IV. Hauts grades du rite français, Élu, Écossais, Chevalier d'Orient. Extraits, p.128-129

Dans la note 1 de la page 128, l'auteur énumère les différents grades de la maçonnerie en partant des grades symboliques ou maçonnerie bleue. Puis il parle du rite français ou moderne et ajoute :

« Le rite français ou moderne ajoute quatre grades aux trois premiers et en compte sept ; le rite des anciens maçons libres et acceptés d'Angleterre, se réduit aussi à sept ; le rite écossais ancien et accepté est celui réformé par Frédéric II, roi de Prusse : il a ajouté huit degrés aux vingt-cinq qui constituaient le rite [page 129] écossais ancien, appelé aussi de perfection ou d'Hérédom ; c'est celui que le Grand-Orient de France s'est également annexé ; Saint-Martin les a réduits à dix. Le rite ou régime rectifié, dit de la stricte observance, depuis la réforme du convent de Wilhemsbad, ne compte plus que cinq grades, mais le cinquième se divise en trois sections. Le rite ou ordre du temple se réduit aussi à sept, en faisant de ce septième la préparation au huitième ou dernier. Le rite du système de Zinnendorf, qui est celui de la grande loge nationale d'Allemagne à Berlin, se réduit également à sept grades. L'illuminisme, proprement dit de Weishaupt, s'élevait à neuf. Le rite suédois montait jusqu'à douze, et celui du système Swedemborg descendait à six. Le rite seul de Misraïm, divisant et subdivisant sans fin tous les autres, souvent en leur laissant leur nom, toujours leur esprit, s'élevait à quatre-vingt-dix, partagés en quatre séries (Clavel, Histoire pittoresque, statistique universelle de la Franc-maçonnerie, p.63. - Willaume, Manuel ou Tuileur, introduction. Ragon, Cours, etc., Table, etc., etc.) »

IV. Hauts grades du rite Écossais ancien et accepté. Extraits, p.197-199 ;  200-202 ; 204-205 ;

Extrait, p.197-199

Mais est-ce que le principe divin qui est Dieu, ou la nature, ou le feu n'est pas comporté par les minéraux, les végétaux, et par les autres animaux aussi bien que par l'homme, puisqu'ils font aussi bien que lui partie du dieu nature et du triangle sacré ? Il ne faut pas oublier, pour exalter le quaternaire, que le ternaire sacré aussi, qu'adorait Saint-Martin, au dire de L. Blanc, renfermait également l'égalité, la liberté et la fraternité, et que minéraux, végétaux et animaux, nous sommes tous côtés égaux du même triangle divin, tous frères et sœurs, comme l'enseignent avec toute la Maçonnerie, MM. Cousin et Michelet, et l'université impériale, royale et républicaine, aussi bien que le calendrier et les prénoms sous la République française, une et indivisible. Ce qui n'empêche pas que les gnostiques, dont sont descendus, selon Ragon, les Templiers et les Francs-maçons de toutes les sectes, n'aient prétendu, selon Ragon encore, que tout l'édifice de leur science reposait sur un carré dont les angles étaient : Sighé, silence, Bathos, profondeur, Nous, intelligence et Aletheia, vérité, et que Saint-Martin n'ait expliqué aussi à sa manière le quaternaire ou carré s'appuyant sur le ternaire, et le ternaire fondé sur l'unité...

« Il n'y a que trois éléments, dit-il dans son livre fameux, Erreurs et Vérités : la terre, l'eau et le feu, comme il n'y a que trois dimensions dans les corps, trois figures dans la [page 198] géométrie, trois facultés innées dans quelque être que ce soit, trois degrés d'expiation pour l'homme, ou trois grades dans la vraie Franc-maçonnerie. [Des Erreurs, p.135]

« Je déclare, ajoute-t-il, que personne ne respecte plus que moi le ternaire sacré ; je sais que sans lui rien ne serait de ce que l'homme voit et de ce qu'il connaît ; je proteste que je crois qu'il a existé éternellement et qu'il existera A JAMAIS ; et j'ose dire à mes semblables que malgré toute la vénération qu'ils portent au ternaire, l'idée qu'ils en ont est encore au-dessous de ce qu'ils devraient avoir ; je les engage à être très réservés dans les jugements sur cet objet. Enfin, il est très vrai qu'il y a trois en un, mais qu'il ne peut y avoir un en trois, sans que celui qui serait tel ne fut sujet à la mort ( ce qui est la négation palpable du mystère chrétien de la Sainte Trinité). [Des Erreurs, p.137]

« Il y a sans doute dans ce fluide (l'air), un principe que nous devons appeler air ; mais il est incomparablement plus actif et plus puissant que les éléments grossiers et terrestres dont les corps sont composés, ce qui se confirmé par mille expériences. Cet air est une production du feu, non de ce feu matériel que nous connaissons, mais du feu qui a produit le feu et toutes les choses sensibles. L'air, en un mot, est absolument nécessaire pour l'entretien et la vie de tous les corps élémentaires; il ne subsiste pas plus longtemps qu'eux, mais n'étant pas matière comme eux, on ne peut le regarder comme élément, et par conséquent il est vrai de dire qu'il ne peut entrer dans la composition des corps.

« Quelle sera donc sa destination dans la nature ? Nous ne craindrons pas de dire qu'il n'est proposé que pour communiquer aux êtres corporels la force et la vertu de ce FEU qui les a produits : il est le char de la vie des éléments, et ce n'est que par son secours qu'ils peuvent recevoir le soutien de leur existence, comme sans lui toutes les circonférences (tous les zéros, comme il l'a dit dans les passages cités au commencement de ce chapitre) rentreraient dans le centre d'où elles sont sorties (l'unité ou la première cause, comme il va le dire encore plus loin). [Des Erreurs, p.138-139]

« Veut-on, puisque l'occasion s'en présente, apprendre encore à évaluer plus juste ce que sont les corps ? Pour cet [page 199] effet, on n'a qu'à suivre l'ordre inverse de leur formation. Les solides se trouvent composés de surfaces, les surfaces de lignes, les lignes de points ; c'est-à-dire de principes qui n'ont ni longueur, ni largeur, ni profondeur, en un mot, qui n'ont aucune des dimensions de la matière, ainsi que je l'ai amplement exposé, lorsque j'ai eu lieu d'en parler. Qu'on ramène donc ainsi les corps à leur source et à leur essence primitive, et que l'on voie par là l'idée que l'on doit avoir de la matière. » [Des Erreurs, p.445-446]

Extrait, p.200-202

Il y a donc jusqu'ici parfait accord sur l'unité, le ternaire et le quaternaire, entre le fondateur des loges martinistes ou illuminées, et l'interprète autorisé [il s'agit de Ragon] du Grand-Orient; entre eux et la philosophie de M. Cousin ; c'est la confirmation sans réplique de tout ce que nous avons dit en commençant de l'influence de l'esprit de Saint-Martin au congrès de Wilhemsbad, et de ce que nous dirons plus tard de la philosophie universitaire ou d’État. Voyons s'ils ne seront pas d'accord aussi sur le nom réel de cette unité : Dieu-Pan ou cause universelle, primordiale, premier principe, principe radical, racine de toutes les puissances qui pourtant ne sont rien.

Cette cause première, ce dieu Pan ou Tout, quel est-il ? Le philosophe inconnu a refusé plus haut d'en dire le nom même, parce que ce seul nom empêchait d'y croire ; mais n'en serait-il pas de lui comme du nombre un, et ne le découvrirons-nous pas dans la progression des puissances. et dans la raison même du refus d'en dire le nom?

« Dans l'ordre vrai des choses, dit-il encore, plus le degré des puissances est élevé, plus la puissance s'affaiblit, parce qu'alors elle est plus éloignée de la puissance première, d'où toutes les puissances subséquentes sont émanées. Ainsi les premiers termes de la progression, étant plus voisins du terme radical, ont des propriétés plus actives et par conséquent des effets plus sensibles, et par là plus faciles à distinguer... Voila pourquoi le minéral est plus difficile à distinguer du végétal, que le végétal de l'animal; car c'est dans le minéral que se trouve le dernier terme de la progression des choses créées. » Des Erreurs, p.58] Il ajoute que les trois éléments ne servent de signe pour démêler les différents règnes que par leur domination dans chacun, les deux autres devant y exister aussi, mais en moindre proportion. « Si l'homme, continue-t-il, avait une chimie par laquelle il pût, sans décomposer les corps, connaître leurs vrais principes, il verrait que le feu est le propre de l'animal; l'eau, le propre du végétal; et la terre, le propre du minéral. Alors il aurait des signes encore plus certains pour reconnaître la véritable nature des êtres et ne serait plus embarrassé pour discerner leur rang et leur classe. » [Des Erreurs, p.59]

Rapprochons de ce passage identiquement le même qu'un de ceux de maître Ragon, cité plus haut comme explication [page 201] du ternaire, celui de la page 66 déjà cité du livre de Saint-Martin.

« Cette supériorité du principe actif et intelligent de l'homme ne doit plus nous étonner, si nous nous rappelons la propriété de cette progression quaternaire, qui fixe le rang et les facultés des êtres, et qui ennoblit leur essence en raison de ce qu'ils sont les plus voisins du premier terme de la progression. L'homme est la seconde puissance de ce premier terme générateur (Erreurs et Vérité, p. 58, 59, 60.). » Mais ce terme, basé, ou fondement, ou raison des trois autres côtés du quaternaire, être premier, unique, universel, qui s'est manifesté dans toutes les productions sensibles, n'est-ce pas le feu, ce feu qui domine dans l'homme, dans l'animal, comme étant le plus voisin de lui ou du premier terme de la progression, du feu qui a produit notre feu et toutes les choses sensibles, comme il a dit plus haut ; le feu que maître Ragon, au nom du Grand-Orient; proclame à chaque grade : Dieu, Pan, le vieux Jehovah de la Franc-maçonnerie, le grand architecte de tout l'univers, le feu que Voltaire a chanté en vers latins, comme ayant toutes les propriétés divines, vers que Ragon a commentés et exaltés dans son Rose-Croix ? Le nommer n'est-ce pas par là même empêcher d'y croire, comme le déclaré le fondateur de l'illuminisme français, l'inspirateur de tous les rites maçonniques? Et le sens intime, la conscience de tous les peuples et leurs universelles traditions ne se soulèvent-elles pas d'horreur pour le repousser aux enfers d'où il est sorti, et aux loges dont il est la voie et la vie ?... (note de l'auteur)

Le 29e grade écossais lui est donc spécialement consacré ; il a pour couleur le rouge, la couleur du feu, selon la parole de l'hiérophante, et ses signes, dit le Manuel général, sont les [page 202] signes des trois règnes qu'il produit et dans la progression signalée par le philosophe inconnu : signe de la terre, signe de l'eau, signe du feu ; suivi du signe de l'admiration ou de l'adoration égalitaire plutôt, puisqu'il consiste à lever les yeux au ciel, les deux mains en l'air, et à incliner le genou gauche derrière la jambe droite, de façon à former l'équerre, signe de l'égalité; puis enfin du signe du soleil qui confirme tous les autres, et qui se fait en disant: Je compasse jusqu'au soleil (p. 217, 218). 

Note de l'auteur : Dans l'édition d’Édimbourg, en 1782, cinq ans après celle que nous avons entre les mains, et beaucoup moins énigmatique, le nombre quaternaire c'est le soleil, le nombre 9 ou zéro, c'est la lune et par conséquent la terre dont elle est le satellite, p. 114, et 115, et l'adepte en conclut que l'homme avant le temps, de toute éternité, à l'état de feu pur ou d'esprit, était dans le soleil, qu'il s'en est échappé par le rayon, et qu'arrivé à la terre, en passant par la lune, il reviendra un jour à son centre, le feu. Quelle lumière satanique, quelle démonstration de l'enfer ! Barruel. Mémoires sur le Jacobinisme, tome II, p. 248, 249,

Extrait, p.204-205

Et puis au milieu de tous ces points ou principes producteurs ou produits, dieux multipliés et se multipliant à l'infini, que devient le mauvais principe, sinon une absurdité de plus, et qui met le comble à cet infiniment absurde?
« Le principe mauvais, dit le fondateur Saint-Martin, était bon avant d'enfanter l'acte qui l'a rendu mauvais; il était provenu du bon principe ou principe supérieur, et il était bon parce que l'être qui l'avait produit était la bonté, l'excellence même; mais il avait la faculté de faire ou de ne pas faire ce qui lui était imposé par son origine, tandis que le principe supérieur, portant en lui-même sa propre loi, est dans la nécessité de rester dans le bien qui le constitue, sans pouvoir jamais tendre à une autre fin. (Et pourtant ! Ce Dieu ou le bon principe, quoique tenant de soi toute sa puissance, ne pouvait former ni ce monde ni aucun être corporel sans les moyens du Dieu méchant. » Et en cela le philosophe inconnu est d'accord avec maître Ragon et maître Clavel, lorsqu'ils disent que les deux principes du bien et du mal, de la vie et de la mort, de la lumière et des ténèbres, entretiennent l'équilibre du monde.

« On voit, au contraire, tous les jours, par ses œuvres, que l'auteur du mal est comme enchaîné à sa volonté criminelle, en sorte qu'il ne produit pas un seul acte qui n'ait pour but de perpétuer la confusion et le désordre. Abîmé dans ses propres termes, il n'est susceptible d'aucune lumière et d'aucun retour au bon principe. Sa volonté et toutes ses facultés sont tout à fait impures et corrompues ; il n'a par lui-même aucune correspondance avec le bien ; il n'est en son pouvoir ni de le connaître, ni de le:sentir; la faculté et la liberté d'y revenir sont toujours sans effet pour lui; c'est ce qui rend si horrible la privation à laquelle il se trouve condamné (Histoire pittoresque de la Maçonnerie, p.75, et Erreurs et Vérités, p.28, 30, 31).

Or, comment le mauvais principe, non pas créé, mais provenu du bon, de l'unité, terme générateur, universel, propriété productrice, innée dans tout être simple, et opérant sa réintégration dans le principe, hors duquel tout le reste n'est qu'apparent, ou zéro en réalité, comment ce mauvais principe, [page 205] même essence que le bon, comme il a été dit plus haut, feu en un mot, peut-il avoir ainsi changé de nature, d'essence, de manière à devenir essentiellement et fatalement mauvais, et à ne produire que des actes dont le but n'est que la confusion et le désordre ? Peut-on imaginer plus de contradictions réunies en une seule, et de plus palpables ? Ou la racine innée en lui, et qui le fait ce qu'il est, est la racine, l'unité, cause première et universelle de tout, le feu, comme l'affirme partout le philosophe inconnu, ou elle ne l'est pas. Si c'est la même, essentiellement bonne, ne pouvant devenir mauvaise, comment l'est-elle devenue ? Et il faut en dire autant de l'esprit devenu homme, qui s'est égaré avant d'être exilé dans le corps, en passant de quatre à neuf, ou du centre à la circonférence; sinon, tous les êtres simples, produits par le un, cause universelle, n'ont pas la même racine innée en eux ; ils n'en sont donc en aucune façon une puissance quelconque ; et alors tout le système s'écroule : des deux côtés ineffable contradiction! Faut-il s'étonner que Voltaire, tout bon maçon qu'il fût, écrivît à d'Alembert, 22 octobre 1776, en parlant du livre de St-Martin ? : « Jamais on n'imprima rien de plus absurde, de plus obscur, de plus fou et de plus sot. » Ce qui convient également au système philosophique de M. Cousin et de l'enseignement universitaire.