Les sociétés secrètes, destructrices de toute religion. II. L'Esprit d'impiété de l'Illuminisme, du Martinisme et de Misraïm est passé dans tous les autres rites. Extrait, p.61-62 ; 64-65 ; 68-69 ; 79

Extrait, p.61-62

Cependant l'illuminisme français ou le martinisme n'était point resté oisif devant ce travail de l'illuminisme bavarois. Il venait de tenir lui-même une grande assemblée à Lyon sous le nom de convent des Gaules, et où il avait projeté de choisir pour chef le duc Ferdinand de Brunswick, qu'avec leur appui et à leur instigation sans doute, l'assemblée de Wilhemsbad nomme bientôt en effet chef suprême de toute la Maçonnerie. Leur loge centrale, dite des chevaliers bienfaisants, à Lyon, avait acquis, on ne sait à quel titre, dit l'auteur de l'Histoire pittoresque de la Franc-maçonnerie, que nous avons déjà cité, une haute prépondérance sur les loges d'Allemagne. Elle était en quelque sorte considérée, même par les différentes fractions de la stricte observance et par les ateliers qui admettaient soit exclusivement soit en partie le système templier, comme la loge-mère de l'association.

Les loges martinistes avaient député à Wilhemsbad, avec Saint-Martin lui-même, le président du convent des Gaules, fr.:. de Villermoz [sic pour Willermoz], négociant lyonnais, et La Chappe de la Heuzière. Le Martinisme, qui avait sourdement provoqué ce convent, et dont celui des Gaules n'avait été que le précurseur, ajoute l'historien, y exerça la plus grande part d'influence ; ses doctrines dominèrent dans les nouveaux rituels, et le nom de sa loge-mère, les chevaliers bienfaisants, figura dans le titre même de la réforme, avec l'addition : de la cité sainte. Aussi ses loges adoptèrent-elles sans exception le régime rectifié qui fut substitué à la Maçonnerie de [page 62] Saint-Martin. Ce système se répandit particulièrement en France, en Suisse et en Italie (1. Histoire pittoresque de la Franc-maçonnerie, p.195). »

Nota bene : Saint-Martin n'est jamais allé au convent de Wilhemsbad

Extrait, p.64-65

Sous le Grand-Orient, plus spécialement chargé de la correspondance étrangère, était à Paris la loge appelée des Amis réunis. Elle comptait parmi ses chefs le fameux révolutionnaire Savalette de Lange, honoré de toute la confiance qu'aurait méritée le sujet le plus fidèle, chargé de la garde du trésor royal. Il était en même temps l'homme de tous les mystères, de toutes les loges et de tous les complots contre la religion et contre la royauté. Pour les réunir tous, il avait fait de sa loge le mélange de tous les systèmes maçonniques et avait pris pour base, dit Ragon, l'interprète officiel du Grand-Orient, la même doctrine que celle du martinisme. On les appelait philalètes ou chercheurs de la vérité, du nom de leur dernier grade. Cette secte, comme les autres de la réforme maçonnique, tendait à perfectionner l'homme, dit l'historien-maître à tous les degrés, Clavel, et à le rapprocher de la source divine d'où il est émané (panthéisme). C'était, [page 65] dit-il encore, un mélange des dogmes de Swedenborg et de Paschalis, dont le baron d'Holbach, auteur, avec Diderot, du Système de la nature, était le principal adepte, et Saint-Martin lui-même le réformateur (Clavel, p.170, 194, 195).

Extrait, p.68-69

Le philosophisme du siècle avait fait dans les loges tout ce qu'on pouvait attendre de Voltaire, d'Helvétius, d'Holbach, de Diderot, de J.-J. Rousseau, etc., tous vénérables de loges, maîtres à tous grades ou méritant de l'être, et de leurs disciples, tous également initiés. L'illuminisme de Weishaupt venait régulariser tout ce travail d'impiété et de révolte sanglante qui faisait le fonds de tous les mystères et y mettre le dernier sceau. Les députés allemands furent donc accueillis avec empressement par le comité secret des amis réunis faisant fonction de Grand Orient. L'alliance la plus étroite fut conclue et un convent général des maçons de France et de l'Étranger fut convoqué par le comité secret sous le nom des philalètes, supérieurs réguliers des très vénérables loges des amis réunis à l'Orient de Paris, pour le 15 février 1785.

« Nous ne croyons pas, nous n'espérons même pas, disait entre autres choses la circulaire de convocation, que les articles spécifiés dans ce projet soient l'objet unique et exclusif des travaux du futur congrès. Il y en a d'autres plus importants que la prudence nous défend de confier au papier et moins encore à l'impression, nous doutons même qu'il soit possible de les traiter avantageusement en plein CONVENT (Qu'on remarque bien le mot de convent employé par les maçons pour désigner leurs grandes assemblées : c'est la racine de la convention pour le nom comme pour la chose). Peut-être serait-il plus facile et plus avantageux au bien général de les développer en secret et pièces en mains dans des comités spéciaux, composés de délégués que leurs opinions, leurs travaux et leurs grades recommandent particulièrement. Ces comités informeraient l'assemblée générale du résultat de leurs travaux et des fruits de leurs investigations autant qu'ils le pourraient sans s'exposer à être parjures. « Il est probable que la discussion des articles proposés fera surgir de nouvelles questions qu'il est impossible de préciser ici. Tous les hommes instruits peuvent les prévoir et doivent s'y préparer. N'oublions pas que le but essentiel de ce convent étant d'une part la destruction des erreurs (religion et trônes au sens du livre de Saint Martin : Des Erreurs et de la Vérité), et de l'autre, la découverte de vérités maçonniques ou intimement liées avec la Maçonnerie [page 69] le Dieu dont le seul nom, s'il était dit, empêcherait d'y croire, les deux principes, etc.). Notre premier devoir à tous doit être de nous munir de tout ce qui paraît devoir contribuer à l'un ou l'autre de ces buts. »

Certes, il était impossible aux adeptes surtout instruits de ne pas voir, à travers des voiles si transparents, qu'il s'agissait de la destruction de la religion et de la monarchie, et de faire passer dans les rapports sociaux, religieux et politiques, la liberté, l'égalité et la fraternité maçonniques et panthéistes. Les noms des principaux députés à ce couvent de Paris par la Maçonnerie de chaque pays suffiraient pour dissiper tous les doutes s'il pouvait en exister encore. C'étaient parmi les députés français Saint Germain, Saint Martin, Touzay, Duchanteau, Etrilla, le tireur de cartes, le grand magnétiseur Mesmer, Dutrousset, d'Héricourt et Cagliostro, auxquels il faut ajouter les noms donnés plus haut de Mirabeau, Talleyrand et autres chefs des philalètes parmi lesquels Savalette de Lange fut choisi pour président du convent, et le marquis de chef de Bien, déjà député à Wilhemsbad par la loge des philalètes, pour secrétaire de la langue française.

Extrait, p.79

« Il parut un écrit ayant pour titre : Erreurs et Vérités. Cet ouvrage fit grande sensation et produisit sur moi la plus vive impression. Je crus d'abord y trouver ce qui, d'après ma première opinion, était caché sous les emblèmes de l'ordre (la nature de l'homme dans sa pureté originelle) ; mais à mesure que je pénétrai plus avant dans cet antre ténébreux, plus profonde devint ma conviction que quelque chose de toute autre nature devait se trouver dans l'arrière-fond. La lumière devint plus frappante lorsque j'appris que Saint-Martin, l'auteur de cette publication, devait être et était réellement l'un des coryphées du chapitre de Sion (le haut comité des amis réunis ou philalètes). Là se rattachaient tous les fils qui devaient se développer plus tard, pour préparer et tisser le manteau des mystères religieux (formes mystiques à la façon de Swedenborg et de l'épopte de Weishaupt) dont on s'affublait pour donner le change aux profanes.