Les sociétés secrètes destructrices de toute autorité - Témoignages. Extrait, p.450-453

[...] Parmi tous ces discours il y en avait un que le frère Robinet [Jean-Baptiste-René Robinet (1735-1820)] avait prononcé dans la loge des chevaliers bienfaisants de la sainte cité à Lyon, lorsque le grand-maître de l'ordre, le duc de Chartres, depuis duc d'Orléans et enfin Égalité, vint la visiter, dans lequel on retrouvait le germe et la substance de son célèbre ouvrage, La Nature on l'homme moral et physique, et je puis ajouter le Système de la nature de Diderot (tout ce qu'il y a de plus impie !). On en trouve un que le frère Condorcet prononça dans la loge des philalèthes à Strasbourg, où nous voyons le plan de son ouvrage posthume, les progrès de l'esprit humain (où il fait descendre les francs-maçons des Gnostiques, des Manichéens, des Albigeois et des Patares, des Templiers etc., tous communistes complets), et un autre de Mirabeau, dans la loge des chevaliers bienfaisants, à Paris, qui est rempli des principes de nivellement et de cosmopolisme...Mais les productions les plus remarquables que nous ayons dans ce genre sont les Archives mystico-hermétiques et le livre Des erreurs et de la vérité. Le premier est une relation historique et dogmatique du système de la loge des chevaliers bienfaisants à Lyon (centre et tête du Martinisme). Elle était la plus zélée de toutes les loges cosmopolites de France. Elle travailla pendant longtemps sous la protection particulière du grand-maître le duc de Chartres, ensuite duc d'Orléans, enfin Philippe-Égalité. Il se forma dans plusieurs villes de France des loges qui s'y affilièrent. Celles de Paris, Strasbourg, Lille et Toulouse, ajoutèrent à ce titre celui de philalèthes (on se rappelle que c'est dans celle de Paris que se consomma la fusion de l'Illuminisme bavarois et français et de la Franc-maçonnerie, commencée au convent de Wilhemsbade [sic]). Elles prirent ensuite le nom d'amis réunis de la vérité. Une de celles formées à Paris sous cette dénomination devint très célèbre. La mère-loge, qui était à Lyon, étendit ses correspondances en Allemagne et dans tous les autres pays étrangers, et y envoya des règlements et des systèmes d’APRÈS LESQUELS TOUTES LES LOGES DIRIGEAIENT LEURS OPÉRATIONS. [...]

[page 451] L'autre ouvrage : Des erreurs et de la vérité, est dans les mêmes principes, et peut être considéré comme l'Écriture Sainte, ou au moins le Talmud des maçons français. »
Nous avons fait connaître dans les premiers.chapitres la partie religieuse et la morale de ce livre ; bientôt nous en donnerons la partie politique.
« La même matière (l’âme du monde, feu ou dieu Pan) a été traitée d'une manière beaucoup plus détaillée dans un autre ouvrage : Tableau des rapports entre l'homme, Dieu et l'univers, qui est sans contredit de la même main, dit encore Robison. On se convaincra aisément que l'auteur n'a rien pu écrire de clair sur des choses de cette nature, et que toutes ses démonstrations ne peuvent être que des sophismes... Il y débite une morale outrée, comme dans son autre livre, et s'abandonne aux mêmes lamentations sur l'état déplorable auquel le genre humain est réduit par l'oppression des grands et des gens puissants, qui se sont ligués pour détruire la félicité de leurs semblables, en entravant tellement leurs esprits qu'ils sont volontairement devenus leurs esclaves. Pour parvenir à leur but, dit encore cet auteur, ils eurent besoin du secours de la superstition, et les princes enrôlèrent une foule de prêtres qui, abusant de la confiance qu'ils inspiraient, remplirent tous les esprits de terreurs religieuses. L'autel devint le plus ferme soutien du trône, et les hommes furent enchainés. L'étude de la raison peut seule les soustraire à cet état abject. Qu'ils dissipent donc leurs craintes, ils connaitront leurs droits et les moyens de les recouvrer.

« Il est particulièrement à remarquer que ce système, si l'on peut appeler ainsi une masse d'assertions aussi contradictoires, a beaucoup de ressemblance avec un ouvrage de Toland, (célèbre athée anglais), publié en 1720 sous le titre de Pantheisticon seu celebratio sodalilii socratici, qui rend compte des principes d'une confrérie qu'il nomme socratica, et dont les frères sont appelés pantheistæ. Il donne aussi des détails sur la doctrine qu'ils observent dans leur loge, sur [page 453] les cérémonies pour ouvrir et fermer la loge, pour l'admission des frères à tous les différents grades, etc. La raison est le soleil qui illumine cette secte, et la liberté et l'égalité sont les objets de leur culte.

« Ce livre fut très estimé en Allemagne ; il y fut traduit, commenté... Mirabeau se donna beaucoup de soin pour le faire adopter : ainsi nous devons considérer cet ouvrage comme un des trésors des opinions cosmopolitiques des chevaliers bienfaisants, des philalèthes et des amis réunis, qui furent appelées les loges perfectionnées, travaillant sous le duc de Chartres, Philippe-Egalité. Ces loges étaient au nombre de 266 en 1781( France), et ce qu'il est très important de remarquer, c'est que celle de Lyon avait envoyé un député (même plusieurs) à la grande convention de Wilhemsbade tenue en Allemagne en 1772, et qu'il s'y traita des affaires d'une si grande conséquence qu'il y resta deux ans. 

« Le livre Des erreurs et de la vérité doit donc être considéré comme un ouvrage classique dans ces opinions; nous savons qu'il fut l'ouvrage de la loge des chevaliers bienfaisants de Lyon. NOUS SAVONS QUE CETTE LOGE A TOUJOURS ÉTÉ A LA TÊTE DE LA FRANC-MAÇONNERIE FRANÇAISE, que c'est dans son sein que s'est formé l'Ordre des chevaliers Templiers maçonniques, et qu'elle a toujours été considérée comme le modèle de cette chevalerie hypocrite. Nous avons dans le nombre des orateurs et des grands officiers beaucoup de personnes qui ont enfin eu les occasions de proclamer leurs sentiments en public. L'abbé Sieyès était de la loge des philalèthes de Paris, et de celle de Lyon. Lequinio, auteur du plus infâme livre qui ait jamais souillé la presse, les Préjuges vaincus par la raison, était surveillant dans la loge du contrat social. Despréménil, Bailly, Fauchet furent du même système, quoique dans des loges différentes ; on les appelait Martinistes, du nom de leur chef Saint-Martin...

[Ces citations proviennent de John Robison (1739-1805) - Proofs of a Conspiracy against all the Religions and Governments of Europe, carried on in the Secret Meetings of Free-Masons, Illuminati and Reading Societies, etc. - Preuves de conspiration contre les religions et tous les gouvernements de l'Europe, ourdis dans les assemblées secrètes des illuminés et des francs-maçons, 1798, p.41 et suiv.] 

Extrait, p.455

« Il parut, continue le ministre, grand directeur, un écrit portant pour titre ERREURS ET VÉRITÉS. Cet ouvrage fit grande sensation et produisit sur moi la plus vive impression. Je crus d'abord y trouver ce qui, d'après ma première opinion, était caché sous les emblèmes de l'ordre; mais à mesure que je pénétrai plus avant dans cet antre ténébreux, plus profonde devint ma conviction que quelque chose de tout autre nature devait se trouver dans l'arrière-fond. La lumière devint plus frappante lorsque j'appris que Saint-Martin, auteur de cette publication, devait être et était réellement l'un des coryphées du chapitre de Sion (loge supérieure directrice). Là se rattachaient tous les fils qui devaient se développer plus tard, pour préparer et tisser le manteau des mystères religieux dont on s'affublait pour donner le change au profane.

J'acquis alors la ferme conviction que le drame commencé en 1788 et 1789, LA RÉVOLUTION FRANÇAISE, LE RÉGICIDE AVEC TOUTES SES HORREURS, non-seulement y avaient été résolus alors, mais encore étaient le résultat des associations et des serments etc... Que ceux qui connaissent mon cœur et mon intelligence jugent de l'impression que ces découvertes produisirent sur moi !

[ici, l'auteur, N. Deschamps, cite le mémoire du comte de Haugwitz, Dorow's Denkschriften und Briefen zur Charakteristik der Welt und Literatur. Berlin 1840, t.IV, p.211-221. La traduction française se trouve dans l'ouvrage La franc-maçonnerie et la révolution, par François-Xavier Gautrelet, p.499 et suiv.,]

Rites adonhiramite, écossais, allemand ou templier français et égyptien... Extrait, p. 464

Le franc-maçon a figuré, au grade d'apprenti, l'homme de la nature à sa première apparition, l'an 0,000,000, seule date raisonnable, dit Ragon, soit qu'il sortît de terre à la manière des champignons, comme le suppose la Maçonnerie en chœur, avec le spiritisme, petit-fils de Saint-Martin, soit qu'il se transformât de poisson, de grenouille ou de singe on homme, par l'effet d'une suite d'évolutions, comme le veulent les grands-pères de la génération spontanée, et le grand ministre de l'enseignement d'État en France, M. Duruy.