Calendrier perpetuel 1840Année 1842

- Reghellini - La maçonnerie
- Le Magasin pittoresque Tome X. N°35 - Le Mesmérisme
- Biographie universelle, ancienne et moderne. Martines PasqualisNEW
- Biographie universelle, ancienne et moderne. Lenoir-Laroche (Jean-Jacques) & Lenoir-Laroche (Madame)
- Revue Le Semeur – n° 21 - Philosophie – Leçons sur la philosophie de Kant
- Revue Le Semeur – n° 29 - Histoire ecclésiastique – Œuvres très complètes de Sainte Thérèse
- Sainte-Beuve - Port-Royal – T 2
- L'Université catholique  – T 14 - De l’humanité, de son principe et de son avenir

1842 – Reghellini - La maçonnerie – T 1, T 2 & T 3

1842 maconnerie t1La maçonnerie: considérée comme le résultat des religions égyptienne, juive et chrétienne

Par le F.·. M.·. R.·. de S.·. [Reghellini]

Tome premier
Paris, à la librairie de J.-P. Aillaud, 11, quai Voltaire
1842 - Reghellini - La maçonnerie – T 1

Plusieurs extraits parlent de Saint-Martin, de Martines de Pasqually et des élus coëns.

Tome deuxième
Paris. A la librairie de J.-P. Aillaud, 11, quai Voltaire
1842 - Reghellini – La maçonnerie – T 2

Deux extraits sont publiés : Chapitre XXVII – Maçonnerie en France (pages 216-223) & Chapitre XXVIII – Maçonnerie du Royaume des Pays-Bas (pages 350-353)

Tome troisième
Paris. A la librairie de J.-P. Aillaud, 11, quai Voltaire
1842 - Chapitre XXXIX - Histoire Extrait, p.329

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1842 - Le Magasin pittoresque Tome X. N°35

1842 magasin pittoresqueLe magasin pittoresque, rédigé, depuis sa fondation, sous la direction de
M. Édouard Charton
Dixième année - 1842
Paris, aux bureaux d’abonnement et de vente, 29, quai des Grands Augustins
M DCCC XLII - Phrase de Saint-Marti

Phrase de Saint-Martin, à la suite de l’article Le Mesmérisme 

Extrait, p.278

« Le temps ne nous a été accordé que pour que nous échangions chaque année de notre vie contre la connaissance de la vérité ».

Saint-Martin

1842 – Revue Le Semeur – n° 21

1842 le semeur t11

Le Semeur
Journal religieux, politique, philosophique et littéraire, paraissant tous les mercredis
Tome onzième – Du 1er janvier au 31 décembre 1842
Paris, au bureau du Semeur, rue Martel, n° 17.
N° 21 – 25 mai 1842 - Leçons sur la philosophie de Kant

Philosophie – Leçons sur la philosophie de Kant

Extrait, page 165

Leçons sur la philosophie de Kant, par M. Victor Cousin.
2 vol. in-8°. Paris, 1842. Chez Ladrange, quai des Augustins, n° 19. Prix : 15 fr.

Tome 1erCritique de la raison pure. – Premier article

… Si nous étions assez faible pour nous rendre complice de la bouffonnerie (il n'y a pas d'autre mot) qui discute avec passion la nationalité et la légitimité historiques de la science et de la raison, nous dirions, sans rien vouloir préjuger, que la philosophie de Hegel est la vraie philosophie française, par droit de provenance, tandis que la philosophie de l'Université (là du moins où dans ses écrits et dans son enseignement il est question de philosophie) est et demeure marchandise britannique , malgré le pavillon alexandrin qui en couvre une partie. Et vraiment Descartes, Malebranche, Saint-Martin, de Biran, ne témoignent-ils pas que le génie spéculatif, oui le génie! n'est pas aussi mauvais français que les philosophes officiels de France ont aujourd'hui la trop généreuse humilité de l'écrire; et que traiter profondément des questions profondes, dût l'intelligence de ces discussions coûter quelque effort au cerveau de nos concitoyens, n'est pourtant pas encore passer à l'ennemi. Quand l'éclectisme a cessé de s'avouer anglais, c'est qu'il devenait germain, et certes celui qui a pris fantaisie de rapprocher, quelque jour, les productions de cette école au moment de son plus grand éclat (je cite en particulier les riches et brillantes leçons professées par M. Cousin en 1828), avec les arides manuels de la scholastique hégélienne (avec l'Encyclopédie de la philosophie de Hegel, par exemple), celui-là sait apprécier les aveux célèbres d'alors ; mais il comprend aussi ce qui peut rester en propre à l'éclectisme, l'importation des résultats étrangers, de l'étoffe travaillée, mise à part. Du reste, je le répète, la science française, sinon l'école psychologique, en s'approvisionnant outre Rhin, n'importait que les fruits d'un capital transmis par son père. 

1842 – Sainte-Beuve - Port-Royal – T 2

1842 port royal t2Port-Royal – Tome II - Charles-Augustin Sainte-Beuve
Paris. Eugène Renduel, 3, rue Christine
1842 - Livre de l’Augustinus sur Adam et les Anges avant la Chute

XI. Suite de l’Augustinus. Extrait : Livre de l’Augustinus sur Adam et les Anges avant la Chute. Pages 135-138

Et cette figure d'Ange fait l'effet à Eve de s'approcher et de lui porter à la bouche, à elle-même, une portion du fruit : « L'odeur agréable et savoureuse éveilla si fort l'appétit qu'il me parut impossible de ne pas goûter. » A son réveil, toute troublée, elle raconte le songe à Adam, qui, entre autres paroles rassurantes, lui dit : «... Cependant ne sois pas triste ; le mal peut aller et venir dans l'esprit de Dieu ou de l'homme sans leur aveu, et n'y laisser ni tache ni blâme (1). » Ici je crois entendre Jansénius, armé de l'oracle, qui s'écrie Non, et qui ne voit dans cette explication portée au sein de l'Éden qu'une vapeur grossière de la terre. Saint-Martin, à la fin du Ministère de l'Homme-Esprit, reproche à Milton, tout en l'admirant, de n'avoir trempé tout au plus qu'à moitié son pinceau dans [137] la vérité. J'ai mieux compris cette critique de l'aimable et grand théosophe et j'y ai attaché seulement une idée nette, depuis que j'ai considéré l'Adam de Jansénius, celui d'Augustin rassemblé et restauré. Adam avant le péché n'avait, selon eux, aucune concupiscence, aucun de ces désirs mauvais qui traversent l'esprit et y font combat. Le calme, la sérénité continue emplissait sa vie. Avoir à combattre, c'eût été déjà être faible et malade : tel n'a point commencé Adam dans son entière santé du corps et de l'âme, n'ayant qu'à persévérer aisément, encore tout conforme à l'idée de Dieu. Mais il est tombé ; l'a-t-il donc pu faire sans combat ? Oui, il est tombé sans combat, par le choix libre de sa propre volonté dans la sphère rationnelle ; il est tombé dans la plénitude calme et souveraine de sa volonté raisonnable. Etant libre autant qu'on peut l'être, il a péché aussi intérieurement et aussi uniquement qu'il a pu en vertu de cette haute liberté, et sans aucune surprise ni lutte obscure au dedans de lui. En présence du fruit défendu (pour prendre la figure sacrée), son choix s’est fait, non provoqué aucunement par la saveur et le désir, mais par sa volonté la plus idéale, par sa conception propre qui a décidé de désobéir et de se préférer à Dieu. Le désir en lui, loin de tenter et de corrompre la volonté, a été plutôt commandé et dépravé par elle, et, quoiqu'à l'instant tout en lui soit devenu également mauvais, on peut dire que la volonté a mené le désir, et non le désir la volonté. Qu'on y réfléchisse, et on trouvera dans cette manière d'entendre la chute une profondeur de spiritualisme et une portée interne qu'il serait peu juste de demander sans doute aux [138] couleurs d'un poète et qui n'aurait pu se traduire, je le crois bien, en tableaux, mais qui ne saurait être dépassée dans l'ordre théologique(2).

Si Jansénius écrase et ravale si fort l'homme d'aujourd'hui, on le conçoit, ce n'est donc que parce qu'il croit savoir à fond la responsabilité entière de l'Adam primitif, ce père de tous, et l'énormité de son crime, si aisément évitable, si librement et souverainement voulu. S'il rend Dieu si terrible de nos jours, c'est parce qu'il l'a fait miséricordieusement et magnifiquement juste dans la création de l'être libre, ordonné à l'origine par rapport à la beauté de tout l'ouvrage.

1. Le Paradis perdu, livre V; traduction de Chateaubriand.

2. Bossuet, en ses Élévations, a une manière analogue de considérer la chute; il dit du libre arbitre des Anges : « Dans un parfait équilibre, la volonté des saints Anges donnait seule, pour ainsi dire, le coup de l'élection: et leur choix que la Grâce aidait, mais qu'elle ne déterminait pas, sortait comme de lui-même par sa propre et seule détermination. » (IVe Semaine, IIIe Élévation). Ce qui est ici commun avec la doctrine de Jansénius, c'est ce coup de l'élection que frappait dans sa libre sphère sereine la volonté des saints Anges. Or l'homme, selon Bossuet qui se fonde au Psalmiste, n'avait été créé qu'un peu au-dessous; quoiqu'il eût un corps, la concupiscence alors n'y était pas, et son libre arbitre devait agir à peu près comme celui des Anges.

1842 - L'Université catholique  – T 14 

1842 universite catholique t14L'Université catholique, recueil religieux, philosophique, scientifique et littéraire
Tome quatorzième
Paris, au bureau de l’Université catholique, rue Saint Guillaume, n° 24 (Faug. S.-G.)
M DCCC XLII - De l’humanité, de son principe et de son avenir

Article : De l’humanité, de son principe et de son avenir,

Extrait page 383-384

À propos du livre de Pierre Leroux, par C. F. Audley, professeur d’histoire au Collège de Juilly.

[p.383]… Voici comment procède M. P. Leroux : au commencement de ce siècle il existait un homme doué d'une certaine érudition, qui s'avisa, un beau jour, de trouver que lui seul savait l'hébreu et que cette langue était à refaire. Cet homme s'appelait Fabre d'Olivet. Le voilà donc qui choisit arbitrairement ses racines, leur donne le sens qui lui convient; déclare, par exemple, que l'hébreu n'a aucune racine de trois lettres, tandis que c'est le contraire qui est vrai : telle est la méthode de notre rêveur. M. Fabre d'Olivet reconstruit donc une grammaire, une langue à priori. Alors il a pu traduire la Genèse, et sa traduction, bien entendu, a été fort différente de la Vulgate et des Septante. Bien entendu aussi que le monde savant, que les plus forts hébraïsants ont laissé notre théosophe (il aimait à prendre ce nom) déraisonner à son aise, et l'hébreu a eu l'inconcevable outrecuidance de ne pas entrer dans la nouvelle voie qu'on venait de lui tracer. Il y a pourtant des gens qui ne sont jamais reconnaissants de tout le bien qu'on veut leur faire. M. P. Leroux est loin de leur ressembler : le voilà donc qui ramasse cette folle thèse depuis longtemps oubliée; il s'en fait le [p.384] champion; il copie Fabre d'Olivet, prend ses racines hébraïques, ses traductions bibliques ; et ainsi armé de pied en cap, le voilà qui trouve dans la Genèse une foule de choses nouvelles et fort ingénieuses. Moïse doit certainement beaucoup à M. Leroux et à son patron, Fabre d'Olivet. Je demande pardon à mes lecteurs de ce ton peu philosophique, mais quand ils auront lu les passages que je leur soumets, ils penseront, je crois, avec moi, que notre auteur a voulu se donner pleine carrière, une fois pour toutes, dans les rêveries de Saint-Martin et de Schwedenborg [sic], ou bien encore qu'in petto il a voulu se moquer de ses lecteurs. La première supposition est plus polie ; il vaut donc mieux l'adopter.

1842 - Biographie universelle, ancienne et moderne

1842 Michaud t27Biographie universelle, ancienne et moderne. Supplément ou suite de l’histoire, par ordre alphabétique, de la vie publique et privée de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes.
Nouvelle édition, revue, corrigée et considérablement augmentée d’articles omis ou nouveaux
Ouvrage rédigé par une société de gens de lettres et de savants.
Tome vingt-septième
Paris. Ch. Delagrave et Cie, libraires-éditeurs, 58, rue des écoles
1842

Martinez Pasqualis, p.150-151

MARTINEZ PASQUALIS, chef de la secte dits des Martinistes, est un de ces personnages qui ont donné le nom à une école et qui sont eux-mêmes restés inconnus. L'analogie du nom du disciple principal avec celui du maître a contribué à faire presque oublier le véritable chef des Martinistes, avec lequel les feuilles du jour, en annonçant (en 1803) la mort de St-Martin, ont confondu ce dernier. Les disciples même les plus intimes de Martinez n'ont point connu sa patrie. C'est d'après son langage qu'on a présumé qu'il pouvait être Portugais et même juif. Il s'annonça en 1754 par l'institution d'un rite cabalistique d'élus dits cohens (en hébreu, prêtres), qu'il introduisit dans quelques loges maçonniques en France, à Marseille, à Toulouse et à Bordeaux. 

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1842 - Biographie universelle, ancienne et moderne.

Calendrier perpetuel 1840Biographie universelle, ancienne et moderne. Supplément ou suite de l’histoire, par ordre alphabétique, de la vie publique et privée de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes.
Ouvrage entièrement neuf, rédigé par une société de gens de lettres et de savants.
Tome soixante onzième
A Paris. Chez L.-G. Michaud, éditeur, rue du Hasard Richelieu, 13
1842 - Article Lenoir-Laroche (Jean-Jacques) & Lenoir-Laroche (Madame)

Article Lenoir-Laroche (Jean-Jacques). Pages 300-301

LENOIR-LAROCHE (Jean-Jacques), né à Grenoble, le 29 avril 1749, fils d'un avocat, fut destiné à la même carrière. Ami et condisciple de Servan et de Savoie-Rollin, il reçut de ces deux hommes célèbres des leçons de savoir et d'éloquence. Une cause importante l'ayant conduit à Paris., il s'attacha au barreau de cette capitale, dès l'année 1783. En 1788, les États de la province du Dauphiné ayant donné l'exemple de la délibération par tête, au lieu de l'ancienne règle qui était de délibérer par ordre, résolurent de prescrire la même règle à leurs députés aux États Généraux. Necker, qui était fort disposé à cette innovation, leur ayant demandé, pour l'appuyer, un mémoire qui dût être présenté au roi, ce fut à leur compatriote Lenoir-Laroche que les députés de la province s'adressèrent pour cet objet; et le mémoire qu'il rédigea, sous le titre de Considérations sur la Constitution des États du Dauphiné applicables aux États Généraux, eut beaucoup de succès.

Article Lenoir-Laroche (Madame). Pages 301-302

LENOIR - LAROCHE (madame CLAIRE REGUIS), femme du précédent, née à Grenoble, le 19 août 1762, fut douée d'infiniment d'esprit et de tous les charmes de son sexe, mais d'une imagination vive et très impressionnable. Elle se lia avec l'illuminé Saint-Martin (voy. ce nom, XL, 19), qui s'était donné si ridiculement lui-même le titre de Philosophe inconnu. Son mari, qui était loin de prendre part à de telles rêveries, eut beaucoup à en souffrir ; et il vit mourir Saint-Martin dans sa maison de campagne d'Aulnay, où il fut long [302] temps malade. Madame Lenoir-Laroche, qui annonçait hautement ses doctrines, s'était fait un certain nombre de prosélytes, et elle semblait, par un costume particulier qu'elle avait adopté, aspirer au rôle de fondatrice d'une espèce d'ordre religieux. Elle mourut à Aulnay, le 26 décembre 1821.

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1842 – Revue Le Semeur – n° 29 - Histoire ecclésiastique

1842 le semeur n29Le Semeur
Journal religieux, politique, philosophique et littéraire, paraissant tous les mercredis
Tome onzième – Du 1er janvier au 31 décembre 1842
Paris, au bureau du Semeur, rue Martel, n° 17.
N° 29 – 20 juillet 1842 - Œuvres très complètes de Sainte Thérèse

Œuvres très complètes de Sainte Thérèse

Publiées par Tablé M**. Tomes I et II. In-4°. Paris, 1840. Chez l'éditeur, rue d'Amboise, hors la barrière d'Enfer. Prix: 12 fr.

Premier Article. Extrait, pages 230-232

La littérature française compte un grand nombre d'ouvrages mystiques et possède dans ces ouvrages une terminologie mystique aussi riche qu'expressive. Malheureusement la valeur de la tendance à laquelle appartiennent ces écrits est peu sentie parmi nous, et la langue elle-même conserve les traces du jugement dédaigneux que l'esprit français porte sur cette tendance. L'expression de mysticisme ne se prend guère qu'en mauvaise part, et implique une idée d'aberration dont il n'est pas aisé de dépouiller ce terme consacré. Ce n'est pas là d'ailleurs le seul inconvénient. Le mysticisme ne désigne que la disposition morale, la tendance spirituelle, et n'embrasse point l'ensemble des faits qui se rapportent à cette tendance, sa portée scientifique, ses monuments littéraires, sa signification supérieure comme l'une des directions fondamentales de la nature humaine. Peut-être cette imperfection du langage nous autoriserait-elle à emprunter un mot à l'allemand et à distinguer la mystique du mysticisme, comme la tendance légitime de la déviation anormale. Qu'il nous suffise toutefois pour le moment de protester contre le mauvais sens de l'expression en usage, et d'avertir nos lecteurs de l'acception plus impartiale et plus étendue dans laquelle nous l’emploierons ici.

Cependant cette rectification du point de vue ne suffit pas, et la nature du mysticisme n'en reste pas moins une de ces vagues notions qui réclament une définition précise dès qu'il s'agit d'un faire une étude un peu rigoureuse. C'est cette définition que nous allons essuyer de fournir.

Le mysticisme, pris en bonne ou en mauvaise part, est ordinairement regardé comme un exercice de l'imagination ou du sentiment ; on le regarde comme une direction particulière des facultés que nous employons habituellement dans une sphère moins relevée ; quelquefois on semble supposer que ce n'est que le résultat d'une individualité exclusive, le produit d'une constitution spirituelle strictement personnelle. Ces idées ne nous paraissent pas aller au fond du phénomène ; elles lui laissent quelque chose de particulier et d'arbitraire, et en général appartiennent à un point de vue sous lequel le mysticisme ne saurait trouver sa véritable justification.

Le mysticisme, comme tous les faits humains, a un coté subjectif et objectif. Il faut distinguer la place qu'il tient dans l'homme, son siège, son organe, les facultés dont il est l'exercice, et de l'autre part son objet propre, la sphère dans laquelle il se meut, la réalité qui correspond à la faculté subjective. De là une double définition.

Pour établir la valeur générale, la légitimité, la nécessité du mysticisme, on ne doit pas le reléguer dans un coin de la nature humaine comme un fait étrange et isolé, mais reconnaître hardiment qu'il appartient à cette nature comme élément constitutif. Le mysticisme n'est pas le jeu excentrique de nos facultés spéculatives ou pratiques, mais l'exercice d'une faculté propre, d'un organe distinctif. Il entre dans notre constitution spirituelle au même titre que la sensibilité et 1’intelligence ; il y a plus, il forme le couronnement suprême de cette constitution. Il est dans l’échelle de nos puissances comme le sommet mystérieux de ces monts qui plongent par en haut dans le ciel, tandis que leurs pieds s'étendent en vastes prairies et leurs flancs en coteaux accessibles, en croupes cultivées et praticables. En un mot, le mysticisme est le produit de l'esprit dans le sens d'une distinction consacrée par le Nouveau Testament, et l’esprit est à l'âme, c'est-à-dire à l'entendement et la volonté, ce que l’âme elle-même est au corps, un degré supérieur de la vie et de l'être.

A chacun des organes de connaissance que nous possédons correspond une sphère particulière qui forme l'objet propre de ces organes. De même qu'à chacun de nos sens répond un côté particulier des choses, de même les sens en général ont pour objet le monde sensible, et l'entendement a pour objet le monde intellectuel, c'est-à-dire cette sphère inférieure des choses spirituelles où tout est fini, humain, naturel, soumis à des lois appréciables et aux opérations logiques. Ajoutez à ces facultés la puissance affective qui n'est point une faculté séparée, mais bien une vertu passive attachée aux diverses facultés et changeant de nature avec elles, tantôt corporelle tantôt psychique, et vous aurez l'homme tel qu'où se le représente le plus souvent. Mais ce n'est pas là l'homme véritable et complet. Au-dessus des sens est l'âme, au-dessus de l'âme est l'esprit. L'homme, à moins d'être dénaturé par la prédominance inférieure, éprouve de mystérieux pressentiments, des aspirations infinies, des pensées et des désirs qui s'élèvent autant au-dessus du monde intellectuel que du monde sensible, et ces besoins, ces désirs signalent à la fois des facultés différents de celles que nous avons déjà reconnues et un objet propre à ces facultés, une sphère qui y [p.231] répond et à laquelle elles se rapportent. Ces facultés sont l'esprit, et cet objet, c'est l'infini, c'est Dieu.

En considérant le mysticisme comme l'exercice de l'esprit, il est clair que nous faisons du mysticisme le caractère essentiel de la religion. Nous ne voulons nullement éviter cette conséquence, et cela d'autant moins que ce terme est appliqué le plus souvent à un certain développement du sentiment religieux  qu'il n'y a donc entre notre proposition et l'usage commun qu'une différence de degré, et qu'il n'y a aucun motif apparent pour fixer ainsi une limite au-delà de laquelle commencerait le mysticisme religieux. Ce serait méconnaître l'identité de nature que conserve ce sentiment à travers les différents degrés d'intimité qu'il peut revêtir. Cependant, si toute religion est mystique, et si peut-être aussi tout mysticisme est religieux, il est bon de ne pas identifier purement et simplement ces deux choses, religion et mysticisme, et de conserver à ce dernier terme ce qu'il a de spécial en l'appliquant par excellence à une disposition prédominante. Il y a donc des mystiques au même titre et de la même manière que des hommes sensuels et des hommes intellectuels ; cette expression indique seulement dans quelle région ils se complaisent, avec quel élément ils se sentent le plus d'affinité.

Nous sommes maintenant arrivés à la possibilité d'établir une définition. Le mysticisme dans sa signification la plus générale est un rapport immédiat de l'homme avec l'infini. Ce rapport est immédiat, c'est un contact, c'est une union parce que le fini ne peut s'emparer de l'infini et le mettre en quelque sorte à sa portée, il ne peut qu'entrer en rapport avec lui, s'abandonner à sa puissance, se perdre en son sein, et c'est de là aussi que vient la nature essentiellement passive du mysticisme. Entre le monde matériel et l'homme il y a les sens ; entre les vérités intellectuelles et l'homme il y a le raisonnement; mais entre Dieu et l'homme il n'y a rien, et c'est par l'acte le plus simple et le plus direct que nous entrons dans sa communion.

Est-il besoin d'avertir d'une part que si l'acte mystique est passif en lui-même, il a la volonté pour condition préalable, et laisse ainsi la religion et la foi dans le domaine de la responsabilité, et de l'autre part, que si l'infini est l'objet de celle communion, ce n'est point un pur infini métaphysique, mais un infini moral et personnel ? Cela est vrai au moins du mysticisme vraiment religieux, du mysticisme chrétien. Le panthéisme a aussi son mysticisme, le mysticisme même risque sans cesse de tomber dans le panthéisme ; mais ce n'est point de cette acception générale que nous voulons nous occuper ici ; nous nous bornons au terrain de la science et de la vie chrétiennes.

Il y a, à proprement parler, deux fonctions dans l'homme qui se reproduisent ensemble à chaque degré de l'échelle de ses facultés, la connaissance et le sentiment. Le corps, l'âme et l'esprit possèdent chacun ce double attribut. Leur rôle respectif est réciproque au moins dans ces deux dernières sphères, et de même que la connaissance affecte la sensibilité, de même le sentiment devient à son tour élément de connaissance. Une idée excite, par exemple, des émotions esthétiques qui deviennent aussitôt des idées. De même, relativement à l'esprit, le sentiment de l'infini se transforme en notions, en idées, en science, comme aussi ces notions jouent un rôle incontestable dans la production de l'état mystique. Ou bien la connaissance ne serait-elle pas plutôt cette fonction moyenne de l'homme, cet attribut de l'âme, de l'intelligence, cette partie mitoyenne de sa nature plus élevée que les sens, moins élevée que l'esprit, mais dans laquelle viennent se reproduire comme dans un miroir, viennent se formuler et se fixer comme idées, toutes les données des sens, et de l'autre, les sensations physiques, les perceptions intellectuelles et le sentiment mystique? Quoi qu'il en soit, ce rôle de la connaissance dans toutes les fonctions humaines, sa participation à tous les états et à tous les actes, son universelle intervention dans tout ce qui se passe dans le moi, est un phénomène remarquable, et son rapport particulier avec les faits de la vie spirituelle supérieure constitue une distinction importante dans l'analyse du mysticisme et le classement des manifestations qui y appartiennent.

L'histoire du mysticisme nous le montre constamment partagé par une double tendance. Identique à lui même par son origine, ses moyens et son objet général, il se divise par la prédominance de l'un ou de l'autre des deux éléments dont il ne saurait abdiquer entièrement aucun. Ces éléments sont ceux que nous venons de signaler, la connaissance et le sentiment. Delà la distinction parfaitement justifiable entre le mysticisme théorique et pratique. Là les opérations de l'esprit et l'expérimentation immédiate de l'infini deviennent surtout une méthode scientifique ; l'intuition, c'est-à-dire la perception des faits mystiques domine et se complaît en elle-même ; ce dont il s'agit, c'est de connaître, de pénétrer dans un ordre de réalités impénétrable à la seule intelligence, c'est d'apaiser à cet égard aussi cette soif mystérieuse de savoir, qui, souvent refuse de ne voir dans la science qu'un moyen et ne désire rien au-delà de sa propre satisfaction. Ici, au contraire, ce désintéressement cesse, l'esprit au lieu de s'arrêter à la science, la traverse rapidement ou ne cherche dans les vérités qu'un aliment et un exercice des affections. Ce n'est plus la connaissance, c'est le sentiment qui domine ; l'intuition, comme impliquant l'activité, se transforme en une contemplation plus passive, et la réflexion se réduisant à un minimum indéfini, fait place à un effort concentré pour anéantir jusqu'à la conscience du moi dans une union extatique avec l'auteur de toutes choses. Arrivé à ce désir, on le comprend, nous ne justifions point, nous ne faisons que décrire un phénomène ; sa réalité historique est inracontable, sa valeur religieuse mérite d'être discutée sans défaveur préjudicielle. Nous en dirons quelque chose avant la fin de ces articles.

Poursuivons pour le moment notre classification en partant de la distinction fondamentale que nous avons reconnue. Le mysticisme théorique offre dans la masse des faits qu'il embrasse plusieurs nuances assez tranchées pour justifier quelques subdivisions. C'est ainsi que le mysticisme scolastique, celui de la grande école de saint Victor au douzième siècle, et celui de Bonaventure au treizième, nous semble rentrer assez directement dans le mouvement scientifique qui animait à la même époque les écoles purement dialectiques : il partait de la scolastique pour s'élever plus haut, il l'admettait pour la transformer, il cherchait à compléter ses méthodes par une autre plus transcendante, mais nullement exclusive ; en un mot, il travaillait manifestement à la solution du problème agité alors, c'est-à-dire à la construction d'une théologie philosophique, d'une science. Il faut séparer cette classe d'une autre catégorie de mystiques, entraînés par un besoin également scientifique, mais différents par l'instrument et la méthode. A l'usage de la dialectique et des formules du raisonnement, ceux-ci substituent d'autres formules aussi étrangères au langage de la philosophie rationnelle que la matière même de leurs théories est différente des spéculations vulgaires. Leur terminologie symbolique semble destinée à exprimer l'insuffisance des paroles usuelles pour rendre les mystères religieux. Souvent même, le symbole se change en une mythologie hardie dont les secrets, réservés sans doute aux initiés ne permettent souvent pas d'établir le point précis où cesse l'image et où l'idée commence, ni le degré de réalité que l'imagination fantastique a entendu prêter à ces fictions [p.232] bizarres. On en trouve de remarquables exemples dans la cabale juive, le manichésime [sic], dans les nombreuses écoles surtout des gnostiques chrétiens du second et du troisième siècle. Cette différence de méthode autorise une distinction entre ce qu'on peut appeler le mysticisme spéculatif-scientifique et le mysticisme symbolique-théosophique. Ce dernier terme indique d'ailleurs que la différence ne porte pas sur la seule expression, mais sur la nature aussi des contemplations, l'un s'occupant davantage de la construction d'une science humaine, l'autre se préoccupant surtout de certains problèmes théosophiques, les rapports de Dieu au monde, la cosmogonie, l'origine du mal. Ajoutons toutefois qu'entre les deux classes ainsi signalées se trouvent un certain nombre de conceptions qu'il est difficile de rapporter exclusivement à l'une ou à l'autre, l'enveloppe symbolique étant souvent trop légère pour permettre l'analogie avec la théosophie mythologique, et d'un autre côté la tendance n'étant point assez nettement scientifique. Nous serions porté à ranger ici dans une espèce de classe intermédiaire Philon et le néo-platonisme, Denys l'aréopagite, Jacob Bœhme, saint Martin, etc.

Enfin on ne peut compléter cette classe théorique sans y ajouter comme troisième distinction, le mysticisme apocalyptique des Chiliastes, de Catherine de Sienne, des sectes fanatiques de franciscains au treizième et au quatorzième siècle et plus récemment de Swedenborg.

Une nuance analogue à celle qui vient d'être indiquée se fait sentir dans le mysticisme pratique. C'est à certains égards une nuance d'intensité. De même que la théosophie est dans la sphère théorique plus franchement mystique, plus exclusivement spirituelle que le mysticisme rationaliste des écoles du moyen âge, de même que cette différence provient de la combinaison plus ou moins légère du principe mystique avec les opérations et les données de l'entendement, de même aussi la pratique spirituelle prend un caractère différent, une nuance particulière selon qu'elle s'allie plus ou moins avec l'exercice des tendances pratiques inférieures, la volonté et l'action. C'est ainsi que ce mysticisme est tantôt moral-ascétique, tantôt contemplatif-extatique. L'application à la vie, la réalisation active se montre sensiblement dans saint Bernard, dans l'Imitation de Jésus-Christ, Gerson, et en général dans le mysticisme du quinzième siècle, plus tard dans François de Sales et Fénelon. Le mysticisme du quatorzième siècle, au contraire, bien qu'à des degrés divers, laisse la contemplation prédominer sur l'action comme sur la spéculation. On en peut dire autant de certaines manifestations du monachisme el du quiétisme de Mme Guyon.

De ces tendances véritablement mystiques nous distinguerons une espèce de croyance superstitieuse à des forces cachées de la nature, croyance sans rapport avec la vie et les méditations religieuses de l'esprit, mysticisme, si l'on veut, mais mysticisme empirique-technique auquel se rattachent l'alchimie, l'astrologie, la magie et une foule d'autres branches longtemps cultivées avec zèle.

Avec la réformation s'arrêtèrent tous les développements de l'église romaine ; elle resta paralysée dans toutes les forces qu'elle avait exercées jusqu'alors, ou ne parvint plus qu'à leur assurer des manifestations isolées. C'est ainsi que dans la science la scolastique avait dignement recueilli l'héritage des Pères et continué la construction de l'édifice théologique à travers plusieurs phases et diverses écoles successives. A ces phases, à ces écoles correspondent les transformations du mysticisme. Mais ce mouvement s'arrête dès le quatorzième siècle, le siècle de Boniface VIII, d'Occam el de Biel. Le mysticisme fleurit encore après la scolastique, et cela pour deux raisons. D'abord parce que la donnée fondamentale de la scolastique étant l'acceptation inconditionnelle du dogme ecclésiastique dans toute sa corruption traditionnelle, elle devait suivre le sort de cette doctrine et partager la décadence profonde; et croissante qui appelait une réformation. D'un autre côté le mysticisme, par cela même qu'il embrassait presque toute la vie religieuse de l'époque, renfermait précisément ces éléments anticatholiques qui allaient trouver leur expression dans le grand mouvement du seizième siècle. Les positions, en effet, se dessinent clairement en ce sens au quinzième siècle. La science qui n'est plus la scolastique devient critique et destructive ou bien tourne à l'étude de l'écriture, à la vie, et ne peut s'empêcher d'ébranler par là l'édifice vermoulu du catholicisme. En même temps le mysticisme devient de plus en plus pratique, scripturaire aussi, représente plus que jamais la vie religieuse de la chrétienté, et par là même, par suite de la contradiction inconciliable de cette vie et des abus ecclésiastiques, devient instinctivement réformateur.

La réformation fut la séparation de l'élément spirituel et vivant et de l'élément matérialiste et mort dans l'église. La vie donc passa du côté des communautés nouvelles échangeant son caractère mystique contre un caractère plus humain, plus scripturaire, plus pratique. Le mysticisme ne s'est jamais déployé à son aise dans le protestantisme. Quant au catholicisme, il y est resté et y joue le même rôle un peu suspect, un peu hérétique, un peu réformateur qu'autrefois, appelant toujours à lui les âmes religieuses et les cœurs altérés de cette communion. Mais depuis la réformation il ne peut plus avoir cette force d'ensemble comme concentration complète de la vie de la chrétienté ; la masse de cette vie a pris une autre direction ; il n'a donc plus qu'une existence sporadique; morcelée, les grandes écoles mystiques du moyen-âge sont devenues impossibles dans le catholicisme moderne.

Le seizième siècle nous montre en effet des phénomènes mystiques de genres différents coexistants, mais sans adhésion, sans unité de doctrine ou de tendance ; les genres divers que nous avons signalés s'y retrouvent presque tous, mais d'une manière purement individuelle. En un mot le mouvement a brisé sa continuité et se perd désormais dans une multiplicité de directions. Parmi ces directions et ces phénomènes se distingue au premier rang le mysticisme de sainte Thérèse. Outre l'intérêt de cette position historique, outre la valeur chrétienne positive de ses écrits, cette sainte nous offre encore un sujet intéressant d'étude par l'alliance étroite des tendances ascétique et extatique. S.


1842 - Le Magasin pittoresque Tome X. N°35

1842 magasin pittoresqueLe magasin pittoresque, rédigé, depuis sa fondation, sous la direction de
M. Édouard Charton
Dixième année - 1842
Paris, aux bureaux d’abonnement et de vente, 29, quai des Grands Augustins
M DCCC XLII - Le Mesmérisme

Tome X. N° 35 – L’été

Le Mesmérisme, p. 277-278

En 1776, un jeune docteur soutint, à l'université de Vienne, une dissertation intitulée : De l'influence des astres et des planètes sur la guérison des maladies ; c'était Mesmer. Cet écrit passa inaperçu ; les professeurs de la Faculté de médecine n'y virent qu'une reproduction de quelques doctrines de Paracelse, Van Helmont, Maxwell, Bargravius et Kircher. Quelque temps après, Mesmer prétendit avoir guéri par des moyens surnaturels une femme aveugle : on constata que son état n'avait été nullement amélioré, et Mesmer fut forcé de quitter Vienne. Il arriva à Paris en février 1778, précédé d'une réputation de singularité propre à exciter l'attention. Sa doctrine était la suivante. — Il existe un fluide universel entourant et pénétrant tous les corps, cause première de tous les phénomènes. L'homme peut changer les mouvements de ce fluide, en augmenter ou en diminuer la quantité dans d'autres individus. Par son universalité, ce fluide étant différent du fluide magnétique minéral, il lui donne le nom de fluide magnétique animal.

Logé à l'hôtel Bouret, dans le quartier de la place Vendôme, Mesmer se mit à traiter des malades réputés incurables. Il leur promettait la guérison avec cette assurance qui charme toujours un malheureux infirme, en lui rendant un espoir auquel il est sur le point de renoncer lui-même. Pour donner une idée de son outrecuidance, il nous suffira de rapporter ce passage d'une de ses lettres au célèbre Franklin : « Je suis comme vous, monsieur, au nombre de ces hommes qui, parce qu'ils ont fait de grandes choses, disposent de la honte comme les hommes puissants disposent de l'autorité. Ma découverte intéresse toutes les nations, et c'est pour toutes les nations que je veux faire mon histoire et mon apologie. »

Bientôt Mesmer ne put suffire au nombre des personnes qui réclamaient les secours de son art mystérieux. C'est alors qu'il imagina le baquet magnétique avec tout son appareil. Voici la description qu'en a donnée un littérateur distingué, M. Delrieu (Voyez la gravure). « Dans une grande salle était une cuve en bois de chêne, de quatre à cinq pieds de diamètre, d'un pied de profondeur, fermée par un couvercle en deux pièces, et s'enchâssant dans cette cuve ou baquet. Au fond se plaçaient des bouteilles en rayons convergents, et couchées de manière que le goulot se tournait vers le centre de la cuve. D'autres bouteilles parlaient du centre en sens contraire ou en rayons divergents, toutes remplies d'eau, bouchées et magnétisées. On mettait souvent plusieurs lits de bouteilles ; la machine était alors à haute pression. La cuve renfermait de l'eau qui baignait les bouteilles ; quelquefois on y ajoutait du verre pilé et de la limaille de fer. Il y avait aussi des baquets à sec. Le couvercle était percé de trous pour la sortie de tringles en fer, coudées, mobiles, plus ou moins longues, afin de pouvoir être dirigées vers les différentes régions du corps des malades qui s'approchaient du baquet. D'un anneau du couvercle partait une corde très longue, dont les patients entouraient leurs membres infirmes sans la nouer. On n'admettait pas, du reste, les affections pénibles à la vue, telles que les plaies, les tumeurs et les difformités. Enfin les malades formaient la chaîne en se tenant par les mains. » Pendant ce temps, les sons de l'harmonica, instrument alors nouveau en France, alternaient avec les accords d'un piano, des symphonies d'instruments à vent, et des chœurs de voix invisibles.

N'oublions pas que les personnes rangées autour des baquets étaient tous gens à imagination, puisqu'ils recouraient à des moyens surnaturels, appartenant aux hautes classes de la société, malades ou croyant l'être, s'attendant à éprouver des effets extraordinaires que la plupart avaient déjà observés chez d'autres personnes. Faut-il s'étonner si les plus impressionnables d'entre elles, les femmes surtout, ressemaient bientôt des effets nerveux, tels que des bâillements, des tiraillements dans les membres, qui se terminaient par les phénomènes ordinaires des attaques de nerfs; savoir, des cris, des convulsions, de l'oppression, des gémissements, et les torrents de larmes qui signalent la fin de la crise ? Au milieu de cette foule agitée, Mesmer se promenait en habit lilas, armé d'une baguette magique qu'il étendait sur les individus réfractaires. Il calmait les convulsions des autres en leur prenant les mains, leur touchant le front, ou opérait sur eux avec les mains ouvertes et les doigts écartés, et en croisant et décroisant les bras avec une rapidité extraordinaire.

Lorsque les réunions de la place Vendôme furent décidément à la mode, Mesmer publia une sorte d'Almanach magnétique, contenant la liste des cent premiers membres fondateurs de la Société de l'harmonie, depuis le 1er octobre i783 jusqu'au 5 avril 1784. Il y avait un grand-maître et des chefs de l'ordre, comme dans la franc-maçonnerie. On payait cent louis pour faire partie de la société. Berthollet, le célèbre chimiste, les avait donnés, mais en se réservant le droit de critique. Il vint un soir à l'hôtel Bouret dans de mauvaises dispositions. Le piano, l'harmonica, les chants invisibles se firent entendre, et le novice ne semblait pas ému. Mais quand Mesmer, lui appliquant sa branche de fer, éleva gravement la voix et traita le récipiendaire comme un infidèle, alors Berthollet se ficha tout rouge, culbuta le baquet, apostropha ironiquement les malades qui entraient en crise, et sortit furieux. On lui rappela son serment ; il répondit qu'il n'avait pas juré le secret à une mascarade.

Cependant toutes les convictions n'avaient pas été aussi rebelles que celle de Berthollet. Sans parler des gens du monde, toujours si faciles à séduire, l'érudit Court de Gébelin s'annonça guéri à l'Europe en exaltant les bienfaits du magnétisme, et mourut peu de temps après, assis à côté du miraculeux baquet. Aucune cure réelle ne fut constatée ; ce qui n'empêcha pas M. de Maurepas d'offrir à Mesmer 20.000 francs de rente viagère et 10000 francs de frais d'emplacement. Mesmer répondit qu'il préférerait une terre et un château ; mais sa demande ne fut pas agréée. Alors il s'adressa à la reine Marie-Antoinette, et lui écrivit une lettre qui prouve son incroyable orgueil. En voici quelques passages : «  Uniquement par respect pour Votre Majesté, je lui offre l'assurance de prolonger mon séjour en France jusqu'au 18 septembre prochain, et de continuer jusqu'à cette époque mes soins à ceux de mes malades qui me continueront leur confiance. Je cherche, madame, un gouvernement qui aperçoive la nécessité de ne pas laisser introduire légèrement dans le monde une vérité qui, par son influence sur le physique des hommes, [p.277] peut opérer des changements que dès leur naissance la sagesse et le pouvoir doivent contenir et diriger dans un cours et vers un but salutaire. Dans une cause qui intéresse l’humanité au premier chef, l’argent ne doit être qu’une considération secondaire aux yeux de Votre Majesté ; quatre ou cinq mille francs de plus ou de moins employés à propos ne sont rien. Ma découverte doit être accueillie et moi récompensé avec une magnificence digne du monarque auquel je m’attacherai.

Huit mois après, Mesmer quitta la France et se rendit en Angleterre ; mais il y fut froidement accueilli. Cependant il avait laissé à Paris un de ses élèves ; c’était un médecin, nommé Deslon, qui continua ses traitements. Mesmer avait toujours habilement décliné l’intervention des corps savants, tels que la Faculté de médecine et l’Académie des sciences, qui cherchaient à constater la réalité de sa découverte. Deslon fut plus imprudent : une commission de la Faculté de médecine, composée de MM. Borie, Sallin, Darcet, Guillotin, s’adjoint cinq membres de l’Académie des sciences, Franklin, Leroy, Bailly, de Bory, et Lavoisier.

Ces commissaires se livrèrent à l'examen le plus minutieux. Ils cherchèrent d'abord inutilement à constater l'existence du fluide magnétique ; puis ils se soumirent eux-mêmes à toutes les expériences, s'assirent autour des baquets, et n'éprouvèrent absolument rien. Enfin ils s'assurèrent que les guérisons n'avaient aucune réalité, et que dans tous les cas où il y avait une maladie bien constatée et au-dessus des ressources de l'art, le magnétisme ne la guérissait point. Ils firent remarquer que, des malades pouvant guérir par les seules forces de la nature, il ne fallait point attribuer au magnétisme des cures dont tout l'honneur revenait au temps et aux efforts médicateurs de l'organisme. Enfin ils démontrèrent que l'imagination seule produisait tous les effets observés. Ils virent tomber en convulsions des personnes qui croyaient qu'on les magnétisait ; et ces mêmes personnes étaient parfaitement calmes lorsqu'elles étaient magnétisées sans en avoir été prévenues d'avance. Nous engageons tous ceux qui désirent connaître les travaux de cette commission à lire l'excellente Histoire académique du magnétisme animal, par MM. Burdin et Dubois d'Amiens. Nous nous contenterons de citer les conclusions qui terminent son rapport.

« Imagination, imitation, telles sont les vraies causes des effets attribués à cet agent nouveau connu sous le nom de magnétisme animal. Cet agent, ce fluide n'existe pas ; mais tout chimérique qu'il est, l'idée n'en est pas nouvelle. Quelques auteurs, quelques médecins du siècle dernier, en ont expressément traité dans leurs ouvrages. Le magnétisme n'est donc qu'une vieille erreur. Cette théorie est présentée aujourd'hui avec un appareil plus imposant, nécessaire dans un siècle plus éclairé ; mais elle n'en est pas moins fausse. L'homme saisit, quitte, reprend l'erreur qui le flatte. Il est des erreurs qui seront éternellement chères à l'humanité. Combien l'astrologie n'a-t-elle pas de fois reparu sur la terre ! Le magnétisme tendrait à nous y ramener. On a voulu le lier aux influences célestes, pour qu'il séduisit davantage et qu'il attirât les hommes par les deux espérances qui le touchent le plus, celle de savoir leur avenir, et celle de prolonger leurs jours. »