Chapitre XXXII - Les Juifs dans la Franc-Maçonnerie. Martines Pasqually. Extrait, pages 448-451

Comment les juifs [...] parvinrent-ils à s'insinuer dans la franc-maçonnerie, si jalouse de sa dignité ? Un juif leur fraya la voie. L'histoire du juif espagnol Martinez Pasqualis se rattache trop étroitement à celle du couvent de Wilhelmsbad pour ne pas trouver sa place ici ; il est du reste le canal principal par où les doctrines cabalistiques s'infiltrèrent dans la maçonnerie. Juif cabaliste, maçon avant la lettre, théurge et magicien, fondateur d'une secte qui survécut au dix-huitième siècle, l'Illuminisme, il a tous les titres à une étude particulière dans ces pages.

[Contrairement à ce que Léo Taxil annonce ci-dessus, Martines Pasqually n’était pas juif et il n’a aucun lien avec le convent de Wilhelmsbad. Voir supra. Quant à sa date de naissance (voir ci-dessous), elle est située, selon les auteurs et les sources, entre 1710 et 1729.]

 

Né en 1710, en France, à Grenoble, et non pas, comme le disent toutes ses biographies, vers 1715, — d'un père espagnol, et non portugais, comme le veulent les mêmes biographies, – ce n'est qu'à partir de 1754 que l'on peut suivre les traces de ses pérégrinations à travers la France, à Paris, à Lyon, à Bordeaux, et ses relations avec les diverses sociétés maçonniques. Très [page 449] intrigant et très actif, il semble avoir conçu le dessein de rallier et de concentrer les efforts des sociétés secrètes en vue d'une action commune, et sous l'inspiration d'une doctrine unique, dont les grandes lignes se rattachent à l'enseignement cabalistique.

D'après ce que nous savons sur l'opinion publique et celle même des francs-maçons à l'égard des juifs, ce n'est certainement pas à titre de juif [page 450] qu'il pût acquérir l'influence dont nous le voyons jouir vers 1762, mais à titre de juif converti, de juif devenu catholique, et professant extérieurement pour le catholicisme la foi la plus entière, la plus enthousiaste. A l'entendre, il n'est, l'hypocrite, qu’un émule de Mme Guyon, un disciple de Fénelon et des grands mystiques chrétiens ; derrière ce masque se cachait l'orgueil et l'ambition du sectaire, l'adepte des doctrines et des pratiques occultes qu'il avait à cœur d'implanter, avec les hauts grades, parmi les sectateurs de la franc-maçonnerie. Il rêvait de devenir le grand hiérophante des sociétés secrètes.

[Martines Pasqually n'a jamais été un émule de Mme Guyon, ni un disciple de Fénelon. Tout cela est de l'invention pure et simple, de la fumisterie.
Par contre, effectivement on trouve sa trace dans plusieurs villes, notamment Montpellier, Toulouse et bien sûr Bordeaux où il s'installe à partir des années 1761.]

 

Une partie de sa doctrine, mais seulement la partie la plus exotérique, nous est connue par un traité manuscrit, de 355 pages in-4° dont une partie a été publiée par Ad. Franck en 1866 (Ad. Franck : La philosophie mystique à la fin du XVIIIe siècle. 1866), intitulé : Traité sur la réintégration des êtres dans leurs premières propriétés, vertus et puissances spirituelles et divines, par Martinez de Pasqualitz [sic].
On y retrouve, exposés en assez mauvais français, les grands principes de la cabale sur l'origine des êtres par voie d'émanation, la chute de ces mêmes êtres provenant non plus du péché originel, mais d'une déchéance nécessaire, effet naturel de la naissance même des choses finies, naissance qui les éloigne de l’être infini, de l'existence souveraine et parfaite avec laquelle elles étaient primitivement confondues.
L'intelligence humaine, ainsi séparée de son principe, l'esprit universel, aspire à y remonter à s'y réintégrer dans son premier état tout spirituel et divin : elle ne peut y parvenir qu'en anéantissant ce qu'il y a de fini et d'imparfait en elle, par la destruction de la conscience et de la volonté individuelle; mais surtout au moyen des communications surnaturelles avec les esprits supérieurs. Grâce à ces communications, « chacun de nous peut s'élever au degré où est parvenu Jésus-Christ, devenir comme lui, Fils de Dieu, Dieu même. » [... page 451]
Ajoutons que, comme son maitre Satan, la cabale sait au besoin affecter des apparences chrétiennes et saintes. C'est le cas du traité de Martinez. Le grand danger de pareils ouvrages est de laisser croire qu'ils ne sont que le commentaire des textes sacrés, qu'ils invoquent seuls : c'est le danger de bien des ouvrages de nos jours, qui, semblables au traité de Martinez, peuvent égarer le lecteur, sous présente d'exégèse biblique, dans tous les sentiers détournés de la nouvelle cabale qui vient d'être définie.
À cet enseignement dogmatique, Martinez Pasqualis rattachait un enseignement pratique, une théurgie et une magie, qui consistait surtout dans des opérations cabalistiques mettant l'esprit mineur (terrestre) en communication directe avec les esprits majeurs (supérieurs).
D'après le peu que l'on sait de sa vie, on peut dire que peu d'initiateurs ont su s'envelopper mieux par lui de prestige et de mystère.

[Évidemment, Satan apparaît ici comme le maître de Martines et des francs-maçons et tout au long de l'ouvrage de Taxil, puisque c'est par cette imposture qu'il développe sa fumisterie.]

 

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