Tome deuxième
La maçonnerie: considérée comme le résultat des religions égyptienne, juive et chrétienne
Par le F.·.M.·.R.·.Reghellini.·.de Schio
Tome deuxième
Bruxelles, H. Tarlier, libraire-éditeur
1829 – E.·. V.·. 5829. V.·. L.·. - Tome second - Maçonnerie en France
Chapitre XXVII – Maçonnerie en France.
Extrait, pages 216-223 ; 229-231
[p.216] … La même année 1762, un nouveau Conseil des Hauts Grades s'éleva à Paris, et prit le modeste titre de Conseil des Chevaliers d'Orient, ce qui donna naissance au Rite d'Adonhiram, qui fut composé, en grande partie, par le Baron Tschoudy, connu par ses écrits Maçon.·., entre autres par celui de l'Etoile Flamboyante. Ce Rite était en opposition au système des Templiers et des Empereurs d'Orient et d'Occident : la plus grande partie de ses doctrines se rapportaient à celles des Egyptiens et des Juifs lors de leur restauration, et se rapprochaient de celles du Nouveau Testament; son but est la construction du Temple de Salomon sur les dessins d'Hiram (1). Ce même Conseil de [p.217] Tschoudy publia, en 1766, une adresse qui, en mettant tous les Maçons en garde, leur prescrivait de méconnaître toute filiation qu'on prétendrait exister entre les Francs-Maçons et les Templiers, proscrivant tout grade qui aurait un rapport direct ou indirect avec ce système ; ce qui est répété dans les instructions de son grade de St. André d'Ecosse de ce régime, en opposition avec ceux de Kilwinning d'Herodom, de l'Ecoss.·.An.·.et Acc.·., du Chap.·.d'Arras et d'autres.
Martines Pascalis, allemand, de famille pauvre mais honnête, apporta à Paris le Rite des Elus Coëns : il naquit vers l'année 1700. A l'âge de seize ans, il savait le latin et le grec ; il voyagea en Turquie, en Arabie, en Palestine ; il chercha à s'instruire dans les mystères du Temple, qui d'après ce qu'il en rapporta en Europe devaient s'être conservés dans ces contrées lointaines. Il établit entre autres ordres un ordre particulier de Roses †.·.†.·.. Ses instructions sont celles des Grands-Prêtres Juifs ; elles roulent sur la création de l'homme, sur sa désobéissance, sur sa punition, sa régénération, et sur sa réintégration dans l'innocence qu'il avait perdue par le péché originel. Son but était le perfectionnement de l'homme, afin qu'il pût approcher du Souverain Architecte des Mondes dont il est émané.
Lorsque l'adepte a recouvré par les nouveaux Ordres, [p.218] ses droits primitifs, il se rapproche de son Créateur; il peut connaître les secrets de la nature, ceux des sciences occultes (2) et de la théologie mystique. Ses cérémonies étaient entièrement israélites, et tirées de la Bible.
Ce Rite est fondé sur la théosophie, sur la chimie, et sur les évocations. Il paraît que le matériel lui a été fourni par les Juifs Talmudistes et par les Chrétiens de St.-Jean, qui vivaient dans les lieux d'Orient qu'il avait visités pendant sa jeunesse.
Son Rite fixa l'attention des Maçons, il eut beaucoup d'adeptes ; ses Loges s'appelèrent Martinistes.
La Grande-Loge rejeta de l'intérieur des Loges de sa constitution les opinions et les doctrines de Martines Pasca1is, qui déjà avancé en âge, s'embarqua pour St.-Domingue, ennuyé peut-être des oppositions de la Grande-Loge, et finit sa carrière, âgé de près de cent ans. M. de St.-Martin a fait revivre ce Rite et ces cérémonies. Il a même rectifié les mots sacrés en Hébreu, et il s'en sert, ainsi que tous les Rites Maçon.·..
Par la réforme de M. de St.-Martin, son Rite était divisé en dix Grades. Les sept premiers formaient le premier Temple, dans lequel on s'occupait de la chimie, [p.219] afin d'arracher à la nature ses secrets. Dans les trois autres on étudiait les sciences occultes qui se trouvaient en rapport avec la cabale, les évocations, et la théosophie mystique.
M. de St.-Martin écrivit plusieurs ouvrages, entre autres celui qui traite des Erreurs et de la Vérité : il y envisage, 1° l'homme dans son ancien état de perfection ; 2° l'homme après sa chute; 3° l'homme dans la possibilité d'un retour à cette première perfection. C'est un écrit d'une obscurité recherchée et volontaire ; il fait un usage prodigué des nombres mystérieux, à l'imitation de Pythagore, de Platon et des Maçons de la Cabale. C'est dommage qu'il n'ait pas connu les créations orientales desquelles nous aurons à parler.
Ce Rite de St.-Martin a donné naissance à la Loge des Philalètes à Paris, qui avait ajouté au second Temple que nous avons indiqué, deux autres degrés, ce qui faisait douze, dont toute l'étude roulait sur la chimie et les sciences occultes. Cette Loge fut instituée par M. La Savalette ; elle possédait une bibliothèque riche en monuments maçonniques et littéraires. Après sa mort elle fut vendue, et alla enrichir les archives de la Mère-Loge du Rite philosophique de Paris. Mais, malgré toutes les sciences occultes dont les Philalètes s'occupaient, on convient qu'ils avaient adopté bien des maximes du Rite de la Cité Sainte et de la Stricte Observance, ainsi que des rêveries templières.
[p.220] Le régime rectifié, ou de la Cité Sainte, a cinq degrés; les trois premiers sont, les Symboliques; le 4e l'Ecossais ; et le 5e, celui des Ch.·.de la Cité Sainte.
Les Symboles qui lui sont particuliers représentent :
1°. Une Colonne brisée par le haut,
2°. Une pierre cube,
3°. Un Vaisseau démâté (3),
4°. Un Lion dans un ciel orageux.
5°. Un Tombeau avec les initiales I.·.M.·. avec un Aigle, un Pélican et la devise « Ecce quod superest [Voici ce qui reste… (de l’ordre du Temple)]. »
Après l'introduction de tous ces Rites, il s'établit, à Narbonne, le Rite Ecossais primitif, avec patentes de la Mère-Loge d'Edimbourg, sous le titre distinctif de Philadelphes (4) ; il participait des doctrines de M. de St.-Martin.
Les Grades sont: 1° Ap.·. — 2° Comp.·. — 3° Maît.·. — 4° Maît.·.parf.·. — 5° M.·.Irland.·. — 6° Elu de neuf, — 7° Elu de l'inconnu, — 8° Elu de quinze, — 9° M.·.Elu —10° Elu parf.·. -— 11° Petit Arch.·. ou Ap.·.Ecos.·. — 12° Grand Arch.·.ou Comp.·.Ecoss\ — 13° Subi.·.Arch.·.ou Maît.·.Ecoss.·. —14° M.·. [p.221] Elu ou la Parf.·.Architecture,—15° Royal Arche, —16°Noachite ou Ch.·.Prussien,—17° Ch.·.de l'Or.·.ou de l'Epée,—18° Prince de Jérusalem,—19° Vén.·.des Loges,—20° Chev.·.d'Occid.·. — 21° Ch.·. de la Palestine — 22° Sou.·.P.·.R.·.C.·.X.·. — 25° Sub.·.Ecoss.·. — 24° Ch.·.du Soleil, — 25° G.·.Ecoss.·.de St.-André, — 26° Maçon.·.du Secret,—27° Ch.·.de l'Aigle Noir, — 28° Ch.·.Kadosch — 29° G.·.Elu de la Vérité — 30° Novice de l'Int.·. — 31° Ch.·.de l'Int.·. — 32° Préf.·.de l'Int.·. — 33° Commandeur de l'intérieur.
Les Maçons en France se trouvaient partout aux prises ; tous les différents Rites prétendaient faire valoir leur parti, et ce qui causa le plus de troubles , ce fut toutes ces constitutions Ecossaises accordées par les Grands-Commandeurs ad vitam, qui se prétendaient chefs d'Ordre, et qui établissaient dans leurs Loges Ecossaises des Grades qui ne se trouvaient pas dans les anciens rituaires ; ils ne se décourageaient point dans leurs projets, quoiqu'ils eussent des guerres continuelles à soutenir contre les deux Grandes-Loges, qui avaient pris un titre nouveau, celui des Grands-Orients ; ces Grands-Commandeurs se trouvaient aussi en opposition avec tous les Chap.·. et Conseils qui existaient antérieurement : car en 1762, on avait vu à Paris un Conseil d'Empereurs d'Orient et d'Occident, qui certes pouvait valoir le Conseil d'Angleterre, celui de la Croix [p.222] Rouge de l'Empereur d'Orient Constantin, et du Pape Silvestre, Empereur d'Occident, et sans parler du Conseil des Ch.·. d'Orient qui ne voulaient point des doctrines Templières.
Dans ces époques et en 1786, M. Matheus, négociant de la ville de Rouen, avait été désigné et créé Grand-Maître Provincial du Rite d'Herodom de Kilwinning pour toute la France. Il établit une Grande-Loge et un Chapitre dans cette ville, et, la même année, il donna des constitutions en faveur de M. Chabouillé, et des Frères du Chap.·. de Choix de Paris (5). Mais ces nouveaux Chapitres poussés par un zèle trop ardent, cherchèrent à mettre en contestation l'autorité et la légalité des titres des autres Chap.·. qui professaient déjà les Hauts Grades ; ce fait fut cause que le G.·. M.·. Matheus ayant envoyé au G.·. O.·. de France ses constitutions, pour être autorisé à travailler à la Loge de l'Ardente Amitié, à Rouen, le G.·. O.·. pour toute réponse, interdit à cette Loge de donner asile à ce Rite ; et de là vinrent toutes les tracasseries sur la légalité du G.·. O.·. relativement à l'exercice de ses Hauts Grades, et aux institutions qu'il donnait à des Chapitres, sur une patente [p.223] de 1721 délivrée par Gerbier, et que l'on attestait fausse.
Néanmoins le G.·. O.·. professait les Hauts Grades des différents Rites énoncés, et en particulier ceux du Conseil des Empereurs, qui étaient généralement adoptés dans le Rite d'Herodom de Kilwinning. Sans entrer dans ces discussions qui ne font pas honneur à leurs auteurs, nous ferons observer qu'une quantité de Loges en Europe professent les Hauts Grades Chevaleresques, qu'elles défendraient, comme on dit, l'épée à la main , sans pouvoir montrer une constitution légale , s'étayant de l'ancien axiome possideo quia possideo [La possession vaut titre]; et, d'autre part, beaucoup la tiennent cachée, n'étant aucunement intéressées à découvrir leur origine. Combien n'existe-t-il pas de corps théosophiques sur des autorisations verbales, ou d'après des lois orales, comme celui de la loi Mosaïque, origine du Christianisme ? [p.229]
… La France même, en 1800, était partagée dans les croyances Maçon.·. suivantes, qui étaient les plus répandues ; savoir :
Le Rite Ecos.·. Philosophique,
[230] Les Philalètes, ou les chercheurs de la Vérité,
Le Rite Adonhiram,
Le Rite de St-Jean d'Ecosse, établi à Marseille,
Le Rite des sublimes Elus de la Vérité,
Le Rite Hermétique de Montpellier,
Le Rite de St.-Martin,
Le Rite des Coëns, par Martines Pascalis,
Le Rite primitif, ou d'Hérodom de Kilwinning,
Le Rite Ecossais de la Grande-Loge d'Angleterre,
Le Rite Primordial de France,
Le Rite de l'Ecos.·. An.·. et Acc.·.,
Le Rite des Trois Grades Symboliques.
Tous ces différons Rites professés indistinctement forcèrent, pour ainsi dire, le Grand-Orient, vu l'anarchie et l'insubordination de ses différents chefs d'Ordre, à faire cet acte de tolérance, dont nous avons parlé; d'autant plus, que le Rite de l'Ecos.·. An.·. et Acc.·. qui avait ébloui par ses réceptions et par la multitude de ses Grades (6), avait pu, au moyen de ses partisans, prétendre avec orgueil que le [p.231] nouveau Rite Français n'était qu'un extrait de quelques Grades de l'Ecos.·. An.·. et Acc.·., qu'il était imparfait, et que ses quatre Ordres ajoutés aux trois symboliques, n'étaient que le produit d'une compilation très gauchement puisée dans une multitude de Grades Ecos.·. mis à contribution pour former un corps mutilé.
(6) Nous avons connu des Maçons décorés de tous les Grades possibles, n'ayant aucune science ni vertu Maçon.·., tandis que d'autres admis aux premiers Grades Philosophiques, avaient saisi l'esprit de l'institution et son louable but. Ce n'est pas dans le nombre des Grades d'un Rite, mais bien dans les doctrines épurées que réside la vraie science Maçon\.
Notes
(1) Le Rite Primordial français suit la plus grande partie de ses formalités et de ses doctrines.
(2) D'après cet aperçu, ce Rite tenait de la cabales des sciences occultes que les Misraïmites ont voulu reproduire avec des noms nouveaux.
(3) Voyez pl. I, n° 23, cet emblème se rapporte à la nacelle de St.-Pierre, et aux allégories des premiers chrétiens, ce que nous avons encore indiqué.
(4) Un ordre attaché au Carbonarisme porte le même nom.
(5) Ce chapitre tient ses séances dans le local du Rite Écossais Philosophique , et il est exclusivement composé des membres du Rite Philosophique , ce qui ferait croire qu'on aurait pu modifier les doctrines templières.