Les diverses personnalités de l’École Martiniste, pages 235-237

Or les tempéraments des diverses personnalités qui se trouvaient à la tête de l’École Martiniste, différents et opposés, se complétaient et s’harmonisaient dans l'équilibre du courant hermétique ainsi formé.

Papus était l’agent actif, aux idées nombreuses, apte à diriger, canaliser, adapter les doctrines successives, davantage que pour les analyser ou les éclaircir par une étude originale et soutenue.
Il organisait et produisait. Son œuvre matérielle et intellectuelle le démontrait : ses livres avaient propagé l’occultisme partout, comme ses fondations l’avaient groupé, discipliné et rendu actif. Papus était le Balzac de l’Occultisme. Il avait le génie des affaires immenses. [page 236]

Guaita — qui venait de mourir à 37 ans — avait été et resterait le penseur vigoureux qui, personnellement, s’adonnait à la Magie et osait poursuivre, dans la pratique, ses projets. Il demeurerait le grand seigneur de l’Hermétisme, raffiné jusqu’à la morbidesse, le Mage puissant, isolé et volontaire.

Saint-Yves d'Alveydre, grand mystique aristocrate, s’opposait à l'œuvre de magie. Il attendait la lumière et la sagesse de la prière, du sacrifice et du renoncement intérieur, la vérité, du jeu subtil de son Archéomètre et l’ordre social de la Synarchie. Il conseillait volontiers d’aller à l’Eglise et de garder la foi aux symboles.
Elégant et disert, obscur et éloquent, pareil à un Soleil que l’on devine radieux derrière des nuages charmants, il s’effaçait dans une pénombre voulue et nuancée. Le public l’ignorait ; quelques disciples le vénéraient à l’égal d’un demi-dieu.

Sédir, attaché aussi au mysticisme, mais éclectique à cette époque, adepte du brahmanisme autant que du christianisme ésotériques, discret et compilateur fidèle, nature compréhensive mais portée vers les cimes du Mystère, cherchait en dehors de la Science, à l’instar de Saint-Yves dont il était l’ami, la vision béatifique de l’Infini.

Barlet seul, (et Marins Decrespe, ce dernier, beau brun ténébreux disparu prématurément à 35 ans), apportait des tendances rationnelles. Il s’appuyait sur le chiffre, le nombre, l’atome, la force connue, pour édifier sa philosophie de l’Inconnu.

Lui, Lambert, venait renforcer le parti de la Science, plus foncièrement positiviste, malgré le [page 237] mysticisme de son esprit, que n’importe lequel des adeptes d’Hermès.
Tous se contrebalançaient donc dans l’Ordre Martiniste, et de cette divergence naissait la justice équilibrante.