Calendrier perpetuel 1828Année 1828

Boulard – Catalogue des livres
Damiron - Essai sur l’histoire de la philosophie en France au dix-neuvième siècle
Abbé Grégoire - Histoire des sectes religieuses - Chapitre XIX. Théosophes, boehmistes, martinistes, mesméristes, magnétistes
Lycée armoricain (Le) – T 12 - Article : J. J. Rousseau
Nodier − Examen critique des dictionnaires de la langue française - Article martiniste
Beauvais - Dictionnaire historique : Article Saint-Martin
Chalmel - Histoire de Touraine : Article Saint-Martin
Féletz – Mélanges de philosophie : Les soirées de Saint-Pétersbourg

Page créée le 18 septembre 2020 - Mise à jour le 19 mai 2023


Boulard – Catalogue des livres

1828 boulard catalogueCatalogue des livres de la bibliothèque de feu Mr Antoine Marie H. Boulard
Notaire honoraire à Paris, ancien Maire du XIe Arrondissement, ancien Député au Corps législatif, Membre de la Société royale d’Agriculture, de plusieurs autres sociétés savantes et littéraires, chevalier de l’Ordre royal de la Légion d’Honneur
Première partie, contenant la théologie, la jurisprudence et les sciences et arts ; rédigée par L. F. Gaudefroy et J. A Bleuet, anciens libraires.
La vente se fera le lundi 19 mai 1828, et jours suivants, à six heures très précises de relevée, en sa demeure, rue des Petits Augustins, n° 21
Les adjudications seront faites par Me Commendeur, commissaire-priseur, rue Saint-André des Arts, n° 61. Paris. Chez : L. F. A. Gaudefroy, quai des Augustins, n° 41. J. A Bleuet, rue Mâcon Saint André des Arts, n° 14. 1828, http://books.google.fr/books?id=C44IAAAAQAAJ

Livres de Saint-Martin - Extrait, pages 305-306

3596. Œuv. du Philosophe inconnu (L. C. Mis de Saint- Martin). savoir:

- Le Crocodile. Paris, I799, in-8. bas. porf. fil.
- Des erreurs et de la vérité, et suite. Edimb. 1775, in-8. v. éc. fil., et Salmonopolis, 1784, in-8. br. Suite des erreurs et de la vérité ou Développement du livre des hommes rappelés au principe universel de la science est un texte de Charles de Suze paru en 1784 en réponse au livre de Louis-Claude de Saint-Martin Des Erreurs et de la vérité, paru en 1775. Wikipédia
- De l'esprit des choses. Paris, 1800, 2 vol. in-8. dem.-rel.
- Le ministère de l'homme esprit. Ibid., 1802, in-8,. bas. porf. fil.
- L'homme de désir. Lyon, 1790, in-8. v. m. —Le nouv. homme. Paris, 1792, in-8. v. porf. fil.
- Tableau des rapports qui existent entre Dieu, l'homme [306] et l'univers. Edimbourg, 1783, 2 tom. I vol. in-8. bas. porf. fil.
- Les trois principes de l'essence divine, trad. de l'allem, de Behme. Paris, 1803, 2 vol. in-8. br.
- L'aurore naissante, trad. de l'allem. du même. Ibid. 1800, 2 vol. in-8. br. v. Voj. le n°. 2773.
- Œuv. posthumes. Tours, 1807, 4 vol. in-8. br.

3597. Des erreurs et de la vérité, (par L. C. Mis de Saint- Martin). Edimbourg, 1775, in-8. bas. m.

La note des ouvrages composés ou trad. par L. Cl. de Saint-Martin, écrite de sa main, est collée sur le plat intérieur en tête du volume.


Damiron - Essai sur l’histoire de la philosophie en France au dix-neuvième siècle

damironEssai sur l’histoire de la philosophie en France au dix-neuvième siècle

Par M. Philibert Damiron (1794-1862),

élève de l’ancienne École normale, Professeur de philosophie de l’Académie de Paris.

Seconde édition, revue et augmentée

Tome premier

Paris,
Schubart et Heideloff, libraires,
Quai Malaquais, n° 1.
Leipzig, Ponthieu, Michelsen et Cie  

1828

La première édition ne comportait pas d’article sur Saint-Martin. Philibert Damiron publie cet article dans la deuxième édition et en explique les raisons. Une troisième édition a été publiée en 1834 à Paris et une autre en 1835 à Bruxelles (5e édition)

Article : SAINT-MARTIN, (Le Philosophe inconnu) - Né en 1743, et mort en 1803.


Féletz – Mélanges de philosophie

1828 FeletzMélanges de philosophie, d’histoire et de littérature
Par M. Ch.-M. de Féletz, de l’Académie française
Tome premier – Philosophie. Paris. Grimbert, libraire, successeur de Maradan, rue de Savoie, n° 14. 1828

Les soirées de Saint-Pétersbourg, extrait, pages 58-59

Les soirées de Saint-Pétersbourg, ou Entretiens sur le gouvernement temporel de la Providence, suivi d’un Traité sur les sacrifices ; par M. le comte Joseph de Maistre.

M. de Maistre envisage ces hautes et antiques questions sous des rapports souvent très neufs et très ingénieux ; il montre dans ces importantes discussions une grande fécondité d'idées tantôt nobles et élevées, tantôt spirituelles et piquantes; il y répand surtout une grande abondance de sentiments tendres et religieux qui pénètrent les âmes, les touchent, les émeuvent, et entraînent peut-être encore plus les esprits, que les raisonnements de l'auteur, quoique quelques-uns soient très solides, et les autres très spécieux. Mais il y a dans tout cela quelque chose d'exalté dont il est permis de se défiler, quelque chose d'exagéré qui se fait remarquer même dans les meilleurs endroits et les plus belles pages, même dans la célèbre page du bourreau, qui a fait tant de bruit et méritait d'en faire. L'auteur dit lui-même quelque part que l'exagération est le mensonge des honnêtes gens, et il est certainement un fort honnête homme. Il ne dissimule point son penchant pour l'illuminisme, qui est le plus haut point de l'exagération et de l'exaltation.

Le plus grave des interlocuteurs dans ces Entretiens, le sénateur, fait, en effet, une pompeuse apologie de l'illuminisme, porté au plus haut degré que l'on puisse imaginer, tel que les vues de l'avenir, les révélations. Le comte, qui est M. de Maistre lui-même, combat à la vérité le sénateur, mais faiblement, et en homme qui veut être vaincu par l'apologiste de cette étrange doctrine, à laquelle d'ailleurs il fait, même en la combattant, d'étranges concessions ; lui-même il loue les écrivains les plus décriés par [59] ces extravagantes chimères, et puise des arguments dans le galimatias de Saint-Martin , et les rêveries de madame Guyon qu'il affectionne particulièrement ; et je suis persuadé qu'un des plus puissants motifs de sa prédilection pour Fénelon, fait pour être aimé à tant d'autres titres et plus justes et plus glorieux, est le penchant qui l'entraîna à des idées mystiques qui troublèrent ses plus belles années. Et n'est-ce pas une chose digne de remarque, et une des preuves trop multipliées de l'inconséquence des hommes et des esprits même les plus distingués, que M. le comte de Maistre, qui a composé trois gros volumes pour prouver l'infaillibilité au pape, et gourmander l'église gallicane qui ne reconnaît point cette infaillibilité, montre tant d'attrait et de goût pour des livres condamnés par le pape ?

bouton jaune Les soirées de Saint-Pétersbourg, extrait


Abbé Grégoire - Histoire des sectes religieuses

gregoire_t2Histoire des sectes religieuses qui sont nées, se sont modifiées, se sont éteintes dans les différentes contrées du globe, depuis le commencement du siècle dernier jusqu’à l’époque actuelle.

Par M. Henri Grégoire (1750-1831), Ancien évêque de Blois

Nouvelle édition, corrigée et considérablement augmentée. - Tome deuxième - Paris. Baudouin frères, éditeurs. Rue de Vaugirard, n° 17. - 1828
(Cf. l’article de Wikipédia sur l’Abbé Grégoire)

Cet article a été publié dans la 1ère édition de cet ouvrage en 1810, tome 1er, p. 411 à 431. Il a également été publié dans Les cahiers de Saint-Martin, Volume IV, Bélisane, Nice 1983, p. 48-59 avec une introduction de Mme Nicole Jacques-Chaquin.
Nous publions l’ensemble du chapitre 19. Ce dernier est plus développé que le seul extrait que l’on trouve dans Les Cahiers. La 1ère édition de l’Histoire des sectes religieuses a été saisi en 1810, par ordre du Ministre de la Police Générale, a été rendu à l'Auteur dans le mois de juin 1814.

Nous avons comparé les deux versions et indiquons dans le texte par l’intermédiaire des signes { } les variantes et différences de la 1ère édition.
Nous avons corrigés certains mots comme « extravagans », « protestans » ou « talens », en rajoutant le « t ».
Le texte étant longtemps, nous avons placé différents paragraphes par le signe § et les titres sont de notre cru.
Le nombre de notes étant important et n’ajoutant rien au texte lui-même nous avons préféré réunir l’ensemble des notes à la fin du texte.

Chapitre XIX. Théosophes, boehmistes, martinistes, mesméristes, magnétistes,


Le Lycée armoricain – T 12

1828 lycee armoricain vol12Le Lycée armoricain, Douzième volume
À Nantes,
Imprimerie et lithographie de Mellinet-Malassis,
membre de la Société académique de Nantes,
correspondant de la Société polymatique du Morbihan
1828 -

12° volume.
An 1828.
67° livraison,

Le Lycée armoricain, Douzième volume

Article : J. J. Rousseau – Extrait, page 22

Rousseau a fait de la métaphysique, une science rigoureusement exacte, parce qu’il a donné l’exemple de réduire en principes les notions philosophiques. La philosophie de Dugald-Stewart, pour celui qui l’examine avec attention, n’est autre chose que la profession de foi du Vicaire Savoyard, réduite en axiomes. C’est dans ce court écrit qu’on découvre les preuves les moins équivoques de la belle âme de Rousseau. Là se trouve établi sur ses vraies hases, ce spiritualisme qui est lui-même le principe de toutes choses, et que l’irréflexion et la légèreté, calomnient sans l’apercevoir. Ce sont ces pages sublimes, qui ont fait, avec raison, l’admiration de tous les gens éclairés ; ce sont-elles qui ont valu à Rousseau la qualification assez singulière de prophète de l’ordre moral, que lui donna le théosophe français Saint-Martin.


Nodier − Examen critique des dictionnaires de la langue française

1828 Nodier examen critiqueExamen critique des dictionnaires de la langue française

ou Recherches grammaticales et littéraires sur l'orthographe, l'acception, la définition, et l'étymologie des mots [faisant suite au dictionnaire de P.C.V. Boiste]

Par Charles Nodier

Paris
Delangle Frères

M DCCC XXVIII

Examen critique des dictionnaires de la langue française

Article martiniste, pages 258-259

MARTINISME. Secte, christianisme épuré.

Catineau.

Commerce avec les âmes, les anges; et connaissance des mystères de la nature. Boiste. — Je prie les lecteurs de nos Dictionnaires de ne rien croire de tout cela. Les martinistes n'ont aucun commerce avec les âmes; il est présumable qu'ils n'en ont guère plus avec les anges, et on doute qu'ils connaissent à fond les mystères de la nature. Leur système n'est point un christianisme épuré; il n'a pas même eu l'honneur de faire secte, et si les lexicographes devaient en parler, [259] il faudrait qu'ils se bornassent à dire ce qui est vrai : c'est-à-dire que saint Martin était un fou, et qu'un martiniste serait un charlatan, dans le cas où il y aurait encore un martiniste.

Article Vertus, pages 409-410

VERTUS. Cinquième chœur des anges. — Et [410] ajoutez : dans les litanies. Il n'y a que Swedenborg et saint Martin qui puissent répondre du reste.


1828 - Dictionnaire historique, ou Biographie universelle classique – Volume 10

1828 Beauvais dictionnaireOuvrage entièrement neuf
Par M. le Général Charles Theodore Beauvais de Preau
et par une Société des gens dee lettres
Revu et augmenté, pour la partie bibliographique
par M. Barbier
et
Par M. Louis Barbier fils aîné.
Un seul volume in-8°
Charles Gosselin,
Libraire de son Altesse royale Monseigneur le duc de Bordeaux
9, rue Saint-Germain-des-Prés, près la porte des chevaux
M DVVV XXVII

Louis-Claude de Saint-Martin, p.2698-2699

SAINT-MARTIN (Louis-Claude de), dit le Philosophe inconnu, né à Amboise en 1713, d'une famille honorable, puisa de bonne heure dans la lecture du liv, int, l'Art de se connaître soi-même, par le théolog. protest. J. Abbadie, les principes de philosophie, de morale et de religion qu'il professa toute sa vie. Destiné par ses parent à la magistrature, il étudia le droit ; mais ensuite préférant la profession des armes, qui lui laissait plus de loisirs pour s'occuper de méditation, il entra comme lieutenant dans le régim. de Foix, à l’âge de 22 ans. C'est alors qu'il fut initié par des formules, des rites et des pratiques à la secte dite des martinistes, du nom de Martinez Pasqualis qui en était le chef. Il n'adopta point entièrement les doctrines de cette secte ; mais ce fut par là qu'il entra dans la voie du spiritualisme. Plus tard il exposa cette même doctrine dans ses ouv., et notamment dans son Tableau naturel des rapports entre Dieu, l'homme etc. Dans les associations de diverses nuances qui succédèrent à l’école de Martinez, après la m. de celui-ci, Saint-Martin suivait les réunions où l'on s'occupait d'exercices qui annonçaient, suivant son expression, des vertus actives. Il regardait comme étant d'un ordre sensible inférieur celles où l'on s'occupait du magnétisme somnambulique, auquel il croyait toutefois. Il eut l'occasion de se lier avec l'astronome Lalande ; mais la différence des opinions rompit bientôt cette liaison. Il eut aussi des rapports avec J.-J. Rousseau, dont il regardait la misanthropie comme un excès de sensibilité. Pour lui, il aimait les hommes comme meilleurs au fond qu'ils ne paraissaient être. La musique instrumentale, des promenades champêtres, des conversations amicales, étaient les délassements de son esprit, et des actes de bienfaisance, ceux de son âme. Il voyagea, comme Pythagore, pour étudier l'homme et la nature, et pour confronter le témoignage des autres avec le sien. De retour en France, après avoir visité l'Allemagne et l'Angleterre, il reçut la croix de St-Louis pour ses anciens services militaires. Il n'émigra point à l’époque de la révolution, dans laquelle il reconnaissait les desseins terribles de la Providence, comme il crut voir plus tard un grand instrument temporel dans Buonaparte. Expulsé d'abord de Paris, comme noble, en 1794, il fut arrêté peu de temps après dans la retraite qu'il s'était choisie, comme faisant partie de la prétendue conjurat. de la Mère de Dieu, Catherine Théos (v. ce nom). Le 9 thermidor le rendit à la liberté ; et vers la fin de la même année (1794) il fut désigné par le district ou arrondissement d'Amboise, sa patrie, comme un des élèves de l'école normale, destinée à former des instituteurs pour propager l'instruction. De retour à Paris, il y publia successivement une partie des écrits que nous indiquerons ci-après, faisant de temps à autre de petites excursions en province pour visiter quelq. amis. Il m. en 1803, au village d'Aunay (près Paris), où il était allé voir le sénateur Lenoir de La Roche, avec lequel il était lié depuis longtemps. Saint-Martin a beaucoup écrit, et ses livres ont été commentés et trad. en partie, principalement dans les langues du nord de l'Europe. Le but de ces mêmes livres est non seulem. d'expliquer la nature par l'homme, mais de ramener toutes nos connaissances au principe, dont l'esprit humain peut être le centre. L'auteur s'efforce de démontrer que le spiritualisme n'est pas simplem. la science des esprits, mais celle de Dieu. Voici la liste des ouv. de ce philos. : des Erreurs et de la Vérité, etc., par un philosophe inconnu, Edimbourg (Lyon), 1775, : écrit inintelligible, mais le plus remarquable de l’aut. et qui lui valut le titre qu'il y prend lui-même, celui de philosophe inconnu (une suite des Erreurs et de la Vérité, etc., pub. en 1784, in-8 , a été signalée par Saint-Martin comme frauduleuse); Tableau naturel des rapports qui existent entre Dieu l'homme et l'univers, 2 part., Edimbourg (Lyon), 1782, in-8, trad. en allem. ainsi que le précéd. ; l'Homme de Désir, Lyon, 1790, in-8 ; nouv. édit., rev. et corrigée, Metz, an x (1802), in-12 ; ecce Homo, Paris, an IV (1796), in-12 ; le Nouvel homme, ib., 1796,     ; de l'Esprit des choses, ou Coup d'œil philosophique sur la nature des êtres, etc., Paris, an VIII (1800), 2 vol. ; Lettre à un ami, ou Considérations politiques, philosophiques et religieuses, sur la révolution française, Paris, an III (1795), in-8 ; Eclair sur l'association humaine, Paris, an v (1797), in-8; Réflexions d'un observateur sur la question proposée par l'institut : Quelles sont les institutions les plus propres à fonder la morale d'un peuple, ibid , an VI (1798), in-8 ; Discours en réponse au citoyen Garai, pro­fesseur d'entendem. humain aux écoles normales, sur l'existence d'un sens moral, etc., imp. dans la Collection des Débats des écoles normales, publ. en 1801, tom. 3 ; Essai sur cette question proposée par l'institut : Déterminer l'influence des signes sur la formation des idées, an VII (1799), in-8 de 80 pag. ; le Crocodile, ou la Guerre du bien et du mal, etc., poème épico-magique en 102 chants, etc., en prose mêlés de vers, Paris, an VII (1799), in-8 ; le Ministère de l'homme-esprit, Paris, an XI (1802), 3 part. in-8 ; plus. trad. d'ouv. de J. Boehm (v. ce n.), formant à peu près le tiers des Œuvres de cet illuminé. Les Œuvres posthumes de Saint-Martin, ont été pub. à Tours, 1807, 2 vol. in-8. On y trouve un journal, depuis 1782, des relations, des entretiens, etc., de l'auteur, sous le titre de Portrait de Saint-Martin, fait par lui-même. On a confondu cet écrivain philosophe avec Martinez-Pasqualis (v. ce nom), son maître. M. Gence a publié en 1821, chez Migneret une Notice biographique sur Saint-Martin, in-8 de 28 pages.

bouton jaune Louis-Claude de Saint-Martin, p.2698-2699


Chalmel - Histoire de Touraine

1828 chalmel histoire tourraineHistoire de Touraine, depuis la conquête des Gaules par les Romains, jusqu'à l'année 1790.
Suivie du Dictionnaire biographique de tous les hommes célèbres nés dans cette province
Par Jean Louis Chalmel
Tome IV. Paris.
Chez H. Fournier Je, libraire, rue de Seine, n° 14.
A Tours, chez A. Mame, imprimeur libraire et chez Moisy, libraire.
M DCCC XXVIII, Histoire de Touraine : Saint-Martin

Article Saint-Martin, pages 449-453

SAINT-MARTIN (LOUIS-CLAUDE DE), né à Amboise le 18 janvier 1743. Lorsqu'il eut terminé ses études au collège de Pont-le-Voy, son père, qui le destinait à la magistrature, le fît recevoir avocat du roi au présidial de Tours. Mais né avec une répugnance invincible pour la robe, quoiqu'il eût peu d'inclination pour l'état militaire, il aima mieux encore suivre le métier des armes que la carrière du barreau. A l'âge de vingt-deux ans il entra au régiment de Forêt [sic] en qualité d'officier. La protection du duc de Choiseul, jointe à son mérite personnel, pouvait lui promettre un avancement assez rapide ; mais sa passion pour l'étude ne tarda pas à lui faire sentir qu'il n'était pas plus fait pour l'épée que pour la robe. Après environ cinq ans de service, il demanda et obtint sa retraite. Quelques amis l'engagèrent à solliciter une pension et la croix de Saint-Louis, s'offrant même de le seconder dans ses démarches ; mais il eut la délicatesse de se refuser à leurs instances. « Quand j'ai été raisonnable, disait-il depuis, je n'y ai pas même pensé ; quand j'ai été juste, je me serais blâmé d'avoir accepté ces faveurs. »

N'étant plus retenu par aucuns liens, il se livra avec ardeur à ses penchants favoris et chercha à agrandir ses connaissances en voyageant dans les principales parties de l'Europe dont il avait étudié les langues. Il parcourut l'Angleterre, l'Italie, l'Allemagne et la Suisse, et partout fut accueilli avec distinction. Il avait déjà publié son premier et son meilleur ouvrage, celui qui a pour titre : des Erreurs et de la Vérité, et quoique la métaphysique n'en paraisse pas très simple et très claire, ce livre, par cela même peut-être, lui fit un grand nombre de partisans. Mais on s'est trompé en croyant qu'il avait donné son nom à la secte des martinistes. Ceux-ci n'avaient rien de commun avec sa doctrine, et prenaient leur dénomination de celle du fameux Martinès Pascali [sic] qui était véritablement le chef de ces illuminés. [450] Personne en effet n'était moins propre que Saint-Martin à devenir un chef de secte. Plein de tolérance et d'aménité, de candeur et de modestie, il ne pensa jamais à faire des prosélytes. Il s'abstenait même avec soin de traiter des matières métaphysiques devant ceux dont il aurait cru n'être pas entendu ; et ceux qui, sans le connaître, l'auraient rencontré dans le monde, ne l'auraient pris que pour un homme aimable. Une conversation solide, mais sans recherche, une manière de s'exprimer simple, claire et naturelle, offraient un contraste assez frappant avec sa manière d'écrire, et auraient plutôt fait soupçonner l'homme sensible et bienfaisant que l'écrivain accoutumé à des méditations profondes.

Les crises de la révolution ne l'atteignirent point, quoique de la caste noble, et quoiqu'en 1791 l'assemblée dite constituante l'eût placé sur la liste de ceux parmi lesquels on devait choisir un gouverneur au prince royal. Il disait à et sujet, avec sa bonhomie accoutumée, que l'idée d'un pareil choix n'avait pu venir que de quelqu'un qui ignorait combien il était peu propre à cet emploi. Il est certain du moins qu'il eût été difficile de choisir un plus parfaitement honnête homme.

Ayant été obligé, comme noble, de s'éloigner de la capitale dont le séjour avait toujours eu des attraits pour lui, il se retira dans sa patrie, où il ne cessa de jouir de l'estime et de la considération que commandaient son mérite et ses vertus sociales. Mais en l'an III, il ne dédaigna point, et peut-être même ambitionna sa nomination en qualité d'élève aux écoles normales. Il put alors revenir à Paris en vertu d'un arrêté spécial du comité de salut public.

Lorsque le calme eut enfin succédé aux orages révolutionnaires, Saint-Martin revint habiter la capitale, toujours dominé par le désir de s'instruire. Il y suivait assidûment différents cours publies, vivant, ainsi qu'il l'avait toujours fait, dans un très petit cercle d'amis. Son aversion pour tout ce qui tenait de l'éclat et du bruit lui avait fait prendre dès le principe la qualification de philosophe inconnu. C'est sous [451] ce déguisement qu'il a publié tous ses ouvrages, encore n'en portaient-ils que les initiales Ph... Inc...

Quoiqu'il ne fût pas précisément malade, ou du moins alité, on assure qu'il avait pressenti les approches de sa fin, et qu'il en avait même entretenu ses amis avec tout le calme du vrai sage et d'une âme pure. Le 22 Vendémiaire an XIII (14 (sic) octobre 1804), il était parti de Paris pour aller dîner à Aunay chez son ami le sénateur Lenoir-Laroche ; mais un accès de toux avec resserrement de poitrine le saisit quelque temps après qu'il fut arrivé, et l'emporta vers les onze heures du soir.

Uniquement occupé de la métaphysique, presque tous les écrits de Saint-Martin n'ont eu qu'elle pour objet. Il a cultivé quelquefois la poésie, mais toujours en rapport avec son goût favori. Nous avons de lui en ce genre : Phanor, poème sur la poésie ; le Cimetière d'Amboise ; Stances sur l'Origine et la Destination de l'Homme ; Stances sur la Sagesse. Ces différents morceaux se trouvent dans ses œuvres posthumes dont on verra l'indication au nombre de ses ouvrages qui sont : 1° des Erreurs et de la Vérité, ou les Hommes rappelés au principe universel de la science, par un ph... inc... Édimbourg, 1775, in-8, 3 vol. ; 2° Tableau naturel, ou des Rapports qui existent entre Dieu, l'homme et l'univers ; Édimbourg, 1782, 2 vol. in-8 ; 3° Ecce Homo ; Paris, de l'imprimerie du cercle social, 1792, in-8 ; 4° Lettre à un ami, ou Considérations politiques, philosophiques et religieuses sur la révolution française ; Paris, an III (1794), in-8 ; 5° le Nouvel Homme ; Paris, an IV (1795), in-8 ; 6° Éclair sur l'association humaine ; Paris, 1797, in-8 ; 7° le Crocodile, ou la Guerre du bien et du mal arrivée sous le régné de Louis XV, poème épico-magique en cent deux chants, dans lequel il y a de longs voyages sans accidents qui soient mortels, un peu d'amour sans aucune de ses fureurs, de grandes batailles sans une goutte de sang répandu, quelques instructions sur le bonnet de docteur, par un amateur de choses cachées ; Paris, imprimerie du cercle social, an VII [452] (1798), in-8. Le titre semblerait promettre de la gaieté, mais ce n'est rien moins que cela ; l'auteur a voulu allier la plaisanterie à la mysticité : mais le résultat n'en est pas heureux, parce qu'il est difficile d'être plaisant ou amusant quand on ne se fait pas comprendre. Ce poème en prose est mêlé de quelques vers. Voici son début :

Je chante
La peur, la faim, la soif, et la joie éclatante
Qu'éprouva notre antique et célèbre cité,
Lorsqu'un reptile impur, par l'Égypte enfanté,
Vint, sans quitter Memphis, jusqu'aux bords de la Seine,
Pour ......... dans une immense arène.
Muse, dis-moi comment tant de faits merveilleux,
A si peu de mortels ont dessillé les yeux ;
Dis-moi ce qu'en pensa le corps académique ;
Dis-moi par quel moyen le légat de l'Afrique
Reçut enfin le prix de tous ses attentats ;
Dis-moi, dis, ou plutôt, Muse, ne me dis pas ;
Car ces faits sont écrits au temple de Mémoire,
Et je puis bien, sans toi, m'en rappeler l'histoire.

Au surplus ce ne sont pas les cent deux chants qui doivent effaroucher, car le plus grand nombre n'a pas plus de deux pages. 8° L'Aurore Naissante, traduite de l'allemand de Jacob Boehm ; Paris, 1800, in-8 ; 9° l'Homme de Désir, nouvelle édition corrigée par l'auteur ; Metz, an X (1801), in-12, 2 vol. ; 10° le Ministère de l'Homme Esprit ; Paris, Migneret, an XI (1802), in-8 ; 11° Quarante Questions sur l'origine, l'essence, l'être, la nature et la propriété de l'âme, et sur ce qu'elle est d'éternité en éternité, suivies de la base profonde et sublime des six points, par Jacob Boehm, traduit de l'allemand sur l'édition d'Amsterdam de 1682, par un ph... inc... ; Paris, Migneret, 1807, in-8. Il y a à la fin une planche ayant pour titre : Globe Philosophique, ou l'Œil de l'Éternité, espèce d'énigme mystique qui n'explique pas plus l'ouvrage que l'ouvrage ne l'explique. 12° Les trois Principes, traduits de l'allemand de Jacob Boehm, in-8 ; 13* la Triple [453] Vie ; l4° le Livre Rouge ; 15°Essai sur les Signes et les Idées, relativement à la question proposée par l'Institut ; 16° Œuvres posthumes ; Tours, Létourmy, 1807, in-8, 2 vol. Outre les poésies dont il a déjà été fait mention, ces deux volumes renferment entre autres choses une série de pensées ou de maximes, intitulées Portrait historique et philosophique de Saint-Martin, fait par lui-même ; le Discours sur la question proposée par l'académie de Berlin : « Quelle est la meilleure manière de rappeler à la raison les nations tant sauvages que policées qui sont livrées à l'erreur et aux superstitions de tout genre ; » Le Traité des Bénédictions ; Rapports spirituels et temporels de l'arc-en-ciel, et enfin quelques morceaux de littérature.

Le caractère dominant de tous ces ouvrages, ainsi qu'il est aisé de l'apercevoir par la seule indication des titres, est une métaphysique mystique. Cependant plus les matières traitées par l'auteur étaient abstraites et enveloppées de nuages, plus il devait s'efforcer d'être clair et intelligible ; mais il semble qu'il ait pris à tâche d'être tout le contraire, et qu'il ait craint de se mettre à la portée de tout le monde, c'est-à-dire, du moins, de ceux qui ne sont pas tout à fait étrangers à ces sortes de matières. Comme il fatigue souvent l'attention, il ne peut longtemps la captiver, et ses principes la plupart du temps sont si obscurs qu'on ne peut apprécier jusqu'à quel point ses conséquences peuvent être justes. Enfin, et l'on est obligé d'en convenir, ce qui forme un préjugé assez fort contre la netteté des idées systématiques du philosophe inconnu, c'est sa prédilection pour un auteur aussi exalté, aussi obscur, aussi inintelligible que ce Jacob Boehm qui ne fut qu'un enthousiaste à qui l'on pouvait avec raison appliquer cet adage : ne sutor ultra crepidam, en dépit de la réputation de sublimité que voulut lui faire de son temps le petit nombre de ses partisans. Quoi que l'on en dise, Saint-Martin était beaucoup meilleur à connaître qu'à lire, et l'on pouvait plus profiter dans sa société que dans ses nombreux ouvrages.


Salgues - Des erreurs et des préjugés répandus dans les 18e et 19e siècles

1828 salgues erreurs prejugesDes erreurs et des préjugés répandus dans les dix-huitième et dix-neuvième siècle
Par J. B. Salgues, auteur des Erreurs et préjugés répandus dans la société.
[Jacques-Barthélémy Salgues (1760-1830)]
Tome premier. A Paris, chez J. G. Dentu, imprimeur libraire, rue du Colombier, n° 21
Et palais Royal, galerie de Bois, nos 265 et 266. 
M DCCCXXVIII, http://books.google.fr/books?id=xrENAAAAYAAJ

Martinez, Saint-Martin et le martinisme, pages 406-416

Section III : Martinez, Saint-Martin et le martinisme

Les deux charlatans dont on vient de parler n'avaient presque rien de commun avec la secte des [p.407] illuminés. Ceux-ci avaient au moins le mérite de chercher la vérité ; ceux-là fondaient leur fortune sur le mensonge. C'étaient des hommes qui, comme Swedenborg, avaient habilement spéculé sur la sottise humaine ; qui ne croyaient rien de ce qu'ils disaient ; qui goûtaient un plaisir singulier à décharger les grands du superflu de leurs richesses. Ils ne se perdaient pas dans les routes ténébreuses du spiritualisme, ils ne pâlissaient pas devant les obscurités mystérieuses de l'idéologie ; et s'ils affectaient quelquefois un langage sublime et ces expressions dont un poète a dit : Nil mortale sonans [1] ; s'ils s'enveloppaient à dessein de ténèbres mystérieuses, c'était pour mieux surprendre la foi des simples. Ils ne formèrent point d'école ; on ne connaît ni balsamiques ni germanistes : ils passèrent, sans laisser de traces après eux.

Il n'en fut pas de même de Martinez et de Saint-Martin. Martinez donnait ses leçons à Bordeaux ; il avait ses rites, ses initiations, ses adeptes et ses doctrines. Qu'était-il ? D’où était-il ? C’est ce qu'on n'a jamais bien éclairci. On croit qu'il était Portugais ; on soupçonne même qu'il était Juif. Le nom sous lequel il était connu était Martinez Pasqualis. Il parait qu'il joignait aux études du spiritualisme le secours des illusions physiques, des apparitions, des spectres ; mais ces moyens n'étaient qu'accessoires. La partie principale était l'enseignement ; et cet enseignement consistait en doctrines cabalistiques, en recherches assez obscures sur la nature de l'âme, ses [408] facultés et ses opérations. Il s'établit d'abord dans le midi de la France, où les imaginations ont plus d'ardeur, où l'esprit agit plus et réfléchit moins. Son école de Bordeaux fut d'abord fort suivie, et ses disciples prirent le nom de martinistes. Il la transporta ensuite à Paris, l'établit dans quelques loges maçonniques, et se fit des partisans qui, comme ceux de Bordeaux, se décorèrent du nom de leur maître. Ce grand docteur resta à Paris jusqu'en 1778. I1 quitta alors la capitale pour aller recueillir une succession à Saint-Domingue. On le perdit de vue, son école se perdit avec lui, et le nom de martinistes se serait effacé du souvenir des hommes, s'il n'eût été relevé par un philosophe plus illustre que lui, quoiqu'il ne prît que le titre de philosophe inconnu.

Ce fut Louis-Claude de Saint-Martin, né à Amboise en 1743, d'une famille noble, et qui s'était distinguée dans la carrière des armes. Il fut d'abord destiné à celle de la magistrature, la quitta pour suivre la même profession que celle de sa famille, et la fortune le conduisit à Bordeaux. Il avait fait d'excellentes études, savait plusieurs langues, et se sentait porté à la méditation. Il fit connaissance avec Martinez Pasqualis, suivit son école, se soumit aux initiations, aux épreuves, écouta avec la docilité d'un disciple les leçons de son maître, et se fit martiniste. Mais ce maître lui laissait des doutes ; il cherchait des réalités, et ne trouvait le plus souvent que des rêveries. Il avait suivi Martinez à Paris, n'avait rien négligé pour le comprendre, sans se trouver beaucoup [p.409] plus avancé. Il résolut alors de chercher la vérité lui-même ; et Martinez ayant emporté ses doctrines à travers les mers, il quitta le service, et se mit à voyager à travers les divers États de l'Europe, observant, étudiant, interrogeant, n'épargnant aucun soin pour soulever le voile qui couvre le mystère de nos facultés ; pensant beaucoup, et s'égarant lui-même dans le dédale inextricable de la métaphysique.

L'illuminisme était alors dans toute sa gloire. L'idéologie occupait en Allemagne une infinité de têtes. Saint-Martin parcourut les universités, passa en Suisse, se lia avec les hommes savants, et revint en France.

Arrivé à Strasbourg, l'imagination toujours remplie de son projet, il fit connaissance avec une dame qui lui parla de la philosophie de Bœhm. Aussitôt il s'applique à l'étude de la langue allemande, traduit pour son usage la philosophie de Bœhm, et croit y découvrir la plus grande lumière humaine qui ait paru. Il forme ses idées sur celles de ce célèbre illuminé ; et chargé de ces nouvelles richesses, il passe en Angleterre, dans l'espoir de les accroître encore. Là, il visita les savants, rechercha la conversation des philosophes, et retrouva son cher Bœhm dans une traduction anglaise qu'en avait faite Williams Law, qui, comme lui, était en quête des idées métaphysiques. De retour de ses voyages, il alla recueillir à Lyon le fruit de ses études et de ses observations. Il ne s'annonça point avec faste comme les Swedenborg, les Cagliostro, les Saint-Germain. Il ne venait point pour tromper ; il cherchait à éclairer les autres, [p.410] s'ils le désiraient. Il vécut dans la société des hommes instruits, évitant l'éclat, content de se livrer sans bruit aux études qu'il chérissait. Il ne s'éloigna pas des idées de Mesmer sur le magnétisme animal, mais sans aucune intention ni de grossir sa fortune, ni d'employer l'adresse au défaut de la nature. Il revint de Lyon à Paris, peu de temps avant les orages de la révolution. L'auteur d'une notice insérée dans la Biographie universelle, rapporte que, dans une conversation sur le magnétisme avec le célèbre et infortuné Bailly, ayant cité quelques effets magnétiques éprouvés par les animaux, le savant académicien lui dit : Eh ! que savez-vous si les bêtes ne pensent pas ? Certainement, il y a des bêtes qui pensent ; mais ce ne sont pas celles dont il s'agit ici. Il est douteux que le sage Bailly ait fait une pareille réponse ; mais il est des hommes que la tombe même ne saurait protéger contre les passions humaines [2].

Saint-Martin vécut à Paris, comme à Lyon, évitant les regards des hommes, jouissant paisiblement des douceurs de la vie privée. Il ne cherchait point [p.411] à faire une école ; il voulait des amis, mais point de disciples. L'homme, son âme, ses facultés intellectuelles, ses organes, ses rapports avec la pensée, avec Dieu, ses vices, ses vertes, les moyens d'améliorer sa nature et sa condition, tels étaient les objets assidus de ses études. Il parlait avec tant de calme, de sagesse et de grâce, qu'il était difficile de ne pas l'admirer. Le prince russe Galitzin disait qu'il ne s'était jamais connu que depuis qu'il avait entendu Saint-Martin. Ses entretiens lui firent un grand nombre de partisans. Le livre qu'il publia, sous le titre : des Erreurs et de la vérité, où [sic pour ou] les hommes rappelés au principe universel de la science, lui en firent bien davantage. Ses admirateurs se multiplièrent dans toute l'Europe, en Allemagne, en Angleterre, en Suisse ; et par une erreur de nom, on confondit ses lecteurs avec les disciples de Martinez Pasqualis, et on les appelle aussi martinistes. Le mérite principal de l'œuvre de Saint-Martin n'est pas la clarté ; mais les sciences métaphysiques se tiennent si haut, qu'il n'est pas donné à tout le monde d'y atteindre. L'obscurité des temples ajoute au respect qu'on leur porte. On admire souvent d'autant plus que l'on comprend moins ; les grands génies ne s'expriment pas comme les autres, et c'est pour cela que l'auteur de la Législation primitive s'est acquis une si grande célébrité ; on ne le lit pas ; si on le lit on ne le comprend pas, mais on l'admire.

Quelques personnes ont essayé de nous donner une idée de la philosophie de Saint-Martin. Selon lui, [p.412] l'homme est le centre de notre univers créé ; il est la clé de toute énigme et l'image de toute vérité. Fidèle à cette maxime si célèbre parmi les Grecs ; γνωστί σέωυτον, Connais-toi toi-même. Il assure que si l'homme se connaissait bien lui-même, il connaîtrait la nature toute entière ; car son corps tient à la nature matérielle, son âme à la nature spirituelle, et sa conscience à l'ordre moral. Il ne s'agit donc que de bien distinguer ces trois objets pour n'avoir plus rien à apprendre ; mais connaître est la grande difficulté. Qui nous dira nettement ce que c'est que notre âme, ce que c'est que notre corps ? Saint-Martin veut qu'on étudie leurs opérations et l'action réciproque qu'ils exercent l'un sur l'autre. Il est présumable qu'un sauvage n'y songera guère ; qu'un pauvre paysan, un simple ouvrier, un honnête bourgeois n'y penseront pas beaucoup plus que le sauvage : celui-ci aimera mieux chercher sa nourriture et celle de ses petits, dans les bois et dans les rivières ; le paysan labourera son champ ; l'ouvrier s'occupera de sa scie et de son marteau, et l'honnête bourgeois calculera le revenu de son argent, placera ses fonds avantageusement, vendra ses étoffes et son sucre, sans s'occuper beaucoup des relations de son âme et de son corps. Il ira à la messe, au sermon, au prêche, suivant l'usage de ses pères, content d'aller ensuite promener sa femme et ses enfants à la Courtine, à la barrière, ou dans sa petite maison de campagne, s'il a le bonheur d'en posséder une. Ne lui parlez ni de métaphysique, ni d'idéologie, il prendrait ces mots pour du grimoire, et ne vous entendrait pas. S'il faut étudier [413] l'essence de l'homme, la nature du corps et de l'âme pour être heureux, je plains la pauvre espèce humaine ; il faut l'abandonner au malheur presque toute entière.

Heureux métaphysiciens qui pouvez lire le livre des Erreurs et de la vérité et vous faire martinistes, à vous seuls sont réservés tous les trésors de la félicité. Le corps, l'âme, la conscience, tout cela forme, suivant Saint-Martin, la révélation naturelle. Il entre ensuite dans l'examen de nos opérations intellectuelles. N'est-il pas vrai que nous ne formons, que nous n'arrêtons aucun plan qui ne soit le résultat d'une image engendrée dans notre intelligence ? L'architecte n'entreprend la construction d'un édifice que lorsqu'il l'a inscrit dans son cerveau ; nous ne déposons pas une pensée sur le papier, qu'elle ne préexiste dans notre intelligence. La parole et l'écriture ne sont que l'image matérielle et physique d'une image intellectuelle. Nous avons reçu en naissant une faculté créatrice qui rassemble les objets, les combine, en coordonne les parties, commande et charge le corps d'exécuter ses desseins. M. Bonald a dit : L'homme est une intelligence servie par des organes ; ses admirateurs se sont extasiés : c'est une pensée ravie aux martinistes. Si l'homme possède en lui une faculté créatrice, elle est évidemment bornée dans ses effets, secondaire, dépendante ; l'âme est un type qui doit avoir son prototype. Or ce prototype, quel peut-il être, sinon Dieu lui-même ? C'est une effigie qui doit avoir son modèle, une espèce de monnaie qui répète [414] l'image du coin qui l'a frappée ; c'est une parcelle d'un tout sublime qui tend à s'y réunir. Dieu ayant dû se peindre dans ses œuvres, l'âme est évidemment son image et sa ressemblance ; elle est la base essentielle de toute réalité, de toute vérité : l'âme de l'homme et son prototype se confondraient ensemble, si Dieu n'eût pas donné à l'homme la liberté. Avec la liberté, il peut ou s'éloigner ou s'approcher de son divin modèle. La loi naturelle a établi son siège dans la conscience ; elle tend sans cesse à nous ramener vers notre image primitive ; mais notre volonté peut se refuser à la voix de la conscience, et alors la chaîne qui unit l'âme à Dieu se trouve rompue ; notre type ne se rapporte plus à son modèle ; c'est une glace, un miroir obscurci qui ne reproduit plus l'image qu'on lui présente. Ainsi privée de sa pureté primitive, l'âme se trouve placée sous l'influence des êtres corporels ; elle devient sujette, de reine qu'elle était ; elle obéit, au lieu de commander.

Cette disposition vicieuse une fois contractée, l'homme n'est plus qu'un triste mélange de force et de faiblesse, de vices et de vertus ; sa dégradation et ses infirmités passent de lui à ses enfants, se transmettent de génération en génération ; et cet être dont la nature primitive était si pure, si sublime, ne conserve plus qu'une faible portion de son origine céleste. Le vice le rabaisse au niveau des animaux, et il se confondrait entièrement avec eux, si quelque reste de vertu, si l'étude, la bonne volonté ne .le faisaient remonter à sa source première ; si en se consacrant au [415] bien, il ne parvenait à se régénérer, et à seconder ainsi les vues réparatrices de l'homme Dieu.

Ces derniers mots indiquent assez qu'au milieu de ses contemplations métaphysiques, Saint-Martin tenait encore les yeux fixés sur la croix, qu'il était chrétien ; il se plaisait, comme les anciens sages de la Grèce, à répéter certaines maximes qu'on a retenues : « Il est bon, disait-il, de jeter continuellement les yeux sur la science, pour ne pas se persuader qu'on sait quelque chose ; sur la justice, pour ne pas se croire irréprochable ; sur toutes les vertus, pour ne pas penser qu'on les possède. »

Ses ouvrages eurent beaucoup de vogue en Angleterre ; on les y traduisit, on y ajouta même deux volumes, auxquels on croit que l'auteur n'a pas travaillé. Son livre principal est celui des Erreurs et de la vérité. Les autres sont moins connus, et plus obscurs. Il n'est pas toujours facile, en métaphysique, de se faire entendre ni de s'entendre soi-même ; et voilà apparemment pourquoi la plupart de nos livres d'idéologie ont si peu de lecteurs. Saint-Martin eut néanmoins beaucoup de partisans ; sa philosophie fit école, comme celle de Kant l'a fait depuis. Aujourd'hui cette école est déserte comme celle de Kant le sera probablement bientôt. La raison et la vérité ne sont ni kantistes, ni martinistes ; elles sont la raison et la vérité ; elles seules demeureront, tout le reste disparaîtra : Opinionum commenta delet dies, a dit Cicéron, naturae judicia confirmat. Ne cherchons pas ce que nous ne pouvons savoir ; et puisque la [416] nature a mis des bornes à nos connaissances, sachons les respecter, contentons-nous d'appliquer notre intelligence aux objets qui lui sont propres, le champ est encore assez beau.

On a fait des martinistes une secte d'illuminés ; ce sont au moins des illuminés très pacifiques, et qui ne troubleront jamais le repos des États. Saint-Martin se plut à vivre dans la retraite et l'obscurité, ce qui n'est pas le caractère des chefs de secte. Il passa de Lyon à Paris, où il se trouva au milieu des orages de la révolution ; il n'y prit aucune part. Tout occupé de ses études philosophiques, il se renferma dans la paix du toit domestique et les douceurs de la vie privée, ne blâmant, ne louant rien avec excès, estimé et chéri de tous ceux qui le connaissaient. Il mourut à soixante ans, dans la maison du sénateur Lenoir Laroche, avec lequel il était lié depuis longtemps.

Dans un temps meilleur, ses ouvrages eussent attiré sur lui les regards des savants. Ils méritaient cet honneur, parce qu'au milieu d'idées peut-être vagues et incertaines, ils se recommandaient par des vues élevées et des pensées d'un ordre supérieur ; mais la France était alors en proie à deux sectes d'illuminés qui se livraient des combats à mort, les uns pour conquérir une chimérique égalité, les autres pour étouffer les efforts de la liberté naissante.

Notes

[1] Rien du mortel en moi, « il n’a plus rien de l’homme, nil mortale sonans »

[2] On ne saurait lire sans indignation la notice biographique insérée à ce sujet dans le Dictionnaire de Feller, où ce savant membre des trois Académies est traité d'être ignorant, stupide et scélérat. On l'accuse d'avoir présidé aux massacres de Paris, et de s'être enrichi des dépouilles des malheureux ; on s'y réjouit de son supplice dans une indigne épigramme. Et c'est Feller, l'un des révolutionnaires les plus ardents de la Belgique, qui ose parler ainsi ! Oh ! jésuites, que vos haines sont violentes ! [Note de l’auteur].