Chapitre XXXII - Les Juifs dans la Franc-Maçonnerie. L.-Cl de Saint-Martin. Extrait, pages 451-452

[Ici, Taxil va se servir de citations d’ouvrages de ou sur Saint-Martin pour développer sa fumisterie satanique. On voit cela dans l’interprétation qu’il fait de ces éléments pour tirer des conclusions qui n’ont rien à voir avec la vérité historique. L’exemple le plus frappant est cette phrase : « Saint-Martin [...] ne put arriver à cette dernière illumination. » Comme Taxil ne sait pas en quoi cette illumination consiste, il est facile de dire n’importe quoi. De même, quand il parle de l’évocation « du chef des esprits majeurs, de Satan lui-même » et de « l'Adam-Kadmon de la kabbale. »]

 

Tout ce qui en a transpiré nous est venu de ses disciples, et encore à l'état de notions vagues et flottantes, enveloppées d'hésitations et de réticences. Peu d'adeptes, du reste, furent jugés dignes par le maître d'être admis à la suprême initiation, au dernier mot du mystère. Saint-Martin lui-même, le plus connu et le plus illustre de ses disciples, ne put arriver à cette dernière illumination.

« Martinez, dit-il, avait la clef active de tout ce que notre chef Boehme expose dans ses théories ; mais il ne nous croyait pas en état de porter ces hautes vérités. »

Et il ajoute, ce qui jette un certain jour sur la nature de cette initiation finale, qui ne pouvait être que l'évocation du chef des esprits majeurs, de Satan lui-même :

« Il croyait aussi à la résipiscence de l'être pervers, à laquelle le premier homme (l'Adam-Kadmon de la kabbale) aurait été chargé de travailler. »

L'illuminé de Martinez devait continuer, dans la mesure de ses forces, à travailler à cette résipiscence ou restauration de la divinité satanique. Cette [page 452] assertion sera confirmée par ce que j'aurai à dire tout à l'heure d'un autre disciple de Martinez, l'abbé Fournié.

[Le texte original dit :

« Je suis même tenté de croire que M. Pasq[ally], dont vous me parlez (et qui, puisqu'il faut le dire, était notre maitre), avait la clef active de tout ce que notre cher B[oehme] expose dans ses théories, mais qu'il ne nous croyait pas en état de porter ces hautes vérités. Il avait aussi des points que notre ami B[oehme] ou n'a pas connus ou n'a pas voulu montrer, tels que la résipiscence de l'être pervers, à laquelle le premier homme aurait été chargé de travailler; idée qui me parait encore être digne du plan universel, mais sur laquelle, cependant, je n'ai encore aucune démonstration positive, excepté par l'intelligence. »

Louis-Claude de Saint-Martin, Correspondance inédite avec Kirchberger, baron de Liebistorf 1792 à 1797. Schauer, 1862. Lettre XCII, du 11 juillet 1796, p.272. Nous la désignerons désormais comme Correspondance.]

 

Quant au culte même de Satan, c'est-à-dire aux moyens d'opération qu'il employait, aucun de ses disciples ne s'est permis de les dévoiler. Tout ce que nous savons, c'est que ces opérations étaient compliquées. Saint-Martin, un jour qu'il avait été admis à y assister, étonné des grands préparatifs dont il les faisait précéder, ne put s'empêcher de s'écrier :

« Comment, maître, il faut tout cela pour le bon Dieu ? » – Et le maître répondit : « Il faut bien se contenter de ce que l'on a. » [Correspondance, p.15]

« À l'école de dom Martinez, dit Matter (Saint-Martin, le Philosophe inconnu. 1862.), celui qui fait le mieux connaitre en lui le théurge, ces opérations jouaient un grand rôle. Ce qui me porte à croire qu'on les y considérait comme une sorte de culte, c'est que ce terme est resté cher à Saint-Martin, qui, par une singulière contradiction, n'aimait guère ces opérations et adoptait néanmoins le mot opérer pour désigner la célébration de la sainte-cène et du baptême. » [Matter, Saint-Martin, p.19

Seulement, Saint-Martin, qui n'était pas allé jusqu'au bout, avait tort de considérer ces opérations comme les préludes et la préface de l'initiation, tandis qu'elles en étaient, dans le système de Martinez, la véritable fin et le couronnement.

« Je ne vous cache pas, écrivait-il à un de ses correspondants, que j'ai marché autrefois dans [par] cette voie seconde [féconde] et antérieure [extérieure], qui est celle par où l'on m'a ouvert la porte de la carrière. » [Correspondance, p.15]

Saint-Martin ne fut qu'un demi-initié. Nous avons, sur la méthode théurgique et magique de dom Martinez, des révélations bien plus précises de la part d'un de ses autres disciples, qui semble avoir été bien plus avant dans la confiance du maître, l'abbé Fournié.

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