[Décès]

Il mourut subitement dans le joli pays d'Aulnay, chez son ami le sénateur Lenoir-Laroche, le 13 octobre 1803 (8). – Dans ce souvenir rapide que je viens de lui consacrer et dont j'ai cru qu'il était digne, je ne vais point jusqu'à conseiller de relire aucun ouvrage de lui : « Ceux qui ont de l'âme, disait-il, prêtent à mes ouvrages ce qui leur manque : ceux qui ne les lisent point avec leur âme leur refusent même ce qu'ils ont. » [Mon Portrait, 1093]. S'il disait cela en son temps et à l'heure de la publication, que sera-ce à plus de cinquante ans de distance ? Ce qu'il appelle l'âme même n'y suffi pas : il faut un effort philosophique qui laisse souvent le lecteur à moitié du chemin. Mais ce que je désirerais vivement, c'est que le manuscrit que j'ai sous les yeux, Mon portrait historique et philosophique, qui n'a été imprimé que tronqué et très incomplet, s'imprimât dans toute sa suite (à part huit ou dix Pensées qu'il faudrait absolument retrancher comme étant de trop mauvais goût) ; on aurait alors un Saint-Martin à l'usage de tout le monde, à l'usage de ceux qui hantent Gui Patin comme de ceux qui lisent Platon ; un peu singulier, un peu naïf, agréable, touchant, élevé, communicatif, parfois bien crédule, nullement dangereux : on aurait enfin ce qui plaît toujours dans un auteur et ce qu'on aime à y rencontrer, un homme et un homme simple.

Sainte-Beuve