats, des écoles normales, tome 3 ; Essai sur celle question proposée par l’institut : Déterminer l'influence des signes sur la formation des idées, an 7 (1799), in-8; le Crocodile ou la Guerre du bien et du mal arrivée sous le règne de Louis XV, poème épico-magique en 102 chants, Paris, 1799, in-8. Cet ouvrage le plus obscur qu'ait enfanté l'imagination ténébreuse de l'auteur, ne fait nul honneur à ses talents poétiques. On y voit figurer un Jof (la foi), un Sédir (le désir), et un Ourdeck (le jeu), qui sont la clef de tout le poème, sans que cela le rende ni plus intelligible ni moins ennuyeux. Saint-Martin a traduit de l'allemand de Bœhm (voy. ce nom, II, 51), le Ministère de l'homme d'esprit, 1802, 3 part, in-8; les Trois Principes de l'Essence divine, 1802, 2 vol. in-8; et l’Aurore naissante ou la Racine de la philosophie, etc., 1800, in-8. Il avait, dit-on, un caractère doux, bienfaisant; ses connaissances étaient très variées; il aimait les arts, et surtout la musique. Ses auteurs favoris étaient Burlamaqui et Rabelais ; il lisait le premier pour s'instruire, et c'est de lui, dit-il, qu'il prit le goût de la méditation ; il lisait le second pour son amusement. Cependant on convient qu'il y a assez de ces deux écrivains pour se gâter l'esprit et se corrompre le cœur. Les Œuvres posthumes de Saint-Martin, Tours, 1807, 2 vol.in-8, renferment un Journal qu'il tenait depuis 1782, et dans lequel il rapporte ses entretiens, ses relations, etc.; ce morceau est intitulé : Portrait de Saint-Martin fait par lui-même. Plusieurs biographes l'ont confondu avec Martinez-Pasqualis qui fut son maître. Gence a publié en 1824, une Notice biographique sur Saint-Martin, in-8, de 28 pages.

Note

(1) Martinez Pasqualis, chef de la secte des Martinistes, était, à ce qu'on présume, portugais de naissance, et même juif. En 1754, il introduisit dans quelques loges maçonniques de France notamment à Marseille, à Bordeaux et à Toulouse, un rite cabalistique d'élus, dits cohens, en hébreu prêtres. Il prêcha aussi sa doctrine à Paris, puis quitta soudain cette ville, et s'embarqua, vers 1778 [sic pour 1772], pour Saint-Domingue, où il termina, en 1779 [sic pour 1774], au Port-au-Prince, sa carrière théurgique. — On a lieu de croire, d’après ses écrits et ceux de ses élèves, que sa doctrine est cette cabale des Juifs, qui n'est autre que leur métaphysique, ou la science de l'être, comprenant les notions de Dieu, des esprits et de l'homme dans ses divers états.