Chapitre XXXII - Les Juifs dans la Franc-Maçonnerie. Le martinisme. Extrait, pages 463-465

Pendant que Martinez Pasqualis disparaissait mystérieusement de France et allait mourir obscurément à Port-au-Prince en 1779 [sic pour 1774], son disciple Saint-Martin recueillait la gloire due à son maître ; la secte fondée par le juif espagnol s'appelait le « Martinisme », au lieu de s'appeler le « Martinézisme ». Il faut rendre à chacun ce qui lui est dû. Ce que l'on appelle le Martinisme n'est pas l'œuvre de Saint-Martin, dit le Philosophe Inconnu, mais bien celle de Martinez Pasqualis ; Saint-Martin le reconnaît lui-même. À l'époque ultérieure où il était sous le charme du cordonnier mystique Boehme, il a des retours touchants du côté de son ancien maître, dont l'enseignement a laissé chez lui des traces ineffaçables :

« Quant à Sophie [Sophia], dit-il, et au Roi du monde (note ci-dessous), il ne nous a rien dévoilé sur cela, et nous a laissé dans les notions ordinaires de Marie et du Démon (nouvelle preuve que Saint Martin n'a jamais été jugé digne par Martinez d'être initié au véritable mystère de la secte). Mais je n'assurerai pas pour cela qu'il n'en eût pas la connaissance ; et je suis bien persuadé que nous aurions fini par y arriver, si nous l'avions conservé plus longtemps. » [Correspondance, p.272]

Note de l'auteur :
L'enseignement de Martinez sur ce point ne pouvait être que celui de la cabale, que l'Univers est le résultat d'un commerce éternel entre le Saint Roi et la Matrone, enseignement qui a passé dans les symboles de la Franc-maçonnerie, l’Équerre sur le compas, la lettre Tau, la Rose sur la Croix, etc., signes des couples divins et infinis.

L'influence de Saint-Martin sur la franc-maçonnerie, quoi qu'on en ait dit, [page 464] est à peu près nulle. On ne saurait en dire autant de Martinez. À celui-ci seul se rattachent les loges fondées par le Martinisme ou qui en adoptèrent les doctrines. Outre un certain nombre de loges françaises, à Lyon, à Bordeaux, à Paris, qui professaient le Martinisme, il faut compter, comme inspirée par ses doctrines, une vaste affiliation maçonnique appelée l'École du Nord, ayant son centre à Copenhague. Le fameux Lavater était un disciple de cette École du Nord. En Russie, le martinisme s'était assez répandu pour donner ombrage à Catherine II, qui composa contre les Martinistes deux comédies satiriques :

« Ces comédies, dit Saint-Martin, ne firent qu'accroître la secte. »

On retrouve des traces évidentes du Martinisme dans les constitutions du rite de Misraïm, fondé par des juifs s'inspirant de Cagliostro. L'Illuminisme se répandit aussi en Italie; ses règlements furent saisis par le sénat de Venise et dénoncés officiellement à la France.
Quelque temps avant le convent de Wilhelmsbad, l'Illuminisme français avait tenu à Lyon une grande assemblée sous le nom de Convent des Gaules, sous la direction prépondérante de la Loge Centrale de Lyon dite des Chevaliers Bienfaisants, laquelle était en haute estime auprès des loges templières d'Allemagne, et considérée comme la loge-mère de l'association. On y avait devancé sur plusieurs points les décisions du convent de Wilhelmsbad, en particulier sur celui de choisir le duc Ferdinand de Brunswick pour chef suprême de toute la maçonnerie. Les loges appartenant au Martinisme français députèrent à Wilhelmsbad, avec Saint-Martin [Saint-Martin n’est pas allé à Wilhelmsbad pas plus qu’il n’est allé au Convent de Lyon] le président de ce convent des Gaules, le frère de Villermoz, [sic pour Willermoz] négociant lyonnais, Le Chape de la Heuzière, faisant partie du comité secret des Amis Réunis de Paris, et le comte de Virieu, un honnête maçon, qui, effrayé de ce qu'il y avait vu et entendu, finit par abandonner la secte :

« Je ne vous dirai pas, répondait-il au comte de Gillière, qui le pressait à son retour sur ce qui s'était passé dans l'assemblée, je ne vous dirai pas les secrets que j'apporte ; mais ce que je crois pouvoir vous dire, c'est qu'il se trouve une conspiration si bien ourdie et si profonde, qu'il sera bien difficile à la religion et aux gouvernements de ne pas succomber. » [Citation de Barruel, Mémoires sur le Jacobinisme, t.IV, p. 119.]

Il n'est donc pas étonnant de voir les loges martinistes jouer un rôle important dans le convent de Wilhelmsbad ; leurs députés, forts de la protection de Ferdinand de Brunswick, n'épargnèrent rien pour y faire triompher leurs idées et leurs desseins.

Il n'entre pas dans mon plan de retracer l'histoire de cette mémorable assemblée, d'où la maçonnerie sortit, comme les Grecs du cheval de bois, tout armée pour la destruction de la religion et de l'ordre social. Tout ce que j'ai à en dire sans sortir de mon sujet, c'est que le Martinisme ou Illuminisme français, inspiré par le juif Martinez Pasqualis, y donna la main à l'Illuminisme allemand fondé par Weishaupt, le véritable ordonnateur secret du [page 465] convent par l'intermédiaire de ses deux lieutenants, Knigge et le baron Dittfurt.

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