Revue des deux Mondes – Tome 2, 1835
Revue de Rouen et de Normandie, 1835
Le Semeur, Tome IV, n°25 - 10 juin 1835

1835 - Revue des deux Mondes – Tome 2

1835 revue 2 mondes t2Tome deuxième
Quatrième série
Paris, au bureau de la Revue des deux Mondes, rue des Beaux Arts, 10
Londres, chez Baillière, 219, Regent Street
1835 - https://books.google.fr/books?id=Bc9IAAAAcAAJ

Page 374 : publications nouvelles

 Nous croyons faire plaisir aux amis des livres religieux, à ceux qui aiment à méditer sur des pensées élevées et intérieures, en leur annonçant deux livres d’un même auteur anonyme* : Arthur, ou Religion et solitude, et un recueil de Pensées choisies de Saint-Martin. Ces deux volumes qui se trouvent à la librairie religieuse de Toulouse (rue du Foin Saint Jacques, 46) contiennent un grand nombre de sujets de méditation morale, de passages tirés des saints pères, ou des théosophes modernes. L’auteur anonyme qui, après avoir vécu de la vie du monde et des passions, parait s’être retiré dans la solitude, et qui unit une sensibilité très tendre à nue imagination poétique encore émue, commente les pensées qu’il cite, les orne de ses souvenirs et y ajoute des développements de même source, en une langue parfois négligée, mais heureuse et pleine d'onction.

*[Il s’agit de Ulrich Guttinger. Il est également l’auteur d’un petit opuscule sur Saint-Martin]

1835 - Revue de Rouen et de Normandie

1835 revue rouen t5Revue de Rouen et de Normandie
Tome cinquième
Rouen, imprimerie de Nicétas Periaux, rue de la Vicomté, 55
1835 - http://books.google.fr/books?id=PkkYAAAAYAAJ

Bibliographie : Philosophie religieuse (pages 253-254)

PHILOSOPHIE RELIGIEUSE. — 1er volume : SAINT-MARTIN. — Rouen, Nicétas Périaux. — Se trouve chez Frère, Legrand, etc.

Ceci est un livre de bonne foi. Cette publication n'est, ni une spéculation d'argent, ni une spéculation de vanité ; elle n'a qu'un seul but : faire fructifier dans l'âme des lecteurs la parole de Saint-Martin, comme elle a fructifié dans l'âme de son abréviateur. Pourquoi faut-il que notre reconnaissance soit réduite à soupçonner le bienfaiteur sous le voile de l'anonyme ? Sans doute l'abréviateur du Philosophe inconnu s'est répété ces paroles de son maître : « J'ai désiré de faire du bien, mais je n'ai pas désiré de faire du bruit, parce que j'ai senti que le bruit ne faisait pas de bien, comme le bien ne faisait pas de bruit. » Rien de plus juste que cette maxime en une foule de circonstances ; mais toute règle à ses exceptions, et un beau nom n'est pas inutile à une bonne œuvre ; il la rend plus fructueuse, en lui communiquant quelque chose de sa popularité.

Peu de temps avant de mourir, Saint-Martin disait : « Je sens que je m’en vais ; la Providence peut m'appeler, je suis prêt : les germes que j'ai tâché de semer fructifieront. Je rends grâce au ciel de m'avoir accordé la dernière faveur que je lui demandais. » [« Entretien avec M. de Rossel », J.B.M. Gence, Notice biographique sur L.C. de SM, p.15].

Certainement, l'homme de désir devait souhaiter un disciple loyal et fervent qui le traduisit à l'intelligence des masses, qui fit luire à leurs yeux la lumière cachée dans les nuages impénétrables dont il avait trop souvent eu le tort de s'environner. Après plus de trente ans, ce service vient enfin de lui être rendu : on peut espérer que désormais Saint-Martin, mis à la portée, sinon de tous, du moins du plus grand nombre, ne sera plus le philosophe inconnu. Tout en rendant justice au zèle et aux excellentes intentions de son abréviateur, nous avouerons que nous ne l'avons pas, sans quelque étonnement, entendu affirmer que, depuis 1807, il n'avait été question de ce philosophe nulle part, si ce n'est dans quelques écrits de M. Sainte-Beuve. Non, l'homme qui, selon sa propre expression, avait jeté une pierre au front du sensualisme, n'a pas été oublié à ce point par ceux qui de nos jours ont combattu, comme lui, quoiqu'avec d'autres armes, cette triste et sèche philosophie. M. Cousin (cours de 1829, leçon 13), observant que, même dans la dernière moitié du dix-huitième siècle, le [p.254] sensualisme n'a pas régné sans opposition, ajoute : « Il est juste de reconnaître que jamais le mysticisme n'a eu en France un représentant plus complet, un interprète plus profond, plus éloquent, et qui ait exercé plus d'influence que Saint-Martin. » Et M. Damiron, dans son Essai sur l'Histoire de la Philosophie en France, au dix-neuvième siècle (deuxième édition), consacre un article assez long à l'exposition de la doctrine de ce philosophe.

Nous ne voudrions pas ajouter au trouble tardivement inspiré à l'auteur anonyme de cet opuscule, au sujet de l'orthodoxie de Saint-Martin : nous devons lui dire, cependant, que ces doutes ne sont pas nouveaux, et nous lui rappellerons, sans avoir la prétention de décider cette question, ce que disait M. de Maistre (Soirées de Saint-Pétersbourg, t. II, p. 332) : « Le plus instruit, le plus sage et le plus élégant des théosophes modernes, Saint-Martin, dont les ouvrages furent le code des hommes dont je parle (des illuminés) participait à caractère général de leurs doctrines (aversion pour toute autorité et hiérarchie sacerdotales). Ses ouvrages présentent la preuve la plus claire qu'il ne croyait pas à la légitimité du sacerdoce chrétien. »

Du reste, M. de Maistre reconnaît qu'il y a, dans les ouvrages de ces illuminés en général et en particulier dans ceux de Saint-Martin, des choses vraies, raisonnables et touchantes. Il suffira, pour s'en convaincre, de parcourir rapidement, ou même d'ouvrir au hasard le précieux recueil que nous signalons à l'attention de nos lecteurs.

1835 - Le Semeur 

Le Semeur, Tome IV, n°25 - 10 juin 1835, p.1841835 le semeur 10juin35

Journal religieux, politique, philosophique et littéraire, paraissant tous les mercredis

Annonce

Philosophie religieuse. Tome Ier. Saint-Martin. I vol. in-18. Paris, chez Toulouse, rue du Foin-Saint-Jacques. Prix : 1 fr. 50 c.

Dois-je le dire ! La préface de ce volume, les notes qui l'accompagnent, et le post-scriptum qui le termine, m'ont plus intéressé que l'ouvrage même. Je me suis, à deux époques de ma vie religieuse, occupé des écrits de Saint-Martin. Je voulais les lire comme je venais d'être converti à l'Evangile, mais un ami plus expérimenté que moi m'en détourna, en m'assurant que je n'y trouverais rien qui pût fortifier ma foi. Cinq ou six ans après, les Œuvres posthumes du Philosophe inconnu, comme Saint-Martin se nommait lui-même, m'étant tombées sous la main, je les lus, et tout en admirant la droiture de cœur et le sentiment profond de cet écrivain, je m'estimai heureux de ne l'avoir pas étudié plus tôt. Dans les premiers temps du réveil, ses livres ne peuvent, ce me semble, quelqu’intérêt qu'ils offrent, que jeter de la confusion dans les idées, et que détourner du but. Ne fondant pas exclusivement ses convictions sur la Parole de Dieu, mais cherchant à les compléter, à les rectifier, au moyen d'un sentiment intérieur très vague, Saint-Martin n'admet pas quelques-unes des doctrines les plus importantes du Christianisme ; il suppose à l'homme déchu une force qu'il n'a pas. D'autres fois, au contraire, il est sublime de simplicité chrétienne, et il rend les plus touchants témoignagnes [sic] à la vérité. C'est là ce que l'éditeur de ces pensées détachées a surtout admiré en lui :

« Trois points, dit-il, nous ont attiré et décidé dans l'admiration que nous professons :

« La vive croyance de l'auteur dans les prophètes;
« Sa foi non moins vive dans le Sauveur;
« Sa foi et sa défiance pour la raison humaine.*

Il nous a semblé ne pouvoir trop aimer, trop admirer, trop remercier celui qui, au temps du plus grand succès, de la plus immense vogue de la philosophie du dix-huitième siècle, s'écriait, avec un accent qui devait trouver un jour tant d'écho dans les cœurs : « Doctrine humaine ! doctrine humaine ! laisse aller mon peuple ! pour qu'il puisse m'offrir ses sacrifices. »

Peut-être cependant le choix que l'éditeur a fait n'a-t-il pas toujours été également sûr ; peut-être aussi des éloges n'ont-ils pas toujours été assez mesurés [sic]. Il ne faut pas dire d'un homme que « ses n écrits sont pleins d'inspiration, d'esprit vraiment prophétique. » Ces mots ont un sens exclusif qu'il faut leur laisser. Nous désirons sincèrement que l'éditeur s'attache toujours plus à la Parole de Dieu, et nous croyons aussi que dans la même proportion qu'il s'y affectionnera, diminuera son enthousiasme pour les livres qui ne reproduisent pas fidèlement les enneigements de Dieu. Sans le connaître, nous l'aimons ; nous croyons qu'il tâtonne encore, mais nous espérons qu'il n'est pas loin du but ; car il y déjà bien de l'expérience chrétienne dans ce cri qui lui échappe :

« Qui n'a pas éprouvé cette recherche, cette poursuite de son Dieu, lorsqu'il ne veut pas nous laisser dans notre humiliation ? Vainement on a fui, on a crié, blasphémé, Dieu avait dit: « Je l'atteindrai. » O pauvres cœurs tourmentés des passions, qui lira ceci, arrêtez-vous, sentez le souffle de Dieu haletant sur vos pas.... arrêtez-vous, jetez-vous contre terre, vous vous trouverez dans ses bras au réveil. »

Oui, il y a dans ces notes et dans Arthur, ouvrage que le même auteur a publié l'année dernière, des indices de besoins religieux très réels ; il nous semble apercevoir bien de la conscience dans cette religion qui ne parait d'abord que sentiment et poésie. Un de nos collaborateurs, celui de nous qui peut-être aurait le mieux apprécié Arthur, devait rendre compte de ce livre. Une longue maladie, qui, depuis beaucoup de mois, attriste profondément nos cœurs, ne le lui a pas encore permis ; mais nous espérons qu'il pourra le faire plus tard. Il nous semble qu'il sera doux pour notre ami d'adresser quelques mots de cette charité qu'il ressent pour les âmes, à l'auteur d'un livre qui, nous le savons, lui a inspiré une vive sympathie.

L'auteur de cette rubrique, Alexandre Vinet (1797-1847) a publié dans la revue Le Semeur (1835), deux articles suite à la parution de Arthur  dans la rubrique Littérature de cette revue. Le 1er article, p.193-195 n° 25, 24 juin 1835,  et le 2e p.203-206 n° 26, 1er juillet 1835.