Rencontre avec F.-C. Barlet, pseudonyme de Albert Faucheux (1838-1921) pages 218-219

À l’écart, souriant et l’air débonnaire, un vieillard craintif semblait vouloir s’effacer.
On eut dit un rabbin d’autrefois avec son visage d’ivoire jaune, sa barbe blanche, ses yeux profonds et doux qui éclairaient un front lisse et bombé, séparés par l’arête recourbée du nez mince rejoignant la moustache soyeuse. Les dents étaient superbes.

— Un de nos maîtres les plus savants et les plus modestes, l’un des Adeptes — déclara Sédir à Lambert qui s’inclina devant celui qui n’était autre que F. Ch. Barlet, philosophe pythagoricien de la Compagnie, membre influent du Suprême Conseil de l’Ordre de la Rose-Croix, de même que Sédir.

Le vieillard à face de rabbin devint rose de confusion et protesta de son ignorance, en tendant à Lambert ses doigts longs et coniques d’idéaliste et d’homme candide, désarmé devant les embûches de la vie, qui ne sait rien de la malice humaine et dont on abuse à souhait car le mensonge, l’hypocrise lui sont étrangers.

— Je ne suis qu’un simple étudiant, assura-t-il. Je ne sais rien et j’apprends tous les jours.

Il s’occupait spécialement d’astrologie à ce moment-là, mais était supérieur dans toutes les sciences de l’Occultisme, venait de publier un Essai de Chimie Synthétique et possédait une [page 219] connaissance étendue, coordonnée en système colossal, effarant par sa complexité indéfinie.

La bonne foi, l’érudition tranquille de Barlet, faisaient de lui un des piliers de l’École. Il appartenait à une société secrète très occulte d’Orient et parut à Lambert en possession d’idées extrêmement vastes quoique mélangées de croyances singulièrement archaïques, pour un cerveau puissant comme le sien. C’était un ensemble de théurgie alexandrine et de science, de loyauté et de foi ardente. Le génie a de ces mélanges.

Lambert se promit de poursuivre les relations ébauchées avec Barlet qui, réfugié dans l’ombre, théoricien pur, contrastait avec les autres maîtres par sa bonhomie provinciale, sa bourgeoise attitude. Il n’avait rien de parisien ni d’imposant, se montrait gêné d’allures, et sauf la sculpture noble de sa tête pour qui en détaillait les lignes, il ressemblait à un honnête fonctionnaire.