Calendrier perpetuel 1866Année 1866

- 1866 - Adolphe Franck - La philosophie mystique en France à la fin du XVIIIe siècle. Saint-Martin et son maître Martinez Pasqually new
- Histoire de la franc-maçonnerie depuis son origine jusqu'à nos jours : Martinistes ; Philalèthes new
- Journal des débats politiques et littéraires : Compte-rendu du livre d'A. Franck new
- Le Trésor littéraire de la France. Les prosateurs
- Bulletin administratif du ministère de l’instruction publique
- Revue des cours littéraires de la France et de l'étranger
- Annuaire de l'économie politique
- Capefigue - La Baronne de Krudner
- Grucker - François Hemsterhuis: sa vie et ses œuvres
- L’Intermédiaire des chercheurs et curieux
- Neut – La franc-maçonnerie soumise au grand jour de la publicité
- Revue des deux mondes – Un prince allemand du XVIIIe siècle 69
- Favre – Documents maçonniques
- Cherbuliez - Revue critique des livres nouveaux
- Martin - Annuaire Philosophique
- Revue des cours littéraires de la France et de l’étranger

Publié le 3 juillet 2021 - Mise à jour le 11 février 2023


1866 Franck1866 - Adolphe Franck - La philosophie mystique en France à la fin du XVIIIe siècle new

Saint-Martin et son maître Martinez Pasqually

Adolphe Franck
Membre de l'Institut, professeur au Collège de France

Paris
Germer Baillière, libraire-éditeur
17, rue de l'Ecole de Médecine

Londres - Hypp. Baillière, 219, Regent Street
New-York - Bailli-re brothers, 440, Broadway
Madrid, C. Bailly-Baillière, 16, plaza del Principe Alfonso

1866

Sommaire

Table des matières
Comptes-rendus
   - Journal des débats politiques et littéraires : Louis Ratisbonne, Compte-rendu du livre d'A. Franck
   - Cherbuliez - Revue critique des livres nouveaux : La philosophie mystique en France
   - Louis-Auguste Martin - Annuaire Philosophique : Bibliographie : le livre de A. Franck
   - Revue des cours littéraires de la France et de l’étranger : La philosophie mystique

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1866 Findel t11866 - Histoire de la franc-maçonnerie depuis son origine jusqu'à nos joursnew

Traduit de l'allemand par Joseph Gabriel Findel

Paris
Librairie internationale
15, boulevard Montmartre - Au coin de la rue Vivienne
A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie, Éditeurs
 À Bruxelles, À Livourne et À Leipzig

1866

- Tome premier :
   - Les Martinistes.
   IX - La littérature maçonnique - France

- Tome 2 - Les assemblées des philalèthes

Tome premier - Les Martinistes. Extraits, pages 280-282

Vers la fin de l'année 1778, les directoires écossais d'Auvergne et de Bourgogne firent des convocations pour une assemblée à Lyon, à l'effet d'instituer un Convent national des Gaules ; cette assemblée eut lieu en novembre et décembre. Là on changea la dénomination de chevaliers du Temple contre celle de chevaliers bienfaisants de la Cité sainte, et l'on fit au rituel de la Stricte Observance quelques modifications peu importantes, sans toutefois rompre avec cette dernière

Le centre de la suprême sagesse que ces « chevaliers bienfaisants » dispensaient dans leurs hauts grades, était la loge des Amis-Réunis, à Paris, dont nous avons eu déjà occasion de parler (page 270), et dont les membres étaient eux-mêmes éclairés par un petit nombre d'amis fidèles, qui avaient appartenu, dans le principe, au grade des Philosophes inconnus et qui, plus tard, prirent le nom de Philalètes et donnèrent à leur société celui d'Ordre divin. Les livres symboliques par lesquels cet ordre voulait découvrir au monde maçonnique la seule et véritable lumière, étaient, d'une part, le célèbre ouvrage intitulé des Erreurs et de la Vérité (traduit de [sic pour en] l'allemand par le Fr. Claudius), de l'autre, le Tableau naturel des rapports entre Dieu, l'homme et l'univers (Egalement traduit en allemand. Reval et Leipzig, 1783). Les principaux apôtres de cette lumière étaient les Fr. Villermoy, Saint-Amand, le comte de Lerney, Saint-Martin et d'autres. C'est de ce dernier que les partisans du système mystico-théosophique, dont il a été question plus haut, reçurent le nom de Martinistes.

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1866 - Compte-rendu du livre d'A. Franck 

Journal des débats politiques et littéraires

1866 journal des debats titre

Vendredi 6 avril 1866

Variétés, pages 2-3

La Philosophie mystique en France à la fin du dix-huitième siècle. Saint-Martin et son maître Martinez Pasqualis, par M. Ad. Franck. (Un vol. in-18. Chez Germer-Baillière, 17, rue de l'École de Médecine.)

La philosophie mystique et le dix-huitième siècle, au premier abord, voilà deux noms qui semblent jurer l'un avec l'autre ; l'esprit s'étonne de leur accouplement. Rien de plus réel cependant et rien de moins fortuit que cette rencontre du mysticisme et du siècle de Voltaire. Un peu de réflexion fait cesser la surprise de les trouver réunis. Le matérialisme lui-même, s'il ne donne pas la main au mysticisme, l'appelle sans le vouloir, et cette fleur du divin amour qui a des racines surnaturelles dans l'âme humaine, qui est de tous les temps, de toutes les races, qui fleurit sous toutes les latitudes, semble s'épanouir justement plus vivace dans quelques cœurs aux époques de révolution où tout est nié et mis en question. La société tremble sur ses bases ; l'église est déserte, les temples croulent il n'y a plus de sanctuaires. Elle ouvre alors, la fleur miraculeuse, son calice solitaire ; l'âme éperdue, qui a soif d'espérance, d'amour, de certitude, s'y réfugie comme dans un abri et s'enivre de parfums sacrés.

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1866 - Le Trésor littéraire de la France 

1866.tresor.litteraireRecueil en prose et en vers de morceaux empruntés aux écrivains les plus renommés et aux personnages les plus remarquables de notre pays depuis le XIIIe siècle jusqu'à nos jours

Publié par la Société de gens de lettres
Sous le personnage du Ministère de l'Instruction publique

Les Prosateurs

Paris - Librairie Hachette et Cie
Boulevard Saint-Germain, 79
M DCCC LXVI (1866)

- Saint-Martin - Pensées sur divers sujets.
- Saint-Martin (Louis-Claude De)

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1866 - Bulletin administratif du ministère de l’instruction publique

1866 bulletin administratifNouvelle série
Tome V
Année 1866, 1er trimestre,
n° 91 à 107.
Paris Imprimerie nationale
1866

N°99 – Partie non officielle - Extrait, p.430-431

Discours prononcé par M. le Ministre de l'instruction publique à la réunion des Sociétés savantes, à la Sorbonne, le 7 avril 1866.

Cette union est pour vous, Messieurs, chaque année, plus heureuse, parce que vous êtes de ceux qui regardent la vie comme nous ayant été donnée à cette fin, que chacune des minutes dont elle se compose soit échangée contre une parcelle de vérité. Les mémoires lus, l'année dernière, dans vos deux sections de philologie et d'histoire, viennent d'être publiés. Ce volume atteste un sérieux progrès, et ce que j'ai entendu, ce que j'ai appris des lectures faites en ces derniers jours, me donne l'assurance que ce progrès continuera.

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1866 - Revue des cours littéraires de la France et de l'étranger

1866 revue cours littérairesCollège de France - Sorbonne école des beaux-arts - Faculté de droit — Bibliothèque impériale facultés des lettres des départements-sociétés savantes
Universités étrangères Soirées littéraires de la Sorbonne et des villes de province
Conférences libres
Troisième année
Paris
Germer Baillière, Libraire-éditeur
17, rue de l'école de médecine
1865-1866

Congrès des sociétés savantes.- Extrait, p.3761866 revue cours

Parmi les mémoires lus cette année, dans la section littéraire, au concours des sociétés savantes, qui se tient tous les ans à la Sorbonne, on a remarqué ceux de MM. Jeannet, Quénault, Joly, Antonin Macé, Antoine, Cougny, Dunan, sur divers points d'histoire et d'érudition.

En présidant la distribution des récompenses, M. le ministre de l'instruction publique a prononcé un discours dont voici un fragment :

... Cette union est pour vous, Messieurs, chaque année, plus heureuse, parce que vous êtes de ceux qui regardent la vie comme nous ayant été donnée à cette fin, que chacune des minutes dont elle se compose soit échangée contre une parcelle de vérité. Les mémoires lus, l'année dernière, dans vos deux sections de philologie et d'histoire, viennent d'être publiés. Ce volume atteste un sérieux progrès, et ce que j'ai entendu, ce que j'ai appris des lectures faites en ces derniers jours, me donne l'assurance que ce progrès continuera.

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Remarque

Cette phrase, attribuée à Louis-Claude de Saint-Martin est citée de nombreuses fois dans des ouvrages. Elle est reprise par d'autres auteurs. Nous l'avons trouvé dans des ouvrages publiés en 1860 chez :

Edmond Scherer en exergue dans son ouvrage Mélanges de critique religieuse
Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, (pages 56-57)et la 
Revue Suisse (page 786) reprennent cette  phrase à la suite de critiques sur l'ouvrage de Scherer.

Elle est également reprise en 1866 dans 

La Revue bleue,
Le Moniteur scientifique, 
Le Bulletin administratif du ministère de l'instruction publique (ci-dessus), 
Le tome 7 du Grand dictionnaire universel de Pierre Larousse et
La Revue des cours littéraires de la France et de l'étranger (1866, volume 3), p.376 (ci-dessus). 

et en 18671867 annales medecine p199

Annales de la Société de médecine de Gand, tome 45 1867. Citation de Saint-Martin d'après Sainte-Beuve, p.199 :

La vie nous a été donnée pour que chacune des minutes dont elle se compose soit échangée contre une parcelle de la vérité
Saint-Martin, cité par Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, tome XV, p.56

Au XXe siècle, d'autres ouvrages et revues reprennent la même citation : 

La Grande revue (1903, volume 24), page 104 ;
La Revue des Français (vol. 8, 1913), p.236 ; 
La Revue mondiale : ancienne Revue des revues (1920), p.172 ; 
Les Cahiers protestants (1921), volume 5, p. 271 ; 
Albert Cim dans Nouvelles récréations littéraires et historiques (1921), p.18
La Société languedocienne de géographie (1931), p.7, citant Scherer .

De nos jours, cette citation se trouve dans Les arbres et les jours, de Jacques de Bourbon Busset (1967), page 69.

Toutefois, nous n'avons pas retrouvé dans les écrits de Louis-Claude de Saint-Martin, cette citation. Il semble qu'elle fut créée par Edmond Henri Adolphe Scherer - Mélanges de critique religieuse dans son Avertissement, p.VI


1866 - Annuaire de l'économie politique

1866 annuaire economieAnnuaire de l'économie politique et de la statistique
Par MM. Guillaumin, Joseph Garnier, Mce Block
Par M. Maurice Block et MM. J. de Boisjoslin – Paul Boiteau – Bouquet – Alp. Courtois – Jules Duval – A. Legott – A. Monnier – Jules Pautet, etc.
Vingt-troisième année
Paris. Guillaumin et Cie, libraires ? Éditeurs du Journal des Économistes, de la Collection des principaux Économistes, du Dictionnaire de l’Économie politique, du Dictionnaire universel du Commerce et de la Navigation, etc. 15 rue Richelieu
1866

Cinquième partie. Variétés. Résumé analytique des travaux de l’Académie des sciences morales et politiques (avril 1865. – mars 1866.) Extrait, pages 438-438

L'Académie a entendu, pendant l'année 1864-1865, la lecture des Mémoires, Fragments et Rapports suivants.

Section de philosophie

M. Ad. Franck a lu divers chapitres d'une Étude sur Martinez Pasqualis, ses doctrines mystiques et son influence sut Saint-Martin (le philosophe inconnu) : cette étude est devenue un livre sous le titre de : Le Mysticisme au XVIIIe siècle.

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1866 – Capefigue - La Baronne de Krudner

1866 Capefigue KrudnerLa Baronne de Krudner: L'empereur Alexandre Ier au Congrès de Vienne et les traités de 1815
Par M. Jean Baptiste Honoré Raymond Capefigue
Paris. Amyot, Editeur, 8, rue de la Paix
1866

Chapitre I – L’enfance et les études mystiques de la baronne de Krudner (1769-1775)

Extrait, pages 14-15

En plein dix-huitième siècle, un juif portugais, du nom de Martinez Pascalès, enseignait la doctrine de la communication de l'homme avec les esprits, doctrine transmise par les prêtres d'Egypte, et qu'il disait d'une telle pureté, que les abeilles recueillaient le miel autour de ses paroles (1). Martinez eut pour son disciple ardent, un jeune officier créole, le chevalier de Saint-Martin (2), caractère calme, très convaincu et l'ardent conseiller [15] Weishaupt (3), le chef des illuminés en Allemagne, et maître un moment des universités. Mme de Krudner fait observer que le martinisme (4) se distinguait de la franc-maçonnerie en ce qu'il entrait droit dans l'illuminisme, sans se préoccuper des idées politiques et des systèmes matériels qui divisent le monde. Du sein du martinisme naquit le comte Cagliostro, l'ami de Martinez Pascalès ; comme lui, il se disait maître des mystères de l'Orient, et des oracles de Memphis ; Mme de Krudner ne le raillait pas; elle l'étudiait ainsi que le comte de Saint- Germain : chronologiste enchanteur, érudit prodigieux, il accumulait les faits, avec autant de sûreté que les bénédictins, en les pliant à sa fantaisie (5).

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1866 – Favre – Documents maçonniques

1866 favreDocuments maçonniques recueillis et annotés par François Favre
Paris
Librairie maçonnique de A. Teissier. 37, rue de Grenelle Saint Honoré
1866

Essai philosophique. II. Organisation – Philosophie. Extrait page LXXVII- LXXIX

« Singulier siècle que le dix-huitième, dit avec raison M. Matter, dans son Étude sur Saint-Martin, dont la première moitié plonge avec amour dans tous les genres de criticisme, et dont la seconde, devenue toute sceptique, nous offre William Law (1) en face de Hume, Swedenborg en face de Kant, Saint-Germain, Cagliostro et Martinez de Pasqualis en face de Diderot, de Voltaire et de Rousseau (2).

1. Voici ce que dit M. Matter de William Law, dont le nom semble ignoré de la plupart des biographes :

« William Law, ministre anglican, se faisait remarquer à cette époque (c’est-à-dire à l’époque du voyage de Saint-Martin en Angleterre, vers 1786 ou 1787) par la tendresse toute mystique qui respirait dans ses publications morales ou religieuses ; et dans un pays où régnaient encore une foi ardente et une grande piété, au milieu des bruyantes attaques des libres penseurs, un écrivain d’une si haute mysticité dut rencontrer de vives sympathies. Law jouit de cet avantage. Animée de tous les sentiments de foi évangélique auxquels Saint-Martin lui-même s’appliquait, en sa qualité de missionnaire chrétien, la propagande de Law avait en Angleterre un succès très éclatant. »

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1866 - Grucker - François Hemsterhuis: sa vie et ses œuvres

1866 GruckerFrancois Hemsterhuis: sa vie et ses œuvres
De Emile Grucker, agrégé de philosophie, agrégé de langues vivantes, docteur ès lettres
Paris - Durand, éditeur, rue des Grès, 7. - 274 pages
1866

Chapitre IV – Questions générales – Facultés de l’âme – Théorie de la connaissance - Extrait, page 81

C'est aux inspirations du sentiment, à une sorte de révélation divine, qu'ils demandent la vérité absolue. Ce n'est plus dans l'intelligence, c'est dans le cœur qu'ils placent le centre et le foyer de la vie morale et religieuse de l’homme. Ils se croient ainsi plus près de la vérité, parce qu'ils se croient plus près de la nature. Ils opposent le sentiment à l'idée, l'instinct à la réflexion, comme on oppose ce qui est naturel et vivant, à ce qui n'a qu'une existence factice et artificielle. De là ces invectives passionnées de Rousseau (1), de Jacobi, de Hamann contre la raison, contre la science, contre la pensée elle-même, qui aboutissent dans leurs dernières exagérations, aux folies du mysticisme et de la théosophie, à Saint-Martin, à Jung-Stilling, à Swedenborg (2).

Notes

1. L'homme qui pense est un animal dépravé : J. J. Rousseau.
2. Caro, Le mysticisme au dix-huitième siècle; Étude sur Saint-Martin.

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1866 - L’Intermédiaire des chercheurs et curieux

1866 intermediaire curieuxL’Intermédiaire des chercheurs et curieux
(Correspondance littéraire, Notes and Queries français)
Questions et réponses, communications diverses à l’usage de tous.
Littérateurs et gens du monde, artistes, bibliophiles, archéologues, généalogistes, etc.
Paris. Librairie de la Suisse Romande, Maison Cherbuliez, rue de Seine, 33.
1866

N° 62. 25 juillet 1866, page 423 - 3ème année. 1866.

1866 intermediaire curieux 25juilŒuvres imprimées ou mss. de Martinez Paschalis. — Quelqu’un des lecteurs de l’Intermédiaire pourrait-il donner des renseignements sur les œuvres dont il est question dans la citation suivante: « Ce rite, d’abord appelé du nom de son auteur, Rite de Martinez Paschalis, fut composé, en 1754, par ce chef de la secte des Martinistes. On croit Martinez Portugais et juif. Il forma, d’après Swedenborg, une école de cabalistes, dits coëns ou cohens (prêtres, en hébreu), à Marseille, à Toulouse, à Bordeaux, etc., et à Paris, où il l’apporta en 1767 ; mais il ne put l’y faire adopter que huit années après. Il mourut à Port-au-Prince (Saint-Domingue), en 1779; ses œuvres sont : le Protée, les Axiomes ; la Roue, le Monde » (Ragon, Orthodoxie maçonnique, p. 149).

L’auteur de cette question ne connaît de Martinez Paschalis,.Pasqualis, Pasqualitz ou Paschally, qu’un manuscrit cité par MM. Matter et Franck, et intitulé : « Traité de la réintégration des êtres dans leurs premières propriétés, vertus et puissances spirituelles et divines, par Martinez Pasqualitz. » Ragon qui a dû voir les traités qu’il cite, est mort il y a trois ans ; et toute sa bibliothèque a été dispersée aux enchères.

(Rennes. A.-G. J.)

bouton jaune   N° 62. 25 juillet 1866, page 423


1866 – Neut – La franc-maçonnerie soumise au grand jour de la publicité

1866 neutLa franc-maçonnerie soumise au grand jour de la publicité: à l'aide de documents authentiques ...
Par Edouard Amand Neut
Tome I – Deuxième édition
Amand Neut, rue du Gouvernement, n° 11, Gand
Edouard Neut, rue Nord du Sablon, n° 38, Bruges
Octobre 1866

Document II : Louis de Saint-Martin – Extrait, page 98

Louis de Saint-Martin, prêtre apostat, marié à une femme divorcée, avec laquelle il divorça ensuite lui-même, vénérable de la Loge de la Parfaite Intelligence à Liège – Des funérailles maçonniques (1)

(Extrait de sa biographie dans les Précis historiques de la F.-M., tome II, page 257 et des Annales mac. des Pays-Bas, tome VI, p. 507 et suiv.)

Une autre grande lumière de la Franc-Maçonnerie liégeoise fut le Frère Saint-Martin, que son panégyriste, le Fr. Destriveaux, appelle « l’apôtre le plus éclairé, le restaurateur et le plus ferme appui du Temple liégeois. » Saint-Martin, né à Paris en 1753, embrassa l'état ecclésiastique et fut ordonné prêtre. En 1781 il devint conseiller clerc au Châtelet de Paris. Il publia, la même année, des Réflexions en réponse à celles de l'abbé d’Espagnac touchant Suger, et en 1780: Les établissements de St.-Louis suivant le texte original et rendus dans le langage actuel, avec des notes (Paris, Nyon, in 8° de XXIV et 539 pages). Il fut chargé de prêcher le 25 août 1784 le Panégyrique de St.-Louis devant l'Académie française. Plus tard, il adopta avec ardeur les principes de la révolution et, abandonnant bientôt son état, il épousa une femme divorcée et divorça ensuite avec elle. Saint-Martin devint successivement membre de la Cour de cassation à Paris, membre du tribunal de révision établi à Trêves pour les quatre départements de la rive gauche du Rhin, juge en Cour d'appel et conseiller à la Cour supérieure de Liège. Il fut aussi un des trois membres d'une commission chargée de recueillir les monuments des arts à Rome et dans l'Italie, et le Journal de Liège, dans un article qu'il publia à sa gloire, assure qu'il honora le caractère français dans Rome humiliée.

Note

(1) Les Précis historiques de la F.-M (par Besuchet) restituent à Saint-Martin la particule nobiliaire de que la démocratie avait retranchée de son nom. — Un autre Louis de Saint-Martin, contemporain du premier, fut également zélé Maçon. Ce second naquit à Amboise en 1743 et mourut en 1805 à Aunay près de Paris. Il fut disciple du visionnaire Martinez-Pasqualis et devint le chef de la Maçonnerie mystique, dite Martinisme, qui prétend que la Maçonnerie est une émanation de la divinité et qu'elle remonte à l’origine du monde ; « en quoi, dit l'auteur des Précis historiques de la F. M. (de F. Besuchet), nous voyons une opinion et non une extravagance. » Voltaire qualifie son style d'archi-galimatias, et dit qu'il ne croit pas qu'on ait jamais rien imprimé de plus absurde, de plus obscur et de plus sot que le principal ouvrage de Saint-Martin, qui a pour titre : Des erreurs ou de la vérité, ou les bommes rappelés au principe universel de la science (Lettre à d'Alembert, du 22 octobre 1776). L'engouement de l'époque pour les nouveautés les plus étranges fit que cet ouvrage, « si absurde, si obscur et si sot, » eut en peu de temps jusqu'à trois éditions. (Note de l’auteur).

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1866 - Revue des deux mondes – Un prince allemand du XVIIIe siècle 

1866 revue2mondesRevue des deux Mondes
XXXVI année – Seconde période
Tome Soixante et unième
Paris
Bureau de la Revue des deux Mondes
Rue Saint-Benoit, 20
1866

Saint-René Taillandier - Un prince allemand du XVIIIe siècle d'après des mémoires inédits - II. Charles de Hesse et les illuminés. 

Livraison du 15 février 1866 - Extrait, page 893-894

Ce sont d'abord les fourbes, les jongleurs, ceux qui, exploitant les dispositions crédules de l'esprit public et mettant à profit les découvertes mal connues des sciences non constituées encore, ont fait un si grand nombre de dupes dans toutes les classes de la société européenne : tels sont l'Allemand Schrepfer, le Hongrois Saint-Germain, le Sicilien Cagliostro. Bien au-dessus d'eux ou plutôt dans un ordre d'idées tout différent viennent les mystiques, les rêveurs inspirés, âmes tendres et un peu folles, mais de cette folie qui est souvent l'exaltation de la sagesse, âmes profondes à coup sûr, car elles ont senti avant toutes les autres le besoin de se soustraire aux sèches doctrines d'un siècle épuisé, et, prenant leur vol les premières, elles ont cherché à travers mille dangers les rivages inconnus. Il n'y a pas de rapprochement à faire entre ces élans désordonnés et le spiritualisme viril qui demeurera l'honneur de notre siècle ; avons-nous tort pourtant de rendre hommage, comme l'a fait si éloquemment Mme de Staël, à ceux qui ont protesté contre des doctrines funestes et rouvert aux âmes les perspectives infinies ? Trois hommes, un Suédois, un Suisse, un Français, composent ce mystique cénacle; il suffit de nommer l'enthousiaste et poétique Svedenborg, l'ingénieux et ardent Lavater, le doux et subtil Saint-Martin. Le troisième groupe enfin est celui des mystiques révolutionnaires. Sont-ce bien des mystiques ? Eux-mêmes le disent, puisqu'ils se nomment les illuminés ; il semble pourtant que ce soit là une simple prétention accommodée à l'esprit du temps et du pays où la secte a pris naissance. A vrai dire, ce sont des hommes d'action, et ils se proposent bien moins de pénétrer les mystères du monde idéal que de [page 894] renouveler la face de la terre : secte bizarre, mal connue, difficile à connaître, bien que deux ou trois de ses chefs appartiennent à l'histoire de la littérature allemande. Que de physionomies diverses dans cette assemblée ! A côté de l'ardent Weisshaupt, le jurisconsulte d'Ingolstadt, j'aperçois ici le baron de Knigge, gentilhomme démocrate, romancier populaire, cœur et tête à l'évent, ainsi que le candide Wilhelm Bode, un des collaborateurs de Lessing

Telles sont à grands traits, et sans tenir compte des particularités sans nombre, les trois classes de personnages confondus par l'imagination effarouchée des contemporains. Cette confusion même et l'effroi qui en fut la suite sont un des signes de l'époque. Ces hommes n'ayant de commun que leurs mystérieuses allures, il fallait qu'il y eût dans l'air un singulier besoin de merveilleux pour qu'un Saint-Germain par exemple ou un Cagliostro fût nommé par les publicistes à côté de Saint-Martin ou de Lavater. Or il se trouve que le prince dont nous interrogeons les mémoires inédits a connu fort intimement des personnes appartenant à ces trois classes ; il a vu, il a aimé l'un des principaux mystificateurs du XVIIIe siècle, il a été en relations directes avec l'école des rêveurs inspirés ; enfin il a été initié à l'illuminisme et revêtu même d'un commandement occulte pour l'Europe du nord. S'il ne parle que des mystificateurs et des révolutionnaires, des fourbes et des illuminés, c'est là déjà une assez bonne part dans la mêlée qui nous occupe. Écoutons les confidences du prince Charles en les contrôlant au besoin par le témoignage des contemporains.

bouton jaune   Livraison du 15 février 1866 - Extrait, page 893-894

Livraison du 15 février 1866 - Extrait, p.925

Bien plus, ce n'est pas seulement chez Goethe que se trouvent ces sympathies pour les mystiques du xvii siècle ; les meilleurs de ses disciples, par conséquent les moins mystiques des hommes, ont éprouvé la même curiosité bienveillante. Il suffit de citer ici M. Varnhagen d'Ense et ses études sur le théosophe Saint-Martin. Pourquoi donc l'auteur de Wilhelm Meister, pourquoi M. Varnhagen d'Ense à son exemple, ont-ils écouté si attentivement de tels songeurs ? Parce que ces songeurs étaient sincères et qu'en eux se révèle tout un aspect de la société européenne au XVIIIe siècle. Le prince curieux, candide, qui rêve pour le genre humain une sorte de paradis sur terre, qui, partagé entre la soumission chrétienne et les espérances des philosophes, cherche à les unir sous les voiles d'une doctrine mystérieuse, c'est bien là un des types de l'Allemagne à la veille de la révolution. Les veux, les songes que Bernardin de Saint-Pierre adressait à Louis XVI dans les dernières pages des Études de la nature étaient familiers de l'autre côté du Rhin à plus d'un prince désœuvré, avec cette différence toutefois que la philosophie de Jean-Jacques suffisait au rêveur français, tandis que le rêveur allemand avait besoin de mysticisme. Ce sont tous ces motifs qui recommandent le souvenir du prince de Hesse : avec sa candeur et ses contradictions, il représente tout un groupe de belles âmes, comme dit Goethe, il ajoute du moins une figure de plus à cette galerie singulière. On peut sourire en l'écoutant; comment ne pas s'intéresser à un homme qui, de Struensée à Gustave III, des illuminés aux jacobins, de Frédéric le Grand à la révolution de 1830, a pris part à tant d'événemens et traversé tant de couches sociales sans désespérer jamais ni de la religion, ni de la philosophie, ni de l'avenir du genre humain ?

bouton jaune   Livraison du 15 février 1866 - Extrait, page 925



1866 - Cherbuliez - Revue critique des livres nouveaux

1866 cherbuliezRevue critique des livres nouveaux
Rédigée par Joël Cherbuliez
Seconde série – 9ème année – 34ème de la collection
Paris, librairie de la Suisse romande, rue de Seine, 33
Genève, Joël Cherbuliez, libraire
1866

Critique du livre de Ad. Franck : La philosophie mystique en France, pages 129-132

LA PHILOSOPHIE MYSTIQUE EN FRANGE À LA FIN 18e SIÈCLE. Saint-Martin et son maître. — MARTINEZ PASQUALIS, par Ad. Franck, membre de l'Institut, prof. au collège de France, Paris, Baillière, libr.-édit., 1866.

Ce livre est l'exposé des doctrines mystiques du célèbre philosophe inconnu. St-Martin est sympathique par sa candeur, sa sincérité de conviction ; il ne s'est pas fait mystique comme maint autre; il était né pour l'être. Faible d'organisation, d'apparence délicate, élégant dans ses proportions, beau de visage, avec des yeux doublés d'âme, comme lui dit une de ses dévotes, d'un esprit fin et délicat, d'un naturel tendre et aimant, forcé, par l'humeur sévère de son père, à refouler au dedans de lui ses meilleurs mouvements, il fut jeté par là même vers les solitaires contemplations; la lecture d'un ouvrage d'Abbadie, son penchant pour Martinez Pasqualis, surtout sa passion pour les rêveries de Jacob Bœhm, et le dégoût de la jurisprudence et de l'art militaire firent largement le reste.

Il aimait le monde, il y était goûté et se plaisait à y faire des prosélytes, surtout parmi les femmes auprès desquelles il était toujours le bienvenu par son esprit, sa délicatesse, sa douceur et sa pureté.

Mystique par nature et par ses études, il se lia, on le com [page 130] prend, avec des mystiques, entre autres avec un baron bernois, moitié magistrat, moitié militaire, qui voulait connaître toutes les sciences et pénétrer dans le monde surnaturel. C'est ce baron qui lui raconte les aventures du général Gichtel, qui n'a jamais été même simple soldat mais qui, par des armes spirituelles invisibles, avait réellement gagné sur Louis XIV, en lieu et place de Malborough et d'Eugène, les batailles d'Hochstets, d'Oudenarde et de Malplaquet. Ce même terrible général avait épousé, le jour de Noël 1673, la sagesse éternelle; laquelle, après la mort de son mari, vint, à diverses reprises, mettre de l'ordre dans ses papiers et corriger ses manuscrits.

St-Martin est beaucoup plus un théosophe, c'est-à-dire un discoureur mystique sur Dieu, sa providence et ses œuvres, qu'un théurge, c'est-à-dire un homme qui cherche les moyens magiques de se mettre en communication avec le monde immatériel.

Il a été même quelquefois vrai philosophe, par exemple dans son opinion sur le don de la parole, laquelle n'est point une invention de l'homme, mais dérive spontanément et nécessairement de nos facultés intellectuelles et morales ; de là, malgré les différences d'idiomes, ces lois générales et ces racines communes qui dominent toutes les langues et les précèdent dans l'esprit humain.

Il n'est pas moins philosophe quand il pense que c'est une véritable révélation que nous trouvons en nous dans cette voix du sens moral, dans ces idées et ces affections premières dont les sens sont incapables de nous expliquer l'origine et qui nous transportent au delà du monde visible, nous élevant dans un sentiment indestructible d'amour et d'admiration jusqu'à la source de notre existence et de notre pensée, ou bien encore, quand il voit dans la nature entière une révélation continuelle, active et effective, pourvu qu'auparavant l'homme ait pris conscience de la sublime dignité de son être.

Il nous paraît philosophe quand, à l'idée de la souveraineté des peuples et de leurs gouvernements, il oppose une volonté plus souveraine, celle qui leur fait sentir leur impuissance. Que les peuples essayent de résister à cette impulsion mystérieuse de la volonté providentielle, ils la feront triompher indirectement par [131] les calamités qu'ils attireront sur leurs têtes; ils démontreront même par leurs crimes les lois de la sagesse et de la justice divines. « L'histoire des nations, » dit St-Martin, est « une sorte de tissu vivant et mobile où se tamise, sans interruption, l'irréfragable et éternelle justice. »

Admettre ce tamisage, suivant M. Franck, c'est rendre impossible l'existence de la liberté. Mais il nous semble que si l'on ne prend pas si fort à la lettre cette expression métaphorique, il n'en résulte qu'une grande vérité, savoir que la Providence corrige à la longue, par l'action du temps, les bouleversements trop prolongés que pourrait amener une liberté sans contrôle. Il faut bien croire à une force réparatrice quand on admet celle qui peut être destructrice.

Un autre point sur lequel nous sommes disposé à louer St-Martin, c'est que tout mystique qu'il est, il a soin de maintenir distincte en tout et partout la personnalité humaine. Elle ne vit qu'en Dieu, mais séparée de Dieu, et douée par lui d'une activité propre. Si notre esprit est comme un miroir dans lequel se réfléchit l'image divine, il faut que ses attributs les plus essentiels soient précisément ceux qui font de lui un être libre, un esprit vivant, une personne. Le désir est le fond même de cet esprit, sa racine. C'est par le désir que Dieu est tout d'abord entré en nous et que nous avons la puissance de retourner en lui, mais sans nous y absorber et y disparaître. Nous admirons, nous adorons, mais nous restons vivants, actifs, coopérateurs.

Nous laissons de côté les opinions de St-Martin sur la chute, pensant avec M. Franck que la thèse de la perfectibilité peut se prévaloir aussi bien que celle de la déchéance des arguments de fait et de raisonnement que le philosophe mystique rassemble ; nous n'ajouterons qu'un mot sur sa doctrine de la réhabilitation. Il admet que l'homme se relève et s'élève par la lutte et la souffrance. « Le temps est la monnaie de l'éternité, ce n'est que l'éternité subdivisée, c'est ce qui doit donner à l'homme tant de joie, tant de courage et d'espérance. Comment nous plaindrions-nous de ne pas posséder encore l'éternité, si, en nous en donnant la monnaie, on nous a donné de quoi l'acheter. » « C'est toujours (p. 169), au prix d'un combat intérieur et de la douleur qui l'accompagne que les affections misérables de ce monde sont remplacées dans [132] notre âme les unes par les autres jusqu'à ce qu'on arrive à l'affection vive et unique dont Dieu est à la fois l'auteur et l'objet. Or, le temps n'est pas autre chose que cet ordre même, que cette suite de nos affections changeantes qui a pour terme et pour but l'amour divin. Dès que l'âme est arrivée là, elle échappe même pendant cette vie à l'empire du temps et entre dans l'éternité, ou pour parler plus exactement, c'est l'éternité qui entre en elle, qui s'infiltre en sa substance. »

Mais si l'homme ne se laisse pas ramener par la lutte et la souffrance ?

Alors, il est ramené malgré lui par la force de la justice, et c'est encore le temps qui devient l'instrument de son salut. « Dieu laisse porter à l'extrême l'action perverse, parce que par là elle ne peut manquer de se briser et de se détruire. »

Et si cette vie n'y suffit pas, la vie à venir continuera et complétera ce que la vie présente n'aura pu faire. Ce prolongement de temps fera le supplice des rebelles.

Finalement, il y aura réintégration. L'esprit le plus revêche devra se dépouiller de son orgueil et rentrer dans l'harmonie universelle.

Nous en avons dit assez. Il y a bien des rêveries dans St-Martin, beaucoup plus même que nous ne l'avons laissé voir dans cet article, mais à côté de ces rêveries il y a un homme intéressant, une bonne nature et à bien des égards un vrai philosophe. « C'est, nous dit M. Frank en terminant, une âme aimante et tendre, un esprit d'une trempe délicate et forte, où l'élévation et souvent la profondeur n'excluent pas la finesse, enfin, un écrivain original dont la grâce naturelle a le don de charmer ceux-là même qu'elle ne persuade point. »

Remercions M. Frank d'avoir employé son talent d'érudit, de penseur, d'écrivain, à nous faire connaître l'aimable théosophe dans un petit volume qui contient tant de choses et se fait lire si facilement. E. G.

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1866 - - Martin - Annuaire Philosophique

1866 annuaire philosophiqueAnnuaire Philosophique
Examen critique des travaux de physiologie, de métaphysique et de morale accomplis dans l’année par
Louis-Auguste Martin
Sténographe du Corps législatif, Membre de la Société asiatique et de la Société philotechnique.
Tome III (1866)
Paris
Librairie philosophique De Ladrange, rue Saint André des Arts, 41.
Librairie des Sciences sociales, Noirot et Cie, rue des Saints Pères, 13.
1866

Novembre 1866 – Bibliographie : le livre de A. Franck. Pages 358-363

La Philosophie mystique en France à la fin du dix-huitième siècle : Saint-Martin et son maître Martinez Pasqualis; par Ad. Franck, membre de l'Institut. 1 vol. in-18, librairie Germer-Baillière.

M. Franck, reprenant en sous-œuvre les dernières études de Matter sur le mysticisme, les a complétées en ce qui concerne le mysticisme du dix-huitième siècle, et particulièrement celui de Martinez Pasqualis et de Saint-Martin.

Observant d’abord le rôle qu’a joué le mysticisme dans l’histoire de la religion et de la philosophie, il le distingue de la religion, parce qu’il le voit sans règle, sans limite, transformant la tradition et les textes en symboles et en figures. Mais c’est ainsi que s’établissent les cultes, et vouloir les épurer du mysticisme, c’est vouloir les réduire à l’état de déisme pur ou de spiritualisme. Du moment qu’on entoure l’idée de l’infini de traditions merveilleuses, légendaires, de rites et de symboles, on lui imprime un caractère mystique indélébile.

M. Franck ne consacre que quelques pages à la doctrine de Martinez Pasqualis, le maître de Saint-Martin; elle se résume en deux parties très distinctes : l’une intérieure, spéculative, spirituelle, reliée à d’antiques traditions ; l’autre extérieure, pratique, symbolique et dépendant de tout un système sur la hiérarchie des vertus et des puissances, ou sur les degrés du monde spirituel interposés entre Dieu et l’homme. Puis il entreprend le sujet capital de son livre : Saint-Martin, sa vie, son système philosophique et religieux.

Nous bornant à l’examen philosophique de ce système, nous dirons de suite avec M. Franck que Saint-Martin y a mis l’empreinte de son caractère, de son tour d'esprit, de ses sentiments, de sa vie; que son mysticisme est, tout à la fois, métaphysique et sentimental, dogmatique et rêveur, satirique et inspiré, traditionnel et indépendant.

[page 359] Suivant Saint-Martin, il existe au fond de notre âme un sens moral, à la fois sensible et intelligent, source profonde d’où jaillissent nos idées et nos sentiments, le sentiment du divin autant que celui du bien ; c’est, en un mot, l’âme elle-même douée d’une puissance effective et intellectuelle, d’une faculté de sentir et de comprendre qui cherche son objet infiniment au-dessus ou au delà de la nature intérieure, quoique se manifestant à la faveur d’une excitation venue du dehors. Il repousse le système des idées innées, laissant à la sensation le privilège d’exciter, de provoquer les facultés les plus essentielles.

La parole est, selon lui, une propriété naturelle à l’homme, un langage natif dont nous trouvons en nous le secret sans l’avoir appris, et dont nous sommes forcés de nous servir par cela seul que nous sommes des êtres pensants. Chaque espèce d’être a une langue particulière qui varie suivant l’organisation. Il y a même un langage pour les êtres matériels et inanimés : « Tout ce qui est externe dans les êtres, dit-il, nous pouvons le regarder comme étant le signe et l’indice de leurs propriétés internes. » Aussi combat-il la prétention de Condillac et d’autres philosophes qui, subordonnant la pensée au langage, voulaient par le perfectionnement de celui-ci amener la perfection des idées.

M. Franck examine ensuite la doctrine de Saint-Martin sur l’origine de la société, sur la souveraineté du peuple et particulièrement sur la Révolution française. Saint-Martin nie que la société humaine soit née de l’instinct de conservation physique et de l’accord réfléchi des volontés ; il voit ses racines dans les profondeurs de notre âme, et en trouve les lois écrites d’avance par Dieu même dans notre essence spirituelle. Les constitutions sociales ne dérivent pas de la volonté ni de la sagesse humaine, elles dérivent des lois supérieures de l’éternelle justice. On pourrait alors lui demander pourquoi les institutions primitives de l’humanité, qui étaient si proches de leur cause divine, présentent plus d’imperfections que les institutions modernes, œuvre de l’homme, et fruits de longs tâtonnements, d’expériences réitérées. Personne assurément ne songerait à attribuer les institutions actuelles qui nous [page 360] gouvernent à une révélation divine, et, cependant, elles sont de beaucoup supérieures à celles prétendues révélées de Manou, de Moïse et de Mahomet.

On comprend sa répulsion pour la souveraineté des peuples ; c’est une révolte contre Dieu qui impose aux hommes leur législation et leur gouvernement : « De tout temps, dit-il, les peuples servent alternativement de moyens à l’accomplissement du grand œuvre de la Providence, selon leurs crimes, comme selon leurs vertus. (1. Lettre sur la Révolution française, p. 30) » Les peuples seraient-ils coupables des désordres sociaux, s’ils n’étaient pas libres de faire des lois destinées à les prévenir ? « L’histoire des nations, ajoute-t-il, est une sorte de tissu vivant et mobile où se tamise sans interruption l’irréfragable et éternelle justice. » N’est-ce pas faire jouer à la Providence, vis à vis de l’homme, le même rôle que les anciens faisaient jouer au Destin ? Si Dieu ne nous laissait que le pourvoir de répondre ou de résister à ses prescriptions, notre liberté serait dangereuse et décevante, car elle s’exercerait au bord d’un précipice où notre faiblesse nous ferait inévitablement tomber.

Saint-Martin considère la Révolution comme un fait providentiel, une expiation en même temps qu’un instrument de salut ; en cela il se rapproche de J. de Maistre. Il va même jusqu’à englober le clergé dans le châtiment à cause des richesses, du luxe et du relâchement moral dont il donnait l’exemple scandaleux.

M. Franck examine ensuite la doctrine religieuse de Saint-Martin. La meilleure preuve de l’existence de Dieu pour celui-ci est dans notre besoin permanent, universel, irrésistible d’admirer et d’adorer, parce que tout besoin implique non seulement l’existence de son objet, mais aussi ses attributs ; or les attributs de Dieu, révélés par notre besoin d’admiration, sont ceux de cause active intelligente, par conséquent libre.

Au lieu de la proposition de Malebranche « Nous voyons tout en Dieu, » Saint-Martin dit : « .Nous oyons Dieu dans tout. » La matière, pour lui, n’a aucune qualité en soi et ne forme point une existence distincte ; elle n’est qu’une image [page 361] ou une apparence sensible de ce qui n’est pas elle, produite par des puissances émanant d’une puissance plus générale, d’un esprit doué de vertus supérieures.

Interprétant à sa manière le dogme de la trinité chrétienne, il transforme les trois personnes en trois attributs par lesquels Dieu se manifeste comme premier principe et première raison des choses ; ces trois attributs existant simultanément sont : la puissance, l’intelligence et l’amour. Et, comme ils sont toujours en action, il s’ensuit que Dieu se crée lui-même éternellement, car il exerce sur lui-même sa pensée, sa puissance et son amour.

Qu’est-ce que l’homme suivant Saint-Martin ? C’est un dieu engendré par la pensée et la parole éternelle. Entre le dieu créé et le Dieu créant, il y a similitude, mais non identité. Cette similitude ne devrait-elle pas préserver de la corruption et de la déchéance ? L’émanation d’une substance incorruptible peut-elle être corruptible elle-même ? Supposons que le germe de cette corruption ne soit point dans son origine, comment et quand se forme-t-il ? Il naît, dit-on, de la liberté : l’homme, pensée de Dieu, est créé capable d’agir par lui-même ; sa volonté est l’instrument de son perfectionnement et aussi de sa déchéance. C’est donc à la fragilité de sa nature qu’il doit s’en prendre, selon Saint-Martin, de ses illusions et de ses fautes. Pourquoi ne s’en prendrait-il pas à l’auteur même de cette fragilité ? Parce que Dieu a voulu laisser à l’homme quelque chose à faire. L’activité humaine n’aurait donc pas eu un exercice suffisant en ne s’appliquant qu’au bien ? Mais, ajoute-t-on, il n’aurait pas eu de mérite s’il n’avait eu à choisir entre le bien et le mal ; mérite fort chèrement payé, puisqu’il expose à être malheureux dans ce monde et dans l’autre.

Saint-Martin n’admet ni la grâce, ni la prédestination, ces deux sœurs de la fatalité, comme moyen de réhabilitation pour l’homme ; le premier instrument de salut c’est le temps, qu’il considère comme l’accompagnement nécessaire de la génération et de la mort, la source de notre réhabilitation, sans laquelle notre déchéance serait éternelle. C’est l’acte par lequel la puissance divine s’incline vers nous : « Une des plus majestueuses et des plus consolantes idées que l’homme puisse [page 362] concevoir, dit-il, c’est que le temps ne peut être que la monnaie de l’éternité. Oui, le temps n’est que l’éternité subdivisée, et c’est là ce qui doit donner à l’homme tant de joie, tant de courage et d’espérance. En effet, comment nous plaindrions-nous de ne plus posséder l’éternité si, en nous en donnant la monnaie, on nous a donné de quoi l’acheter ?... C’est par cette même loi du temps que toutes les justices divines s’accomplissent, car Dieu laisse porter à l’extrême l’action perverse, parce que par là elle ne peut manquer de se briser et de se détruire. » Que dirait-on à un père qui laisserait ses enfants se livrer aux plus grands désordres, dans la prévision qu’ils auront un terme ? On lui dirait, avec raison, qu’il ferait mieux de conjurer ce mauvais usage de la liberté, en leur ôtant le moyen d’y risquer leur santé et leur honneur.

Il est vrai que Saint-Martin admet, comme le christianisme, que Dieu inspire seulement le bien, tandis que le mal est une création du démon ; cet esprit mauvais s’est insinué dans l’homme et a corrompu son sang. Aussi, pour justifier l’effusion non interrompue du sang par la guerre et par les supplices que présente l’histoire, Saint-Martin soutient-il que le sang est le principe et le siège de toute impureté, un obstacle au développement de notre puissance, l’organe de la puissance de notre ennemi, du génie du mal ; d’où cette atroce conséquence que l’effusion du sang est salutaire, et, comme dit J. de Maistre, purificatrice. Voilà pourquoi Dieu la prescrivait si souvent à son peuple. Les inquisiteurs trouvèrent sans doute la chair aussi impure que le sang, puisqu’ils la firent brûler toute vive. On voit que le mysticisme ne s’exhale pas toujours en élans d’amour, et qu’il a des velléités sanguinaires et féroces.

A ceux qui s’indignent des cruautés accomplies au nom du ciel, Saint-Martin répond que leur esprit est fermé aux vérités profondes et qu’ils sont du nombre de ceux « pour qui le matériel est tout, tandis que Dieu ne compte que les âmes. »

En vertu du dogme de la réversibilité qu’il admet, les victimes innocentes entrent dans le plan de l’économie divine qui les emploie, comme un sel pur et conservateur, afin de préserver par là de l’entière corruption et de la dissolution totale les victimes coupables avec lesquelles elles descendent [page 363] dans le tombeau : d’où il suit que le salut des coupables sera dû à la perdition ou aux supplices des innocents.

Il ne croit pas que Jésus par sa mort ait lavé les hommes du péché originel, mais il dit qu’il leur a donné l’exemple de l’affranchissement spirituel par son immolation volontaire. Jésus pour lui n’est pas un Dieu, mais un type de l’amour du dévouement et du sacrifice nécessaire à la réhabilitation de l’humanité déchue.

Rejetant les peines éternelles, il prédit, comme Zoroastre, la réintégration même du démon, réintégration qui emporte avec elle, de toute nécessité, celle des âmes humaines. Ce résultat final justifie à ses yeux les châtiments temporaires, car ils sont destinés à relever le coupable et à nous faire un jour retrouver tous au sein de Dieu.

La fin du monde, comme il l’entend, n’est donc point la séparation éternelle des justes et des réprouvés ; elle est, au contraire, l’éternelle et l’universelle réconciliation ou rédemption, l’accomplissement de la justice et le règne de l’amour, la destruction de la matière et l’abolition du mal.

Cette conclusion rachète bien sa théorie fataliste et cruelle de la déchéance, de la réversibilité, de l’effusion nécessaire du sang ; en cela il s’éloigne heureusement du dogme impitoyable de l’enfer éternel.

Le fond de sa doctrine, comme le remarque très justement M. Franck, n’appartient pas plus à la religion qu’à la philosophie. Son mysticisme dérive moins du christianisme que de la kabbale ; il est mêlé de platonisme, de gnosticisme, d’alchimie et de théurgie ; mais au milieu de tout cela il se montre toujours le défenseur de la conscience et de la liberté humaine : « Ce qui fait et fera toujours son plus grand titre aux yeux de la postérité, dit M. Franck, c’est qu’il est resté lui-même une âme aimante et tendre, un esprit d’une trempe délicate et forte, où l’élévation et souvent la profondeur n’excluent pas la finesse... De ses ouvrages s’exhale comme un parfum de candeur et d’amour, qui suffit pour les sauver de l’oubli. »

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1866 - Revue des cours littéraires de la France et de l’étranger</34>

1866 revue coursRevue des cours littéraires de la France et de l’étranger
Collège de France – Sorbonne - École des beaux-arts – Faculté de droits – Bibliothèque impériale – Faculté des lettres des départements – Société savante – Universités étrangères – Soirées littéraires de la Sorbonne et des villes de province – Conférences libres.
Paris. Germer Baillère, libraire éditeur, 17, rue de l’École de Médecine.
Londres. Hipp. Baillère, 219, Regent Street.
New York, Baillière brothers, 440, Brodway.
Madrid. C. Bailly-Baillère, Plaza del Principe AlFonso, 16
1865-1866

Troisième année. Numéro 40. 1er septembre 1866

La philosophie mystique (1), pages 649-6521866 revue cours 1ersept

1. La philosophie mystique en France à la fin du XVIIIe siècle : Saint-Martin et son maître Martinet Pasqualis, par M. Adolphe Franck, membre de l'institut, professeur au Collège de France. — Un volume faisant partie de la Bibliothèque de philosophie contemporaine.

M. Adolphe Franck vient de donner à la Bibliothèque de philosophie contemporaine un nouveau volume d'une réelle importance historique et d'un sérieux intérêt. En écrivant sur la philosophie mystique en France à la fin du XVIIIe siècle, et principalement sur Saint-Martin et sur son maître Martinez Pasqualis, M. Franck s'est placé au cœur d'une question dont il connaît mieux que personne les origines, les obscurités et les phases diverses. Une foule de savants auxquels il rend hautement justice (2. MM. Sainte-Beuve, L. Moreau, Matter, Caro, etc., etc.) s'étaient occupés avant lui de Saint-Martin, ce prétendu philosophe inconnu qui a été connu de tant de monde ; mais ses études sur la métaphysique religieuse des Hébreux, son enseignement du Collège de France, où il excelle à rattacher les mouvements politiques des peuples au développement de leurs croyances, rendaient l'éminent auteur du livre sur la Kabbale particulièrement apte à retrouver les véritables antécédents du système de Saint-Martin, et à éclairer d'un jour tout nouveau cette recrudescence de mysticisme qui éclata à la fin du siècle dernier, au milieu d'une société matérialiste et en pleine révolution. Narrateur attachant, peintre de mœurs autant que penseur et juge éclairé des théories, il nous apprend dans ces pages courtes et rapides, mais pleines de vie, à connaître un homme et une époque et à vérifier cette loi posée par un illustre maître, que la réaction mystique, avec ses extravagances, est au bout de la voie qui semble le plus éloigner les âmes des croyances spiritualistes et religieuses.

Le mysticisme est, à vrai dire, la revanche des âmes aimantes et passionnées auxquelles l'athéisme essaye vainement d'enlever l'objet suprême de l'amour, et qui se vengent non seulement en rétablissant de toutes leurs forces la foi religieuse, mais encore en s'abîmant en Dieu. Une sage philosophie doit faire à l'amour de l'infini qui est en nous sa légitime part, sans quoi il se la fait lui-même et, dans son ardeur à reprendre son bien, il va fort au delà de ses droits. M. Franck a caractérisé les emportements de l'amour mystique avec la plus délicate justesse. « On peut dire, a-t-il écrit, que la religion est au mysticisme ce que l'amour réglé par le mariage est à l'amour libre et passionné. Le mariage n'exclut pas l'amour; il le suppose, au contraire, et ne peut se comprendre sans lui. Mais il lui impose des règles et des devoirs; il le place sous l'autorité des lois et ne lui permet pas de s'écarter des conditions sur lesquelles repose l'ordre social... Le mysticisme, comme la passion, comme l'amour humain quand il a envahi tout notre être, ne connaît ni règle, ni frein, ni limite. L'autorité est pour lui un vain mot ; la tradition et les textes, quand il daigne les accepter, se changent sous son regard en symboles et en figures, comme certains corps touchés par le feu se changent en vapeur. Il va tout droit à l'objet aimé, c'est-à-dire à Dieu. C'est lui seul qu'il cherche, lui seul qu'il aperçoit dans la nature et dans l'âme, et il ne s'arrête qu'après avoir tout absorbé et quand il s'est lui-même abîmé en lui (3. Pages 6 et 7.). »

Si tel est le mysticisme, il est aisé de comprendre que la fin du XVIIIe siècle l'ait vu renaître en France. Il n'est pas moins facile de s'expliquer comment cette philosophie a conquis le cœur, l'imagination et la pensée de Saint-Martin. Il était doué au plus haut degré de cette sensibilité fine, délicate, exquise et un peu maladive, qui est le ressort principal de la mysticité. Même à laisser de côté ses idées et sa métaphysique, son âme toute seule serait encore pour le psychologue un très curieux sujet d'étude. Son portrait moral peint par lui-même, et dont M. Franck a réuni les traits les plus frappants, suffirait à le rendre aimable et à assurer de nombreux lecteurs au nouveau livre qui lui est consacré. Non, certes, que Saint-Martin soit un personnage absolument unique et seul de son espèce; aucun homme n'a jamais joui de ce singulier privilège, pas même J. J. Rousseau, qui pourtant s'en flattait. Nous pourrions découvrir dans l'histoire plus d'une figure analogue à celle de Saint-Martin, notamment ce Plotin si affectueux, si bon, si humain, si charitable, dont Porphyre nous a laissé la biographie. Mais Plotin, qui a bien plus de génie, n'est pas plus [page 650] séduisant, pas plus sympathique que le disciple de Martinez Pasqualis. Saint-Martin était beau et de proportions élégantes; mais sa constitution paraissait débile. Loin de gémir de ce qu'on ne lui avait donné de corps qu'en projet, il se consolait en croyant découvrir dans sa faiblesse physique le signe de sa destinée. « La divinité, écrivait-il, ne m'a refusé tant d'astral (de force physique) que parce qu'elle voulait être mon mobile, mon élément et mon terme universel. » Son regard était si doux qu'une de ses amies prétendait que ses yeux étaient doublés d'âme. Cependant il n'avait aucun orgueil ; sa modestie charmante résistait aux fumées enivrantes du succès et l'empêchait de se croire meilleur que les autres. « Dans l'ordre de la matière, j'ai été, avouait-il, plutôt sensuel que sensible, et je crois que si tous les hommes étaient de bonne foi, ils conviendraient que dans cet ordre il en est d'eux comme de moi. » Ce qui rend sa physionomie morale singulièrement piquante, c'est que, malgré sa bienveillance et sa naïveté, il n'est dupe ni de lui-même ni de personne, et qu'il a à son service une certaine verve malicieuse qu'il n'eût tenu qu'à lui de changer en une arme meurtrière. Il a vengé en une phrase et pour toujours les hommes doux qui passent pour niais parce qu'il leur répugne de blesser les autres : « Le monde m'a donné une connaissance qui ne lui est pas avantageuse. J'ai vu que, comme il n'avait d'esprit que pour être méchant, il ne concevait pas que l'on pût être bon sans être une bête. » Sa clairvoyante sagacité lui faisait abhorrer l'esprit du monde ; mais son inaltérable sympathie pour les hommes lui faisait aimer le monde et la société.

Toutefois, et comme il arrive d'ordinaire aux natures mystiques, il eut moins d'influence sur les hommes que sur les femmes. Il ne s'exagérait pas l'action que ses doctrines exerçaient sur les esprits de son temps. Dédaigné de ses contemporains, isolé au milieu d'eux comme « un Robinson de la spiritualité », il se compare à un musicien qui jouerait des valses et des contredanses dans le cimetière de Montmartre, et ajoute que quelle que soit la puissance de son archet, il ne fera jamais danser les morts qui reposent dans cette funèbre enceinte.

Mais les femmes le dédommagèrent de ces déceptions qu'il avait vivement ressenties. M. Franck a eu raison d'insister sur ce point instructif et intéressant. Semblable à la femme pour laquelle l'amour est l'essentiel, sinon le tout de la vie, le mysticisme est par excellence la philosophie féminine. Comme la femme, le mysticisme est séduisant, ardent, dévoué, enthousiaste, exclusif; mais il est aussi comme elle subtil, raffiné et délicat. Saint-Martin fut d'autant plus lu et d'autant mieux écouté d'un grand nombre de femmes distinguées qu'il leur ressemblait lui-même à plusieurs égards et qu'il leur enseignait des doctrines propres à les charmer. Les marquises de Lusignan, de Coislin, de Chabanais, de Clermont-Tonnerre, la maréchale de Noailles, la duchesse de Bourbon, et une foule d'autres Françaises ou étrangères, le prirent en quelque façon pour leur directeur. En conversant avec elles, il se forma, sur leur caractère en général, des idées tantôt justes, tantôt fausses, souvent contradictoires, mais parmi lesquelles on aurait beaucoup à prendre si jamais on entreprenait d'écrire une psychologie particulière et spéciale de la femme. Les pages où le philosophe mystique a traité ce difficile sujet sont parfois légèrement malignes, parfois pleines d'une admiration qui s'exhale en accents dithyrambiques. Nous en citerons quelques fragments, mais tout juste assez pour exciter le lecteur à recourir au livre de M. Franck. «Il faut être bien sage, dit Saint-Martin, pour aimer la femme qu'on épouse, et bien hardi pour épouser la femme que l'on aime. » – « La femme a en elle un foyer d'affection qui la travaille et l'embarrasse; elle n'est à son aise que lorsque ce foyer-là trouve de l'aliment; n'importe ensuite ce que deviendra la mesure et la raison. Les hommes qui ne sont pas plus loin que le noviciat sont aisément attirés par ce foyer, qu'ils ne soupçonnent pas être un gouffre. » De pareilles remarques sont d'un observateur moins que naïf, et la main qui les a écrites n'était ni trop indulgente, ni malhabile. Mais, à côté du satirique, M. Franck a soin de nous montrer l'admirateur enthousiaste : « Les femmes, par leur constitution, par leur douceur, démontrent bien qu'elles étaient destinées à une œuvre de miséricorde. Elles ne sont, il est vrai, ni prêtres, ni ministres de la justice, ni guerriers; mais elles semblent n'exister que pour fléchir la clémence de l'Être suprême, dont le prêtre est censé prononcer les arrêts; que pour adoucir les rigueurs des sentences portées par la justice sur les coupables et que pour panser les plaies que les guerriers se font dans les combats. L'homme parait n'être que l'ange exterminateur dé la Divinité ; la femme en est l'ange de paix. Elle est le type de la plus belle faculté divine. »

Dans sa polémique contre Garat, c'est-à-dire contre Condillac et contre Locke, Saint-Martin se montre psychologue plus profond et observateur plus sûr. La science de l'âme doit beaucoup aux philosophes mystiques de l'antiquité : Plotin abonde en vues d'une rare justesse sur les opérations de l'intelligence, de la mémoire, du raisonnement, et sur les mouvements de la sensibilité. Proclus a analysé d'une façon admirable ce même libre arbitre qui s'accorde si difficilement avec le principe fondamental du mysticisme. Saint-Martin, qui probablement n'a pas connu ces maîtres, mais qui, comme eux, était habitué à regarder en lui-même, n'a pu laisser passer, sans les dépouiller de leur prestige, les fausses hypothèses de l'école de Condillac. Contre Garat, qui, d'ailleurs, n'était point dépourvu de quelque génie philosophique, Saint-Martin a démontré qu'il y a des phénomènes intérieurs que la sensation transformée n'expliquera jamais ; par exemple, le sentiment du bien ou [page 651] sens moral, dont la force est étrangère et souvent opposée à celle de la sensation. Contre Garat encore, il a établi que l'homme a été pourvu d'un langage qui lui est propre, aussi ancien que son existence, qui répond exactement à son essence spirituelle, et que ce langage est la parole : c'était presque dire, comme une psychologie plus récente, que l'homme est né doué de la faculté de parler, de même qu'il est né doué de la faculté de penser, et qu'il est insoutenable de faire dériver la pensée de son expression. Enfin, toujours contre le même adversaire, Saint-Martin s'est efforcé d'établir qu'il y a incompatibilité radicale entre la matière et la pensée et que, par conséquent, l'âme est distincte du corps. Il a donc été le précurseur de Laromiguière, de Royer-Collard et de leurs illustres disciples MM. Cousin et Jouffroy. Ainsi Saint-Martin, au moins par sa psychologie, appartient déjà à l'école spiritualiste moderne, et M. Franck, qui en est un éminent représentant, a eu raison de l'y rattacher.

Mais, en même temps, il l'en a fortement distingué et a montré, non pas la ligne de démarcation, ce ne serait pas assez dire, mais le profond abîme qui sépare la métaphysique spiritualiste de la doctrine kabbalistique et alexandrine de l'émanation. Après avoir lu le livre de M. Franck, je ne sais trop comment on pourrait s'y prendre pour confondre, à quelque degré que ce soit, le mysticisme panthéiste avec le spiritualisme. En effet, il y a, dans Saint-Martin un spiritualiste et un mystique. Or, dans l'exposition si lumineuse et si fidèle de M. Franck, on voit parfaitement où finit le premier, où commence le second, et comment l'un et l'autre tentent de s'accorder sans y réussir complètement, mais non sans un certain avantage du côté du spiritualisme, avantage qui est à l'honneur de Saint-Martin et qui manifeste l'énergie croissante avec laquelle la pensée moderne s'attache à la notion ou plutôt à la conscience du libre arbitre.

Saint-Martin veut, à ce qu'il dit lui-même, être le Descartes de la spiritualité. Il voit dans l'âme humaine, ramenée à son essence et dégagée de tout rapport avec tout ce qui n'est pas elle, la source la plus pure de la vérité. La connaissance de nous-mêmes lui semble être le plus sûr moyen de connaître Dieu. Et de même qu'il découvre dans l'homme un être libre, un esprit vivant, une personne, de même il croit et il prouve que tous les attributs d'un être libre sont réunis en Dieu. Selon lui, le besoin d'aimer, d'admirer, d'adorer qui nous possède, nous agite et nous élève, ce besoin, dans celui qui l'excite comme dans celui qui l'éprouve, ne se peut concevoir sans la liberté. Dieu et l'homme sont donc des personnes et des personnes libres. Par ce côté de sa doctrine, Saint-Martin se place en dehors du panthéisme et du mysticisme.

Mais il y rentre par un autre côté. Il professe que tous les êtres sont émanés de Dieu. Sur ce point, aucun doute n'est permis. « Le principe suprême, dit-il, source de toutes les puissances, soit de celles qui vivifient la pensée dans l'homme, soit de celles qui engendrent les œuvres visibles de la nature matérielle; cet être nécessaire à tous les êtres, germe de toutes les actions, de qui émanent continuellement toutes les existences. »

– « Qu'étais-tu, homme, lorsque l'Éternel te donnait naissance ? Tu procédais de lui, tu étais l'acte vif de sa pensée, tu étais un Dieu pensé, un Dieu voulu, un Dieu parlé, tu n'étais rien tant qu'il ne laissait pas sortir de lui sa pensée, sa volonté et sa parole. » Rien n'est plus significatif qu'un tel langage. Cependant Saint-Martin conserve à l'homme ainsi conçu l'intégrité de son libre arbitre. Comment ? En proclamant que si l'homme est une pensée de Dieu, c'est une pensée active. « Ce n'est point assez de ne pas douter de la puissance du Seigneur, il faut encore ne pas douter de la tienne. Car il t'en a donné une, puisqu'il t'a donné un nom, et il ne demande pas mieux que tu t'en serves. Ne laisse donc point l'œuvre entière à la charge de ton Dieu, puisqu'il a voulu te laisser quelque chose à faire. »

Voilà donc que, comme Plotin et comme Proclus, le plus récent des mystiques a été obligé de maintenir le libre arbitre en présence du principe de l'émanation. C'est beaucoup; ce n'est point assez. Il eût fallu prouver que l'émanation, c'est-à-dire l'unité des substances, n'entraîne pas la confusion des causes et la destruction radicale de l'énergie libre dans les êtres émanés de la substance universelle. Saint-Martin ne l'a pas fait, parce qu'il ne pouvait le faire. Malgré ses efforts, l'émanation et le libre arbitre restent à l'état de termes contradictoires entre lesquels le philosophe doit choisir. Si Saint-Martin revivait aujourd'hui, s'il appliquait rigoureusement cette méthode cartésienne qu'il a connue et appréciée, mais qu'il a trop souvent sacrifiée aux idées kabbalistiques, il abandonnerait l'émanation et s'en tiendrait au libre arbitre. De la part d'un mystique tel que lui, ce n'est pas toutefois un médiocre mérite d'avoir eu le vif sentiment de la responsabilité de l'homme et de la personnalité divine.

Il nous en coûte de nous séparer ici de l'ouvrage que nous annonçons. Mais nous ne saurions prolonger encore ces observations, sans nous substituer nous-même à M. Franck et sans répéter en l'affaiblissant ce qu'il a dit avec tant d'autorité. Nous renvoyons donc le lecteur à son excellent livre, et nous terminerons en citant les dernières lignes de sa conclusion :

« Saint-Martin a été vraiment, comme il en avait l'ambition, le Descartes de la spiritualité, c'est-à-dire le défenseur de la conscience humaine au milieu des entraînements et des illusions du mysticisme. Il est resté de son pays en dépit des sacrifices qu'il a pu faire à l'esprit oriental et à l'esprit germanique, le premier représenté par Martinez Pasqualis, le second par Jacob Boehm. Mais ce qui fait et fera toujours son plus grand titre aux yeux de la postérité, il est resté lui-même, une âme aimante et tendre, un esprit d'une trempe délicate et forte, où l'élévation et souvent la profondeur [page 652] n'excluent pas la finesse; enfin un écrivain original, dont la grâce naturelle a le don de charmer ceux-là même qu'il ne persuade point, et dont l'imagination ingénieuse donne un corps à toutes ses pensées. De ses ouvrages s'exhale comme un parfum de candeur et d'amour qui suffit pour les sauver de l'oubli. »

Ajoutons un dernier mot. Grâce à l'obligeance de M. le pasteur Matter, fils de l'historien du gnosticisme et de l'école d'Alexandrie, M. Franck a eu à sa disposition les deux petits volumes manuscrits de Martinez Pasqualis, et a pu en user dans la mesure qui lui a paru convenable. Il en a profité pour reproduire, sous forme d'appendice, les vingt-six premiers feuillets du Traité de Martinez. Outre que ce fragment est par lui-même fort curieux, il permet au lecteur de saisir au juste les ressemblances du maure et de l'élève, et de retrouver les origines immédiates du mysticisme de Saint-Martin dans l'introduction du livre kabbaliste de Martinez, qui est intitulé : Traité sur la réintégration des êtres dans leurs premières propriétés, vertus et puissances spirituelles et divines. Cette pièce inédite augmente encore la valeur historique du nouvel ouvrage de M. Franck.

Cu. LBYÉQUE (de l'Institut).

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