Discours de Papus, pages 221-223
— Te voici notre frère.
Tu es lié à nous, non par un pacte quelconque, non par obligation, mais par la communauté d’idées, de pensées et de sentiments qu’inculque le plus pur idéal.
Tu es venu à nous librement. Tu peux nous quitter de même. Mais n’oublie jamais les devoirs de l’amitié et de la discrétion.
Nous t’avons reçu avec joie, car nous savons que ton esprit est éclairé par le rayon hyperphysique de la lumière intérieure, et que ton âme est juste. La paix de la bonne volonté est en ton cœur.
Nous t’accueillons comme initié, nous initiés. Mais, tu ne l’ignores point, nous ne t’avons point conféré, à vrai dire, l’initiation.
L’initiation est personnelle. Elle ne se communique point, pas plus que le génie, le sens de la Beauté ou le talent. Chacun, à l’heure voulue, la trouve au plus profond de sa conscience illuminée par l’Être Éternel.
Tu étais initié, malgré ta jeunesse, grâce à ta propre connaissance, et déjà tu as parcouru un chemin étendu dans le domaine mystérieux de l'Occulte.
L’Homme est son maître à lui-même, puisqu’il est un effet de sa volonté harmonieuse, mais c’est l’Invisible qui le guide et le dirige.
Et c’est l’Invisible aussi qui t’a amené parmi nous, pour collaborer à l’édifice que nous construisons : la Pierre Cubique du Temple d’Hiram.
Ici, nous ne faisons que confirmer, entre compagnons assemblés et qui ont résolu de t’accueillir, la lumière divine que tu as obtenue et [page 222] que tu entretiendras en toi avec amour et fidélité, sans défaillir, nous en sommes garants.
Tu étais un appelé, dès longtemps, mon frère et te voici maintenant élu au Sanctuaire d’Hermès où tu prends place comme l’un des fils particulièrement affectionnés du trois fois grand : Trismégiste...
...Tu sais pourquoi nous enfermons dans le secret de l’Ordre, les majestueuses vérités, à la diffusion opportune desquelles nous travaillons d’autre part, avec enthousiasme et prudence.
La raison de notre obscurité apparente, tu la connais. Elle réside dans la circonspection du mage. Et je n’ai point besoin de t’intimer le commandement d’être supérieur et de rester inconnu. Les symboles te sont familiers, ô mon frère, et le masque qui nous dissimule le visage t’indiquerait, à lui seul, le danger, la folie et la vanité des révélations téméraires et des gloires du monde. L’Initié se recueille, cache sa vie et ne montre que ses actes. L’humilité sert sa puissance et l’orgueil ou l’égoïsme la détruisent.
Nous devons être ignorés, afin de conserver l’indépendance de notre esprit et de notre âme. Nous ne sommes que des ombres pour la foule, car il nous est interdit de jeter les perles aux profanes, de l’avis même du plus parfait des Fils de Dieu : Jésus le Christ, notre Maître Suprême ; et pour que l’on ne nous ravisse point les trésors dont nos mains sont pleines, il nous faut passer inaperçus.
Ces trésors d’ailleurs offriraient le plus grand danger à ceux dont le cœur n’est point épuré.
C’est pourquoi on écarte les imparfaits du jardin de la Science du Bien et du Mal. [page223]
Nous éloignons les indiscrets, les curieux, les sceptiques, qui, s’ils maniaient imprudemment les forces magiques dont nous disposons, périraient. La noblesse de l’âme est indispensable à qui prétend affronter, sans péril, les contrées invisibles.
Le gardien est là, incorruptible et farouche, armé du glaive, sur la montagne sacrée d’où l'Eternel fait entendre sa Voix.
Il ne laisse franchir le seuil du mystère qu’à celui qui sait, qui veut, qui ose et qui se tait.
Rappelle-toi toujours, initié, en quelques circonstances du destin que ce soit, tes obligations morales imprescriptibles.
Choisi par l’Invisible pour consacrer ton intelligence et tes énergies à l’élucidation de la nature intime des corps, de leurs combinaisons et de leurs luttes, à l’Alchimie dont les regards pénètrent jusqu’au fond de la Matière vivante, conserve donc intact le patrimoine de sa tradition millénaire, conforme tes actes à l’Idéal surhumain que tu portes religieusement en toi-même... N’emploie jamais l’or à une fin personnelle ou indigne.
Souviens-toi, Initié, notre frère de dilection, que l’Or est le symbole de l’Absolu, de l’Unité à jamais reconquise et que l’Or, fruit de l’Œuvre du Soleil, ne brille de tout son éclat que lorsque nulle poussière ne souille plus son essence ».
Alors, tous les initiés de la Loge, d’un même geste, enlevèrent leurs masques, puisque tous, ici, étaient frères et féaux.